De la distinction du dol « principal » et du dol « incident » : quelle transformation ?

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Le droit des contrats est, on l’a bien compris à présent, en pleine évolution depuis l’entrée en vigueur le 1er octobre 2016 de l’ordonnance le réformant.
S’agissant des vices du consentement, l’ordonnance conserve les trois vices que sont l’erreur, le dol et la violence (article 1130 du Code civil) et étend considérablement le vice de violence à travers la notion nouvelle « d’abus de l’état de dépendance » (art. 1143) qui accueille notamment, mais pas seulement, la violence économique.
 

Dans la suite de ces changements, qu’en est-il de la distinction entre le dol « principal » et le dol « incident » ?

Le dol est une manœuvre ayant pour but et pour résultat de surprendre, d’altérer le consentement d’une partie.

Parmi les conditions qui le caractérisent (qu’il ait été malhonnête, qu’il provienne du contractant), le dol doit être déterminant pour être sanctionné. On distinguait traditionnellement le dol « principal » et le dol « incident ».

Dans le premier cas, la nullité pouvait être prononcée même si l’erreur provoquée n’avait pas porté sur les qualités substantielles dès lors qu’elle avait déterminé le consentement de la partie.
Au contraire, le dol « incident » ne portait que sur des parties secondaires du contrat qui n’auraient pas bloqué la conclusion du contrat mais auraient simplement incité la partie à contracter à des conditions différentes.

Dans cette hypothèse, la sanction était toute autre puisque le dol incident permettait, non pas d’obtenir la nullité du contrat, mais simplement l’allocation de dommages-intérêts si un préjudice avait été causé ou une diminution de prix.
C’est sur cette distinction que revient l’arrêt de la chambre commerciale du 30 mars 2016 pourvoi n°14-11684 à laquelle la Cour de cassation met fin.

En l’espèce, il était reproché à la Cour d’appel d’avoir fait droit à la demande en nullité d’une cession de parts pour dol en retenant que s’il avait eu connaissance des faits reprochés au moment de la cession, la partie victime du dol, en aurait certainement revu les modalités d’acquisition.

La Cour de cassation approuve la position de la Cour d’appel « dès lors que les éléments étaient déterminants pour le cessionnaire lequel n’avait pas été en mesure d’apprécier la valeur de la société cédée et ses perspectives de développement et n’aurait pas accepté les mêmes modalités d’acquisition s’il avait eu connaissance de la situation exacte de sa société ». 

Ainsi, c’est sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations que la Cour d’appel a décidé que les réticences dolosives imputables aux cédants entrainaient la nullité de la cession.
Est ainsi aboli en jurisprudence la distinction entre dol « principal » et dol « incident ».


Qu’en est-il depuis l’entrée en vigueur du nouveau droit des contrats issue de l’ordonnance de 2016 ?


L’article 1130 nouveau du Code civil dispose :
« L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes… »

Et l’article 1131 qui précise :
« Les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat. »

Il est intéressant de comparer les termes l’article 1130 du Code civil précité avec ceux de l’article 1116 ancien du Code civil suivant lequel :
« Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté ».

Ainsi, si l’article 1130 nouveau du Code civil évoque la distinction entre le dol « principal » et le dol « incident », il supprime la distinction quant à leurs effets qui dans un cas comme dans l’autre est susceptible de provoquer nullité du contrat.

Géraldine Lamoril 
Docteur en droit privé – Consultante-formation

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