Déclaration des bénéficiaires effectifs et démembrement de propriété

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La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 dite « Loi Sapin II » codifiée, pour la partie qui nous intéresse, aux articles L. 561-46 et L. 561-47 du Code Monétaire et Financier (« CMF ») créé l’obligation de transmettre l’identité des personnes physiques contrôlant une société au Registre du Commerce et des Sociétés.

Cette nouvelle réglementation soulève, pour les praticiens, de nombreuses questions quant à la détermination des bénéficiaires effectifs. Parmi ces questions figure celle de l’identification du bénéficiaire effectif lorsque les titres d’une société sont démembrés.
 

1. Rappel de la définition du bénéficiaire effectif

Comme nous l’avions indiqué dans un précédent article, le bénéficiaire effectif est défini à l’article R. 561-1 du Code Monétaire et financier comme « la ou les personnes physiques qui soit détiennent, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital ou des droits de vote de la société, soit exercent, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur les organes de gestion, d'administration ou de direction de la société ou sur l'assemblée générale de ses associés ».
 

La définition du bénéficiaire effectif envisage deux modalités de contrôle permettant de qualifier une personne physique de bénéficiaire effectif :

  • La détention directe ou indirecte de plus de 25 % du capital ou des droits de vote. En cas de détention indirecte, il faut prendre en compte les participations détenues à chaque niveau de la chaîne de détention. Les participations directes et indirectes se cumulent et doivent également être prises en compte.
 
  • L’exercice par tout autre moyen d’un pouvoir de contrôle sur les organes de gestion, d’administration ou de direction de la société ou sur l’assemblée générale des associés. Ce contrôle peut, dans les faits, prendre des formes diverses. On peut citer, par exemple, le pouvoir de nomination de ces organes, ou l’obligation pour ces organes d’obtenir préalablement l’autorisation du bénéficiaire effectif avant la prise de certaines décisions. Ces mécanismes sont souvent prévus dans des pactes d’associés.
 

2. L’obligation de déclaration du bénéficiaire effectif à l’épreuve du démembrement de propriété


Lorsque les titres qui constituent le capital social d’une société sont démembrés, l’usufruitier et le nu-propriétaire se voient attribuer chacun une partie des droits associés à la détention des titres.

La qualification du nu-propriétaire en tant que bénéficiaire effectif ne fait pas de doute : au sens des textes, le nu-propriétaire détient bien les titres, car il exerce les prérogatives de disposition qui sont associées à son droit de nue-propriété.
 

Le cas de l’usufruitier, en revanche, soulève des débats doctrinaux. Deux conceptions s’affrontent :

  • Selon une première interprétation, l’usufruitier, qui dispose d’un droit de vote plus ou moins large attaché aux titres, dispose par ce biais d’un pouvoir de contrôle sur la société, à condition bien entendu que les droits de vote qu’il exerce représentent au moins 25 % de l’ensemble des droits de vote de la société. Par conséquent, l’usufruitier devrait être déclaré en qualité de bénéficiaire effectif. Cette analyse est confortée par la conception retenue par l’ACPR sur l’identification des bénéficiaires effectifs dans le cadre du dispositif Know Your Client qui constitue un volet de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Voir note « Lignes directrices sur les bénéficiaires effectifs », annexe 3 (page 22).
     

  • Selon une seconde interprétation, la directive européenne n° 2015/849, dont la loi Sapin II assure la transposition en droit interne, fait référence à la « possession » (considérants 12, 13, article 3) ; quant à l’article R. 561-1 du CMF, il vise la détention du capital ou des droits de vote. Or, c’est le seul nu-propriétaire qui détient la fraction du capital représentée par les titres démembrés. L’usufruitier ne fait qu’exercer le droit de vote associé aux titres, au moins pour les décisions d’affectation du résultat. Par conséquent, selon cette interprétation, il n’y a pas lieu de déclarer l’usufruitier comme bénéficiaire effectif sauf si l’usufruitier (i)  dispose du droit de voter sur les décisions de désignation /révocation des dirigeants (ii) ou exerce par ailleurs, par tout autre moyen que l’exercice des droits de vote associés aux titres démembres, un pouvoir de contrôle sur les organes de gestion.
 


Le législateur ne s’est, pour l’instant, pas saisi de cette question, et nous restons dans l’attente de textes venant préciser la définition du bénéficiaire effectif, notamment en cas de démembrement de titres.

Dans l’attente de ces précisions, la majorité de la doctrine considère que l’approche la plus prudente consiste à déclarer à la fois le nu-propriétaire et l’usufruitier en qualité de bénéficiaires effectifs.
 


Jérôme Pétrignet – Avocat Cabinet Legister et Formateur

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