Derniers arrêts marquants de la Cour de cassation en droit des sociétés

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Plusieurs arrêts de la Cour de cassation ont attiré notre attention ces derniers mois en droit de sociétés sur les devoirs du dirigeant, et tout particulièrement sur l’obligation de loyauté.

Nous reviendrons ainsi sur :

  • Un arrêt de la Chambre commerciale du 10 juin 2018 sur le devoir de loyauté du dirigeant acheteur de titre ;
  • Un arrêt de la Chambre commerciale du 16 mai 2018 sur le devoir de loyauté du dirigeant au titre de son contrat de travail qui a été suspendu ;
  • Un autre arrêt de la Chambre commerciale du 16 mai 2018 sur le devoir de loyauté du dirigeant et la délégation de compétence ;
  • Enfin, un arrêt de la Chambre commerciale du 24 mai 2017 portant sur le devoir de loyauté du dirigeant à l’égard de l’apporteur en compte-courant.

 

  • L’arrêt de la Chambre commerciale du 10 juillet 2018 (pourvoi n°16-27.868) sur le devoir de loyauté acheteur de titres

En l’espèce, un dirigeant avait acquis des titres auprès d’un associé pour une valeur qui avait été estimée à 69.234 euros par l’administration fiscale.

Ces mêmes titres font l’objet d’un apport par le dirigeant dans le cadre d’une augmentation de capital d’une société pour un montant de 475 000 euros, puis sont cédés à hauteur de 528 000 euros.

Le premier cessionnaire met en cause la responsabilité du dirigeant cédant invoquant un manquement à son devoir de loyauté.

La Cour d’appel refuse d’y faire droit en retenant l’absence de preuve dans l’engagement contractuel initial d'un prix de cession des parts sociales plus important que leur valeur nominale.

La Cour de cassation la censure en reprenant la motivation suivante :

« que manque à son devoir de loyauté le dirigeant cessionnaire qui n'informe pas l'associé cédant de négociations en cours avec un tiers en vue de la revente des titres objet de la cession, peu important leur état d'avancement. »

Cet arrêt est à rapprocher de l’article 1112-1 du Code civil, tel qu’issu de l’Ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, et qui consacre la jurisprudence Baldus (3 mai 2000, n°98-11.381).

« Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation ».

A noter que l’’obligation d’information, suivant l’article 1112-1 du Code civil ne peut pas concerner l’estimation de la valeur de la prestation.

Cet arrêt du 10 juillet 2018 mérite ainsi une attention particulière en ce qu’il confirme l’attachement de la Cour de cassation à la jurisprudence Vilgrain (27 février 1996, n°94-11241) dont elle reprend le principe de droit.

 

  • L’arrêt de la Chambre commerciale du 16 mai 2018 (pourvoi n°16-22.655) sur le devoir de loyauté du dirigeant au titre de son contrat de travail qui a été suspendu

Cet arrêt est particulièrement intéressant en ce qu’il statue sur la question suivante à savoir :

« le salarié dont le contrat de travail a été suspendu pendant la durée de son mandat social, peut-il se voir reprocher des faits durant cette période constitutifs d’une faute justifiant son licenciement ? »

La Cour d’appel avait jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse en retenant qu’il ne pouvait être fondé que sur des faits commis pas le salarié à l’occasion et au cours de l’exécution d’un contrat de travail, ce qui ne pouvait être le cas en période de suspension de contrat.

L’arrêt est censuré par la Cour de cassation qui retient :

« pendant la période de suspension de son contrat de travail, le salarié devenu mandataire social reste tenu envers son employeur d'une obligation de loyauté, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

 

  • L’arrêt de la Chambre commerciale du 16 mai 2018 (pourvoi n°16-16.547) sur le devoir de loyauté du dirigeant et délégation de compétence en vue d’émettre des valeurs mobilières donnant accès au capital

En l’espèce, une assemblée générale des actionnaires avait autorisé l'augmentation différée du capital par voie d'émission d'obligations à bons de souscription et/ou d'acquisition d'actions remboursables (OBSAAR) et avait délégué sa compétence au conseil.

Un actionnaire met en cause la responsabilité du dirigeant qui aurait violé son obligation de loyauté en ne l’informant pas des suites données à la décision, ayant eu pour effet in fine de lui conférer qu’une participation minoritaire.

La Cour de cassation écarte la demande, suivant une décision argumentée dans l’exercice de son contrôle de la légalité :

« en l’état des constatations exactement relevées par la Cour d’appel, l’actionnaire aurait pu se renseigner sur les informations qui lui étaient aisément accessibles et qui étaient susceptibles d'affecter son consentement. »

En conséquence, la Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir rejeté les demandes de l’actionnaire.

 
  • L’arrêt de la Chambre commerciale du 24 mai 2017 (pourvoi n°15-194.30) sur le devoir de loyauté du dirigeant et l’apport en compte courant

En l’espèce, un associé minoritaire avait fait un apport en compte courant à une société qui ultérieurement a fait l’objet d’une procédure collective en conséquence de laquelle il n’obtint pas le remboursement de son compte courant.

S’estimant victime de manœuvres dolosives, ledit associé a mis en cause la loyauté du dirigeant qui lui aurait dissimulé des informations susceptibles d’influer sur son consentement.

Sa demande a été écartée par la Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation :

« l’associé était conscient des difficultés de la société à tout le moins de ses difficultés de trésorerie au moment de son apport et il connaissait l'urgence de la situation »

 

Docteur en droit – Consultante-formation

Géraldine Lamoril

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