Covid-19 et incidences sur les jours de congé, les RTT, les temps de travail et de repos

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L’employeur peut-il imposer la prise des congés payés ?


Oui, l’employeur a le droit d’imposer la prise de congés payés dès lors qu’un accord collectif de branche ou d’entreprise prévoit cette possibilité.
 

Que doit prévoir l’accord collectif sur les congés payés ?


L’accord collectif de branche ou d’entreprise qui permet à l’employeur d’imposer la prise de congés payés doit prévoir les points suivants :

  • la prise de 6 jours ouvrables de congé (soit une semaine), et/ou la modification des dates de congés payés déjà posées ;
  • le fractionnement des congés payés sans demander l’accord du salarié ;
  • la suspension du droit au congé simultané pour les conjoints d’une même entreprise

L’employeur doit respecter un délai d’au moins un jour franc pour prévenir les salariés.
Attention : l’accord collectif concernant la prise de congés payés imposés ou modifiés ne peut s’appliquer au-delà du 31 décembre 2020.
 

L’accord collectif peut-il prévoir la prise de CP avant la période légale ?


Oui, Il est possible d’imposer la prise de CP y compris avant la période légale d’ouverture. Autrement dit, il peut s’agir d’un reliquat de CP (CP acquis pendant la période du 1er juin 2018 au 31 mai 2019), mais également des CP à venir (CP acquis pendant la période 1er juin 2018 au 31 mai 2020).
L’ordonnance du 25 mars 2020 précise en effet que « les jours de CP peuvent être imposés par l’employeur avant l’ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris », c’est-à-dire la période du 1er mai au 31 octobre 2020.
En clair, sous réserve d’un accord collectif, l’employeur « a la main » :

  • sur le reliquat de congés à prendre avant le 31 mai 2020 (CP 2018-2019)
  • sur les congés 2019-2020, à prendre entre le 1er mai et le 31 octobre 2020, période dite du « congé principal ».

 

En l’absence d’accord, l’employeur peut-il imposer la prise de jours de congés payés ?


En l’absence d’accord collectif spécifique sur le sujet, la marge de manœuvre de l’employeur est assez réduite. Deux hypothèses sont à distinguer :

  • Si les congés payés ont été déjà posés par le salarié : l’employeur peut les modifier. Il a en principe un délai d’un mois pour cela. Cependant, du fait des circonstances exceptionnelles liées à la crise sanitaire, il peut ne pas tenir compte de ce délai d’un mois pour en modifier la date.
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  • Si le salarié n’a pas posé ses congés : l’employeur ne peut pas obliger les salariés à les poser. Tout au plus peut-il demander aux salariés de la faire, en comptant sur leur bonne volonté et leur compréhension de la situation.

Un salarié en congés payés peut-il être mis au chômage partiel (activité partielle) ?


Les congés payés validés par l’employeur ou les jours de congé en cours peuvent être annulés avec l’accord du salarié, pour y substituer une période d’activité partielle.
 

Un salarié a-t-il le droit de prendre ses congés payés pendant un période de chômage partiel ?


Oui, le salarié a le droit, si l’employeur l’accepte, de prendre ses congés payés pendant une p^ériode de chômage partiel. Il bénéficie pendant la durée des CP prévue, d’une indemnité de CP dont le montant est plus favorable que l’indemnité d’activité partielle.
 

Les congés payés sont-ils calculés pendant le chômage partiel ?      


Le chômage partiel ne change rien quant à la base de calcul des congés payés. Le salarié continu e à comptabiliser son droit à con gés payés comme s’il travaillait normalement. Pendant l’activité partielle, le salarié acquiert de nouveaux droits. Les périodes d'activité partielle sont intégralement prises en compte pour l'acquisition des droits à congés payés (C. trav., art. R. 5122-11), et ce même en cas de fermeture temporaire. Autrement dit, les congés payés sont comptabilisés comme s’il s’agissait de temps de travail effectif. Le calcul de l’ICP ne peut pas se faire sur la base de l’indemnisation réduite (CJUE 13-12-2018 aff. 385/17 : RJS 4/19 n° 266).
 

L’employeur peut-il interdire au salarié de prendre ses congés payés après la période de déconfinement et/ou de chômage partiel ?


Si l’entreprise se trouve en surcroît d’activité après le déconfinement ou après avoir repris son activité, il sera possible à l’employeur de modifier des dates déjà posées ou de s’opposer à une prise de congés par le salarié, en invoquant les nécessités du service. Sous réserve toutefois que le salarié prenne au moins douze jours ouvrables d’affilée sur la période dite du congé principal, soir entre le 1er mai et le 31 octobre.
 

Comment ça se passe pour les jours de RTT ?


Pour les jours de RTT, l’ordonnance du 25 mars précitée précise que l’employeur a la possibilité d’imposer, ou de modifier unilatéralement :

  • la prise de jours RTT liés à l’aménagement du temps de travail ;
  • la prise de jours ou de ½ jour RTT des salariés en forfait-jour.

