Droit des affaires : l’actualité législative marquante de l’automne 2016

Publié le - Mise à jour le

Retour aux actualités
Construction d'une république numérique, lutte contre la corruption par la mise en place de programmes de conformité et la transaction pénale, modernisation de la justice du XXIème, autant de défis qui sont au cœur des débats parlementaires actuels :  une actualité riche et variée à suivre en cette rentrée 2016.
 

La loi sur le numérique : pour une république numérique

Le projet de loi sur le numérique s'inscrit dans la révolution numérique en cours et la gestion de la donnée « le pétrole du 21ème siècle » qui impliquent de profondes transformations. Il s'articule autour de trois axes :
L'ouverture des données public en permettant à toutes les administrations une ouverture des données entre elles et au public, en créant un service public de la donnée et en introduisant la notion de données d'intérêt général ;
La poursuite de la protection des données personnelles et l'encadrement de la loyauté des plateformes numériques associé à l'information adéquate du consommateur;
La couverture du territoire et l'accessibilité pour les personnes fragiles aux services du numérique
La question des données personnelles requiert une grande vigilance.
Sont ainsi consacrés plusieurs principes :


le droit à la portabilité des données dont l'objectif est de permettre à chaque personne d'obtenir le transfert de ses données personnelles d'un prestataire vers un autre. Les responsables du traitement devront être mesure de transférer dans un format structuré les données afin d'en assurer la réutilisation, ce qui va nécessiter que de nouvelles mesures techniques soient déployées pour garantir l'exercice de ce droit ;

Le droit à l'oubli numérique qui  donne la possibilité à  toute personne d'obtenir l'effacement des données et leur déréférencement, sauf motif d'intérêt général ou autre cas spécifique. Le projet de loi sur la république numérique organise la mort numérique en autorisant toute personne à définir des directives relatives à la conservation, à l'effacement et à la communication de ses données à caractère personnel après son décès. Ces directives peuvent-être enregistrées auprès d'un tiers de confiance numérique certifié par la Commission nationale de l'informatique et des libertés. En l'absence de directive, ce sont les héritiers qui peuvent exercer les droits de de cujus.

Une analyse fine doit être portée sur le consentement requis pour le traitement des données en concordance avec le principe de confidentialité des correspondances électronique privées ainsi que celles concernant les mineurs sous le contrôle des titulaires de l'autorité parentale.

Ce projet de loi anticipe l'entrée en vigueur de règlement européen pour les entreprises au sein de l'Union européenne applicable en mai 2018 autour duquel il s'articule et qui aura à terme vocation à remplacer la législation de 1978.

Ce texte d'application directe dans les états membres a vocation à s'appliquer à l'ensemble des traitements liés à l'offre de biens et de services à des personnes résidant au sein de l'union européenne, quel que soit le lieu du principal établissement du responsable de traitement.

Il renforce les droits des personnes visées par les traitements (consentement express, information, opposition, rectification, communication des données) et met en place des obligations spécifiques pour le ou les responsables de traitement et les sous-traitants, qui peuvent voire leur responsabilité engagées solidairement, afin de garantir la protection des données personnelles.

Il s'agit des démarches en amont dites de :


Privacy by design qui impose aux entreprises de prendre en compte les exigences relatives à la protection des données personnelles dès la conception des services, produits et systèmes exploitant des données à caractère personnel ;

Sécurity by default qui implique que soit mis en œuvre des mécanismes garantissant que seules seront traitées les données à caractère personnel nécessaires à chaque finalité du traitement. Dans le code des produits applicatifs devront être intégrés des dispositions permettant de discriminer les données ;

D'analyse d'impact qui, lorsque le traitement de données présente des risques particuliers au regard des droits et libertés des personnes visées du fait de sa nature, de sa portée ou de ses finalités, oblige les entreprises à effectuer une analyse d'impact du traitement envisagé avant sa mise en œuvre ;

D'accountability qui impose à tout responsable de traitement ou sous-traitant de conserver une trace documentaire de tous les traitements effectués sous leur responsabilité.

Un registre des activités de traitement devra être tenu par le représentant du responsable des traitements et des sous-traitants.

Corrélativement à l'ensemble de ces obligations, les formalités préalables des traitements auprès de la CNIL sont allégées par la suppression de l'obligation de déclaration préalable.

Autre nouveauté issue du règlement européen, le Délégué à la Protection des Données, interlocuteur privilégié de la CNIL et des personnes concernées, qui est appelé à se substituer à l'actuel  Correspondant Informatiques et Libertés dont la désignation devient obligatoire lorsque le traitement est effectué par une autorité et un organisme public, par une entreprise employant 250 personnes ou plus ou bien du fait des finalités poursuivies à caractère sensible.

Les entreprises se doivent de se préparer à la révolution en marche, car à défaut, elles d'exposent à de lourdes sanctions.

Ainsi, si le projet de loi sur le numérique limite la sanction pécuniaire en cas de manquement à 3 millions d'euros, le règlement européen va beaucoup plus loin en prévoyant deux paliers de sanction : 10 millions d'euros ou 2% du chiffre d'affaires mondial ou bien 20 millions d'euros ou 4% du chiffres d'affaires annuel. L'harmonisation entre le droit local et le droit européen montre ici sa limite.



