L’incidence de la loi Pacte sur la profession des commissaires aux comptes

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20 000 sociétés pourraient devenir dispensées de commissaire aux comptes dès 2019.

Du fait de la future loi Pacte, il est possible que de nombreuses sociétés n'aient pas à signer un nouveau mandat de certification légale de leurs comptes dès l'exercice 2019. Selon nos estimations, à prendre avec prudence, entre 7 000 et 20 000 missions pourraient être concernées selon que le décret qui fixe les nouveaux seuils d'audit légal est publié à partir du 1er juillet 2019 ou avant.

Cela va peut-être se jouer à quelques jours près. Le projet de loi Pacte (projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises), qui prévoit de relever les seuils d’audit légal des comptes, pourrait aboutir à ce que 20 000 nouveaux mandats de commissaires aux comptes ne soient pas engagés en 2019 — à moins que les sociétés concernées ne décident de le faire de façon volontaire. Cela toucherait d'abord les nombreuses sociétés qui clôturent au 31 décembre 2018 leur 6ème et dernier exercice comptable du mandat en cours avec leur commissaire aux comptes. Mais pas seulement (voir ci-dessous comment nous avons réalisé ce calcul).

Combien de mandats de Cac sont à renouveler en 2019 ?

Il est probable que 20 000 mandats de commissariat aux comptes soient à renouveler en 2019. Cette estimation est basée sur le rapport de l’IGF sur la certification légale des comptes des petites entreprises françaises. Ce document évoque l’existence de 120 000 mandats de commissaires aux comptes au-dessus des seuils actuels, mais en dessous des seuils européens de référence (ces 120 000 mandats représentent une fourchette haute). C'est donc autant qui pourraient, à terme, ne pas être renouvelés. Dans l’hypothèse d’un échelonnement régulier des mandats dans le temps, ce que l’Assemblée nationale semble accréditée — "lors de son audition, M. de Cambourg a confirmé une distribution assez équilibrée des mandats sur les six ans", a affirmé Roland Lescure, rapporteur général de ce projet de loi à l'Assemblée nationale —, cela signifie que 20 000 mandats pourraient ne pas être signés en 2019 (120 000 / 6 exercices). Cette estimation est toutefois très dépendante de la date de publication du décret sur les nouveaux seuils de certification légale des comptes. Si le texte paraît avant juillet 2019, cela signifie que les entreprises qui clôturent au 31 décembre 2018 le 6ème et dernier exercice comptable de leur mandat en cours pourront ne pas engager un nouveau mandat de 6 exercices dès cette année. Or, selon le rapport de 2014 du comité de suivi du Cice (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi), 65 % des entreprises assujetties à l'IS clôturent leur exercice comptable en décembre (elles sont 75 % des entreprises à l'IR dans cette situation). Cela représenterait 13 000 sociétés dans l'hypothèse où la clôture de leurs comptes intervient le 31 du mois (65 % * 20 000). En revanche, si ce décret est publié au second semestre 2019, il est probable que "seulement" 7 000 mandats (35 % * 20 000) ne soient pas renouvelés dès cette année.

Le texte provisoire "adopté" à l’heure où nous écrivons ces lignes — qui résulte de la nouvelle lecture de la commission spéciale de l’Assemblée nationale — donnerait à ces sociétés (qui clôturent au 31 décembre 2018 leur 6ème et dernier exercice comptable du mandat en cours avec leur commissaire aux comptes) la possibilité, sous certaines conditions, de ne pas signer un nouveau mandat d'audit légal. La première de ces conditions concerne la publication du décret qui fixe les nouveaux seuils de désignation obligatoire d'un commissaire aux comptes. Il faudrait que cette publication intervienne au plus tard 6 mois après la date de clôture de l’exercice comptable, c’est-à-dire au plus tard le 30 juin 2019 pour les entreprises dont l’exercice comptable coïncide avec l’année civile. La question qui se pose est donc de savoir si ce décret peut paraître d’ici là. Même s’il est difficile de le prévoir, on peut répondre que c’est possible. En effet, la nouvelle lecture du projet de loi Pacte — un texte qui fait l’objet d’une procédure législative accélérée — se termine le 15 mars à l’Assemblée nationale. Le texte sera ensuite examiné en nouvelle lecture par le Sénat — et c'est là que réside peut-être l'incertitude la plus importante, le Sénat n'ayant pas d'intérêt particulier à ce que l'ensemble du texte soit adopté rapidement. Dans l’hypothèse probable d’un désaccord persistant (sur n’importe quel sujet du projet de loi) entre les deux chambres, le projet de loi reviendra à l’Assemblée nationale pour une lecture définitive (par cette seule chambre) qui pourrait avoir lieu probablement au plus tôt en avril. Après l’adoption définitive de la loi par Le Parlement, un recours constitutionnel pourra être adressé. Le Conseil constitutionnel disposera alors d’un mois pour statuer — sauf dans le cas où le Gouvernement demande l'examen du texte en urgence (article 61 alinéa 3 de la Constitution).

La députée Olivia Grégoire "prévoit" une publication du décret fin juillet

La loi devra ensuite être promulguée puis le décret fixant les nouveaux seuils publiés. Or, ce décret peut très vite paraître. En effet, le texte pour l’instant "adopté" par l’Assemblée nationale fait référence à un (des) décret (s) qui n'a pas besoin de passer par le Conseil d’Etat. "Un décret simple peut paraître trois semaines après la promulgation de la loi, tandis qu’un décret en Conseil d’État prendra un peu plus de temps", a avancé Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, à la commission spéciale de l’Assemblée nationale chargée d’examiner le projet Pacte. "Si l’on prend le pari que ce texte sera adopté aux alentours de l’été qui, sauf erreur de ma part, est proche du 21 juin, la publication du décret pourrait intervenir fin juillet", a ajouté Olivia Grégoire, présidente de cette commission spéciale. Dans cette hypothèse, les entreprises qui clôturent le 31 décembre 2018 le 6ème exercice de leur mandat avec leur commissaire aux comptes seraient obligées de repartir pour un nouveau mandat. Mais si le décret est publié d’ici le 30 juin 2019, la dispense d’un nouveau mandat serait effective à la condition que l’assemblée générale (AG) qui se prononce sur les comptes du sixième exercice de la société n’ait pas statué. Il est donc probable que certaines sociétés attendent le dernier moment, c’est-à-dire, sauf prorogation, le 30 juin prochain, pour tenir leur AG. Une hypothèse dont la CNCC est probablement consciente. Avant-hier, elle a demandé "un relèvement des seuils qui laisse à la profession le temps nécessaire pour engager sa profonde mutation". Un souhait que l’Assemblée nationale n’a pas exaucé pour l'instant.

 

Ludovic ARBELET, ActuEL Expert-comptable, Dictionnaire Permanent Droit des Affaires, Veille permanente 18 mars 2019

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