A noter : il s’agit bien là des JRTT qui peuvent en principe être pris au choix du salarié
La période de RTT imposés ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020.
Dans le cas des RTT, un accord collectif n’est pas requis.
 

Est-il possible d’imposer au salarié de prendre des jours déposés sur le compte épargne-temps ?


Oui, l’employeur peut imposer au salarié de prendre des jours déposés sur un CET.
 

Quel est le nombre maximum de jours RTT et de jours CET que l’employeur peut imposer au salarié ?


Il s’agit d’un maximum de 10 jours cumulés.
 

L’employeur a-t-il une procédure à respecter pour imposer la prise d’un jour RTT ou de CET ?


Il doit seulement respecter un préavis d’un jour franc minimum.
Exemple : s’il annonce au salarié le lundi 20 avril qu’il doit prendre une semaine de congés payés, les congés pourront commencer le mercredi 22 avril.
 

Les jours RTT sont-ils calculés sur les périodes d’activité partielle ?


L’indemnisation du chômage partiel est basé sur un nombre d’heures théoriques de 35 heures, il ne prend pas en compte les heures supplémentaires. Or, le droit à RTT correspond à une forme de récupération en repos des heures effectuées au-delà de la durée légale du travail, soit au-delà de 35 heures. La période de chômage partiel ne devrait générer aucun droit à RTT, dès lors que le calcul du droit à jours RTT est basé sur une logique dite d’acquisition, et à supposer que le chômage partiel soit « total », c’est-à-dire que le travail soit totalement interrompu…  
Mais certains accords collectifs peuvent néanmoins fonder le droit à RTT sur une logique forfaitaire, c’est-à-dire sur un forfait de jours fixé sur l’année, indépendamment du temps réellement accompli par le salarié. Dans ce cas, le chômage partiel devrait être sans incidence sur ce nombre de jours.
 

L’employeur peut-il imposer la prise de jours de repos liés au repos compensateur de remplacement (RCR) ?


Ces jours ne sont pas mentionnés dans l’ordonnance. L’employeur doit donc se référer aux dispositions prévues lors de la mise en place du repos compensateur de remplacement pour savoir s’il a une marge de manœuvre pour imposer ces jours.
Rappel : le repos compensateur de remplacement est un mécanisme qui se substitue en tout ou partie au paiement des heures supplémentaires.
 

L’employeur peut-il déroger aux durées hebdomadaires de travail ?


Oui, l’ordonnance du 25 mars permet à l’employeur de déroger à ces durées, dans les limites suivantes :

  • 12 heures par jour (au lieu de 10 heures) ;
  • 60 heures maximum par semaine (au lieu de 48) (durée hebdomadaire maximale absolue)
  • 48 heures en moyenne de travail hebdomadaire sur 12 semaines (au lieu de 44h)
  • 44 heures (au lieu de 40h) pour la durée hebdomadaire des travailleurs de nuit.

Ces dérogations sont possibles dans les secteurs essentiels à la continuité de la vie économique et à la sûreté de la nation qui sont définis par décret.
L’employeur doit en informer le CSE et le Directeur de la Direccte.
 

L’employeur peut-il également déroger au temps de repos quotidien et hebdomadaire ?


Le temps de repos quotidien pourra être réduit à 9 heures consécutives (au lieu de 11 heures). Il est également possible à l’employeur de déroger au repos dominical, sur la base du volontariat et seulement dans les secteurs essentiels à la continuité de la vie économique et à la sûreté de la nation définis par décret.
Comme en matière de dérogation à la durée du travail, l’employeur doit en informer le CSE et le Directeur de la Direccte.
 

Quelle est l’incidence de ces heures supplémentaires « dérogatoires » sur le contingent annuel des heures supplémentaires ?


Le Code du travail précise que les heures supplémentaires accomplies dans les cas de travaux urgents énumérés à l’article L. 3132-4 du Code du travail ne s’imputent pas sur le contingent annuel d’heures supplémentaires.
Ces travaux urgents sont les suivants : « travaux urgents dont l'exécution immédiate est nécessaire pour organiser des mesures de sauvetage, pour prévenir des accidents imminents ou réparer des accidents survenus au matériel, aux installations ou aux bâtiments de l'établissement ». 
Les dérogations horaires prévues par l’ordonnance entrent-elles dans le cadre de ces travaux urgents ? L’ordonnance ne le précise pas. Il y a lieu de considérer que ces heures doivent donc rentrer dans le contingent.
 
Sources :
Ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d'urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos, JO du 26 mars
C. Trav., art. L. 3141-16
C. Trav., art . L. 3121-30
 
Anne Le Nouvel - Responsable du pôle juridique chez Rocket France Lawyer - Professeur associé au CNAM - Expert Réseau ELEGIA
 

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