Les évolutions issues de la réforme du droit des contrats et l’indexation des prix

Publié le - Mise à jour le

Retour aux actualités

De nombreux praticiens du droit utilisent l’indexation afin de réguler les variations de prix de leurs contrats pluriannuels. Nombreux sont ceux aussi qui ont été confrontés à des ambiguïtés dans la rédaction de la clause ou à des situations dans lesquelles ce qui apparaissait à la signature du contrat comme une gestion avisée de la relation devient une source de confusion voire de litige.

La réforme du Code civil entrée en vigueur le 1er octobre 2016 a pris en compte la question de l’indexation et elle est venue suppléer à la volonté des parties afin de tenter de les aider à y voir clair en cas de besoin.

Notons au préalable que l’article 1167 du Code civil envisage l’indexation au titre des variations de prix mais également au titre de « tout autre élément du contrat [devant] être déterminé par référence à un indice ».

Nous n’envisagerons toutefois ici que la variation des conditions tarifaires.

 

Observations liminaires : les conditions de validité de l’indexation

Rappelons également à titre liminaire les conditions de validité du recours à l’indexation du prix :

  • l’indice choisi par les parties doit être suffisamment précis pour éviter toute ambiguïté. Ainsi, si les parties souhaitent se référer à l’indice des prix de production des services français vendus aux entreprises françaises (BtoB), il leur faut préciser lequel des douze indices désignés par cette dénomination est applicable.
  • l’indice choisi par les parties doit avoir un rapport avec l’objet du contrat à peine de nullité  de la clause (Civ. 3, 14 janvier 2016, pourvoi n°14-24.681) voire du contrat si la validité de la clause d’indexation revêt un caractère essentiel et déterminant de l’engagement de l’une au moins des parties (Civ. 3, 24 juin 1971, pourvoi n°70-11.730). L’article L. 112-2 du Code monétaire et financier dispose en effet : « Dans les dispositions statutaires ou conventionnelles, est interdite toute clause prévoyant des indexations fondées sur le salaire minimum de croissance, sur le niveau général des prix ou des salaires ou sur les prix des biens, produits ou services n'ayant pas de relation directe avec l'objet du statut ou de la convention ou avec l'activité de l'une des parties. ».
  • ces exigences sont renforcées dans certains secteurs d’activité, l’article L. 442-6-I-7° du Code de commerce disposant en effet qu’« engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (…) d'imposer une clause de révision du prix, en application du cinquième alinéa du I de l'article L. 441-7 ou de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 441-7-1, ou une clause de renégociation du prix, en application de l'article L. 441-8, par référence à un ou plusieurs indices publics sans rapport direct avec les produits ou les prestations de services qui sont l'objet de la convention. »
  • l’indice sélectionné doit être publié par un organisme indépendant faute de quoi le mécanisme d’indexation risque d’être qualifié de clause potestative (clause réputée non-écrite) si les variations dépendent uniquement de la volonté du débiteur de l’obligation financière. Il peut aussi tomber sous le coup du déséquilibre significatif de l’article L. 442-6-I-2° du Code de commerce si l’une des deux parties impose cet indice ou tente de l’imposer, commettant alors un abus de puissance économique.
  • le jeu de l’indexation doit pouvoir s’exercer à la hausse comme à la baisse. L’absence de réciprocité pouvant caractériser une clause abusive visée à l’article L. 442-6-I-2° du Code de commerce, alors réputée non-écrite (Civ. 3, 14 janvier 2016, pourvoi n°14-24.681, précité).

La régulation jurisprudentielle du recours à l’indexation pour les contrats conclus avant le 1er octobre 2016

En cas d’ambiguïté ou de contradiction sur les modalités de calcul de l’indexation, ou en cas d’inexistence ou de disparition de l’indice contractuellement désigné, point de salut hors la négociation sur de nouvelles modalités de variation tarifaire. Hors même toute stipulation contractuelle, les parties bien entendu peuvent se reporter aux indications fournies par l’organisme émetteur de l’indice.

A défaut de trouver une solution négociée, le juge recherche l’intention initiale des parties et l’évalue au regard de l’objet du contrat afin de désigner l’indice qui se rapproche le plus de l’indice inefficace (Civ. 3, 12 janvier 2005, pourvoi n°03-17.260).

Les apports de la réforme appliquée aux contrats conclus depuis le 1er octobre 2016 ?

En premier lieu, soulignons le fait que le dispositif de l’article 1167 du Code civil est supplétif. Aux parties d’imaginer les dispositifs contractuels qui leur permettront d’adopter la régulation conventionnelle qui leur conviendra le mieux en ayant à l’esprit qu’il existe malgré tout un filet de sécurité légal.

Le Code civil dispose en effet que « lorsque le prix ou tout autre élément du contrat doit être déterminé par référence à un indice qui n'existe pas ou a cessé d'exister ou d'être accessible, celui-ci est remplacé par l'indice qui s'en rapproche le plus. »

Si on se trouve en situation de se tourner vers le Code civil pour tenter d’aplanir une difficulté lié à la disparition de l’indice applicable, aucune indication n’est donnée sur la manière de définir le nouvel indice. Les organismes émetteurs des indices ayant pour habitude de publier les mécanismes de calcul prenant en compte les mêmes composants de base ou des composants comparables, on peut toutefois raisonnablement envisager que le juge suive les indications ainsi fournies.

En revanche, si l’indice désigné par les parties « n’existe pas » (les parties croient de bonne foi que cet indice existe sans avoir opéré les vérifications qui auraient pu les détromper, ou les parties mentionnent une dénomination générique d’un indice alors que cet intitulé recouvre en réalité une pluralité d’indices, ou encore l’un des éléments entrant dans le calcul de l’indice est erroné…), nous sommes renvoyés à la situation applicable aux contrat conclu avant le 1er octobre 2016 : le juge devra débrouiller l’intention initiale des parties et l’évaluer au regard de l’objet du contrat.

Quel apport véritable de la réforme ?

L’ambition des rédacteurs du nouveau Code civil n’était ici que de consolider la jurisprudence existante. Ils y sont certes parvenus, mais on peut regretter qu’ils ne soient allé plus avant dans le dispositif. En effet, la réforme ne met que partiellement les parties à l’abri d’un éventuel revirement de jurisprudence : n’aurait-on peu encadrer l’action du juge afin de lui donner des indications au moment de choisir « l’indice qui se rapproche le plus » de l’indice devenu inapplicable ou n’ayant jamais existé autrement que dans l’esprit faussé des parties ?

 

Xavier Demulder, Directeur Juridique et Formateur

Formations qui pourraient vous intéresser

tealium