Les rapports entre une société et son dirigeant ne relèvent pas des règles du mandat du code civil

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Le dirigeant social détient, vis-à-vis de la société qu'il administre, un pouvoir de représentation d'origine légale. Il en résulte que les dispositions du code civil relatives au contrat de mandat n'ont pas vocation à s'appliquer dans les rapports entre la société et son dirigeant.

A propos d’un arrêt : Cass. com., 18 sept. n°16-26.962, n° 659 F-PB

Le gérant d’une société en nom collectif conclut un contrat au nom de la société. Il est ultérieurement  condamné à indemniser le tiers cocontractant à raison du préjudice que celui-ci a subi du fait de la conclusion de ce contrat. Soutenant avoir agi en qualité de mandataire de la société, qui avait tiré bénéfice du contrat, le gérant assigne celle-ci en remboursement des sommes versées.

Sa demande est rejetée par la cour d’appel qui confirme la décision de première instance en ce qu’elle a écarté l’existence d’un contrat de mandat entre la société et son dirigeant : les relations entre une société en nom collectif et son gérant ne résultent pas, selon les juges du fond, d’un contrat de mandat au sens de l’article 1984 du code civil.

 

La Cour de cassation confirme cette analyse en affirmant, de manière inédite, que le dirigeant d’une société détient un pouvoir de représentation d’origine légale, de sorte que « les dispositions spécifiques du code civil régissant le mandat n’ont pas vocation à s’appliquer dans les rapports entre la société et son dirigeant ».

Il ressort, en premier lieu, de cet arrêt que le pouvoir de représentation dont bénéficie le dirigeant social émane de la loi et non d’un accord conventionnel entre la société et son dirigeant. Cette analyse est confirmée par l’étude des dispositions du code de commerce, qui confèrent expressément un pouvoir de représentation aux dirigeants des sociétés commerciales sans caractériser une manifestation de volonté de ces sociétés en la matière. La loi dispose ainsi que le gérant d’une SNC engage la société par les actes entrant dans l'objet social (C. com., art. L. 221-5) et que le gérant d’une SARL est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société (C.com., art. L. 223-18). Des dispositions similaires existent en ce qui concerne le président de SAS (C. com., art. L. 227-6), le gérant de SCA (C. com., art. L. 226-7), le directeur général d’une SA dotée d’un conseil d’administration (C. com., art. L. 225-56) ou encore le directoire d’une SA de type « dualiste » (C. com., art. L. 225-64).

Forte de ce constat et du fait que le contrat de mandat, régi par les dispositions des articles 1984 et suivants du code civil, suppose un échange de consentements entre le mandant et le mandataire, la Cour de cassation exclut logiquement l’application de ces dispositions aux rapports entre la société et le dirigeant social.

L’emploi du terme « dirigeant social », par la Haute Juridiction, devrait conduire à appliquer cette exclusion non seulement aux rapports entre la société et ses représentants légaux, mais également à ceux que la société entretient avec d’autres mandataire sociaux tenant essentiellement leurs pouvoirs de la loi, tels que les administrateurs et les membres du conseil de surveillance d’une SA.

Remarque : en présence d’une société en participation, la Cour de cassation a relevé, au visa de l’article 1992 du code civil, l’existence d’un contrat de mandat entre le gérant et les associés (Cass. com., 6 mai 2008, n°07-12.251). Cette solution n’est naturellement pas remise en cause par l’arrêt  présentement commenté, qui a pour objet les rapports entre les dirigeants et les sociétés dotées de la personnalité morale, étant rappelé que les sociétés en participation en sont dépourvues.

 

Yann Fouquet-Michel, Avocat, Dictionnaire Permanent Droit des affaires, Veille permanente 25 oct. 2019

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