La Loi Sapin 2 : la lutte contre la corruption et la transaction pénale

Ce  projet de loi, qui contient de nombreuses dispositions variées, a pour objectif de mettre la France au niveau des meilleurs standards internationaux dans le domaine de la transparence et de la lutte contre la corruption.

Il prévoit, entre autres mesure, de durcir la répression de la corruption d'agents étrangers, de créer une agence nationale de prévention de la corruption, d'améliorer la protection des lanceurs d'alerte, d'augmenter la transparence du lobbying économique auprès des autorités publiques, mais également de renforcer la régulation financière et la protection du consommateur en matière financière.

La lutte contre la corruption a des effets sur la croissance. Ainsi, en luttant contre la corruption, la France pourrait gagner 0,2% de croissance par an.

Trois points majeurs du projet de loi méritent à cet effet d'être mis en exergue :


De nombreuses missions sont distribuées à l'agence nationale de prévention et de détection de la corruption qui devra, pour n'en citer que quelques-unes, cartographier les risques, soutenir les lanceurs d'alerte, donner des orientations et élaborer des recommandations auprès des différents acteurs publics et économiques, émettre des directives relatives à l'obligation de prévention et de détection de la corruption incombant aux entreprises et en contrôler le respect, etc. Pour cela, elle sera dotée de pouvoirs : entendre toute personne, opérer des vérifications sur place, se faire communiquer des informations, prononcer des sanctions.

Les entreprises sont incitées à mettre en place des dispositifs anti-corruption et de justifier de programmes de compliance.

A cette fin, les sociétés qui, à la clôture de deux exercices consécutifs, emploient au moins cinq cents salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français et à l'étranger, et réalisent un chiffre d'affaires net d'au moins 100 millions d'euros devront établir des mesures proportionnées destinées à prévenir et détecter la commission de faits de corruption ou de trafic d'influence, en France ou à l'étranger, par leurs salariés, à savoir : adopter un code de conduite, mettre en place un dispositif d'alerte interne, établir une cartographie de risques, mettre en œuvre une procédure de vérification de l'intégrité des clients, des fournisseurs..., réaliser des contrôles comptables, dispenser des formations à l'attention des salariés exposés aux risques.

Il convient de relever également qu'en cas de condamnation pour des délits de corruption ou de trafic d'influence, une nouvelle  peine complémentaire de mise en conformité prévue par le nouvel article 131-39-1 du Code pénal pourra être prononcée. D'une durée de trois ans maximum, elle consistera en une obligation de mettre en œuvre un programme de conformité sous le contrôle de l'Agence.


Dispositif phare du projet de loi est la convention judiciaire d'intérêt public qui permettra de sanctionner les personnes morales ayant commis des faits de corruption ou trafic d'influence par la mise en œuvre d'un procédé transactionnel. L'action publique s'éteindrait en contrepartie du versement d'une amende pénale dont le montant ne pourrait excéder 30% du chiffre d'affaires annuel des trois dernières années et l'engagement de respecter un programme de mise en conformité. L'intérêt pour la justice sera la facilitation de la sanction, par la collaboration de l'entreprise, là où la preuve des faits est difficile.

La modernisation de la justice du XXIème siècle

Ce texte dont le but ultime est de rendre une justice plus efficace, plus accessible et plus indépendante, porte divers objectifs : renforcer la politique d'accès au droit, favoriser la médiation, améliorer l'organisation judiciaire et de ses acteurs, etc.

Deux thèmes suscitent notre intérêt :

L'action de groupe qui voit son objet défini, son régime précisé tant devant le juge judiciaire que le juge administratif, et son périmètre d'action élargi.

Celle-ci peut- être exercée tant en matière de discrimination, environnementale, mais également dans le domaine de la santé et de la protection des données personnelles.

Le droit des entreprises en difficultés qui est impacté par cette refonte.  En effet, les ordonnances du 12 mars 2014 et du 26 septembre 2014, portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives sont enfin ratifiées. Est également ratifiée l'ordonnance  du 29 janvier 2016 relative au gage des stocks.

Au gré de la navette parlementaire, le projet initial a été largement épuré. Il demeure néanmoins quelques mesures à signaler.

A la suite de l'ordonnance du 14 mars 2016,  est précisé le régime su rétablissement professionnel sans liquidation judiciaire.

En matière de prévention, dans le prolongement de la garantie de la confidentialité, le débiteur ne sera plus tenu d'informer le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel de la désignation d'un mandataire ad hoc ou de l'ouverture d'une conciliation.

En vue d'encourager la conciliation, le tribunal saisi d'une demande de sauvegarde, devra inviter le débiteur  à demander l'ouverture d'une procédure de conciliation.

Le président du tribunal, qui a connu le débiteur dans le cadre de la prévention ne pourra être désigné juge-commissaire dans une procédure collective intéressant le même débiteur.

Dans le cadre de la liquidation judiciaire simplifiée, l'article L.641-2 du Code de commerce issu de l'ordonnance du 12 mars 2014 avait prévu que l'inventaire puisse être réalisé par le liquidateur. Cette formalité est rendue facultative.

Diverses autres mesures portent sur l'organisation des tribunaux de commerce et le statut des administrateurs judiciaires.


Géraldine Lamoril
Comité de rédaction
ELEGIA Formation

Formations qui pourraient vous intéresser

tealium