Redressement judiciaire : modalités d'exercice de l'action en revendication

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L'absence d'envoi de la copie de la demande en revendication au mandataire judiciaire, dans un redressement avec désignation d'un administrateur, n'est pas sanctionnée.

A propos d’un arrêt : Cass. com., 3 oct. 2018, n° 17-10.557, n° 763 F-P+B

Une société de location automobile donne plusieurs véhicules en location à une autre société placée en redressement judiciaire le 22 octobre 2014. La société de location met en demeure l’administrateur par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 octobre 2014, de se prononcer sur la poursuite des contrats de location en précisant qu’à défaut, elle se réserve le droit de récupérer les véhicules en sa qualité de propriétaire. Le 4 novembre 2014, l’administrateur répond qu’il entend poursuivre les contrats, ajoutant reconnaître la propriété de la société de location sur lesdits véhicules.

La question qui se posait était donc de savoir si la réponse de l’administrateur valait acquiescement.

Les juges du fond avaient relevé qu’en réponse à la lettre du loueur en date du 27 octobre 2014, l’administrateur tout en optant pour la poursuite des contrats avait ajouté :

  • " si votre interrogation comportait une demande en acquiescement de propriété, je vous confirme […] reconnaître votre propriété sur le matériel concerné ".

Et la Cour de cassation d’en déduire que c’est par une interprétation, exclusive de dénaturation, des termes des lettres échangées les 27 octobre et 4 novembre 2014, que leur ambiguïté rendait nécessaire, que la cour d’appel a analysé la lettre du loueur en une demande en revendication et fait ressortir que l’administrateur, s’estimant saisi d’une telle demande, y avait acquiescé en reconnaissant expressément la propriété du loueur. Ainsi, lorsque les termes des lettres échangées sont ambigus comme c’était le cas en l’espèce, et que l’administrateur reconnaît expressément la propriété du créancier, les juges peuvent estimer qu’il y a bien eu acquiescement.

Par ailleurs, l’article R. 624-13 du Code de commerce impose au revendiquant d’adresser au mandataire judiciaire une copie de la lettre recommandée contenant la demande en revendication qu’il envoie dans le délai de l’article L. 624-9. En l’espèce, cette formalité n’avait pas été respectée mais la Cour de cassation relève qu’aucun texte ne sanctionne la méconnaissance de cette formalité, édictée pour l’information du mandataire. Elle ajoute que celui-ci n’a pas à prendre position sur la revendication dans l’hypothèse d’un redressement comportant la désignation d’un administrateur judiciaire. Partant, le non-respect de cette formalité n’a pas d’influence sur l’acquiescement à la revendication qui est donc valable.

A noter que la Cour de cassation prend soin de viser l’hypothèse du redressement judiciaire avec désignation d’un administrateur judiciaire. En l’absence de sa désignation, la demande en revendication doit être adressée au débiteur avec copie au mandataire judiciaire, et cette fois par application de l’article L. 624-17, le débiteur acquiesce après accord du mandataire judiciaire. Ce dernier devra donc prendre parti sur l’action revendication ce qui postule a priori de l’informer. Il pourrait toutefois être soutenu que son accord donné au débiteur, bien qu’il n’ait pas reçu copie de la demande en revendication, pourrait suffire mais l’arrêt ne statue pas sur cette question.

 

Philippe Roussel-Galle, Professeur à l'université de Paris Descartes (Paris V), membre du CEDAG, Dictionnaire Permanent des Editions Législatives
Veille Permanente 16 octobre 2018

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