Conditions de la mise en œuvre de la responsabilité pénale d'une société civile immobilière

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Une société civile immobilière ne peut valablement être condamnée pour diverses infractions si l'organe ou le représentant ayant agi pour son compte n'a pas été préalablement identifié.

 

Pour en savoir plus :

A propos de Cass. crim., 28 oct. 2020, n° 19-85.037, n° 1982 F-D

 

Dans la présente affaire relative à des appartements aux installations électriques dangereuses, outre une personne physique condamnée pour plusieurs infractions, notamment mise en danger de la vie d’autrui, trois sociétés civiles immobilières avaient été également condamnées ; les deux premières pour soumission d’une personne vulnérable ou dépendante à des conditions d’hébergement contraires à la dignité humaine et, pour l’une d’entre elles, mise en danger de la vie d’autrui, et la troisième pour violation des règles d’hygiène et de sécurité. A s’en tenir aux seules personnes morales, celles-ci reprochaient dans leur pourvoi à la cour d’appel de ne pas avoir établi que les faits de la prévention avaient été commis pour leur compte par un de leurs organes ou représentants, en méconnaissance des conditions imposées par l’article 121-2 du Code pénal.

La cassation était inévitable car la cour d’appel avait condamné ex abrupto les trois sociétés. La Chambre criminelle censure donc l’arrêt attaqué, non seulement au visa de l’article 121-2 du Code pénal, qui subordonne la responsabilité pénale d’une personne morale à la commission d’une infraction pour son compte par un de ses organes ou représentants, mais encore au visa de l’article 593 du Code de procédure pénale selon lequel tout jugement ou arrêt doit être motivé, l’insuffisance ou la contradiction de motifs équivalent à leur absence. Plus précisément, la Cour relève que pour déclarer coupables les trois sociétés civiles immobilières, l’arrêt s’était borné « à confirmer le jugement sur la culpabilité qui ne contient aucun élément d’identification des organes ou représentants des SCI » (§ 17 de l’arrêt). Et la Haute juridiction de conclure qu’en « prononçant ainsi sans identifier l’organe ou le représentant des SCI poursuivies et gsans rechercher si les manquements relevés résultaient de l’abstention de l’un de ses organes ou représentants et s’ils avaient été commis pour le compte de ces sociétés, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision » (§ 18).

Il peut paraître surprenant que des juges d’appel méconnaissent encore la jurisprudence aussi bien établie que fournie de la Chambre criminelle sur l’impérieuse nécessité  de l’identification de l’organe ou représentant de la personne morale agissant pour son compte (voir notamment Cass. crim., 6 mai 2014, n° 12-88.364, 13-81.406 et 13-82.677 : Bull. crim. n° 124, 125 et 126). La responsabilité pénale d’une personne morale étant une responsabilité reflet, passant par le vecteur obligé de son organe ou représentant, l’identification de ce dernier s’impose à cet égard. Enfin, on notera qu’étaient en cause dans la présente affaire trois sociétés civiles immobilières. Hypothèse assez inhabituelle dans la mesure où le plus souvent les arrêts de la Chambre criminelle concernent des sociétés commerciales. Mais, s’agissant des personnes morales de droit privé, aucune restriction n’est posée par la loi, la seule exigence étant que le groupement soit doté de la personnalité morale au moment de la commission de l’infraction.

 

Wilfrid Jeandidier, Professeur agrégé des facultés de droit, Dictionnaire Permanent Droit des affaires, VP. 16 novembre 2020

 

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