Droit social : arrêts marquants du premier trimestre 2016 (de décembre à avril 2016)

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Au cours de ces derniers mois, la Cour de cassation a apporté des précisions importantes sur des points essentiels en droit social (exécution du contrat de travail, rupture du contrat de travail, durée du travail, négociation collectives...). Nous vous proposons ainsi une synthèse de cette actualité.

Exécution du contrat de travail

Dès lors qu'une clause de loyauté est  pour partie une clause de non-concurrence, elle nécessite une contrepartie pécuniaire (Cass. soc. 2 décembre 2015, n° 13-20706).

Si une clause de non concurrence réserve à l'employeur la faculté de renoncer à tout moment, avant ou pendant la période d'interdiction, aux obligations qu'elle fait peser sur le salarié, cette clause doit être annulée en son ensemble car elle laisse le salarié dans l'incertitude quant à l'étendue de sa liberté de travailler (Cass soc. 2 décembre 2015, n° 14-19029).

Dès lors que le règlement intérieur fixe les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur, une sanction ne peut être prononcée contre un salarié que si elle est prévue par ce règlement intérieur. En outre, une mise à pied prévue par le règlement intérieur n'est licite que si ce règlement précise sa durée maximale (Cass. soc. 11 décembre 2015, n° 14-19954 ; Cass. soc. 3 février 2016, nos 14-22218 et 14-22219).

Le salarié qui se prévaut du principe d'égalité de traitement ne peut invoquer la comparaison de sa situation avec des non-salariés (Cass. soc. 16 décembre 2015. pourvoi n° 14-11294).

Le seul fait qu'une prime soit laissée à la libre appréciation de l'employeur n'est pas de nature à justifier, en soi, une différence de traitement entre salariés placés dans une situation comparable au regard de l'avantage considéré (Cass. soc. 13 janvier 2016. pourvoi n° 14-26050).

La stipulation dans le contrat de travail d'une clause de non-concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au salarié (Cass soc. 13 janvier 2016, n° 14-10641).

Sauf mauvaise foi, la dénonciation d'un harcèlement moral ne peut être sanctionnée. Ainsi, ce motif ne peut être pris en considération dans l'appréciation des éventuelles fautes du salarié de nature à justifier le licenciement (Cass. soc. 13 janvier 2016, n° 14-20830)

Sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. Ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise (Cass. soc. 4 février 2016, n° 14-23663).

La clause de mobilité qui ne définit pas précisément sa zone d'application géographique est nulle (Cass. soc. 10 février 2016, n° 14-14325).

Est victime d'une discrimination en raison de son état de santé le salarié n'ayant pas perçu un supplément de rémunération au motif que l'appréciation de ses compétences était difficile en raison de ses nombreuses absences pour maladie (Cass. soc. 11 mars 2016, n° 15-10615).

N'est pas fautif le refus d'un salarié de se rendre à une convocation de l'employeur pour discuter de l'exécution de sa prestation de travail en dehors de ses heures de travail et sans rémunération (Cass. soc. 7 avril 2016, n° 14-21769).

Rupture du contrat de travail
Dès lors que les échanges entre le salarié et une employée placée sous son autorité hiérarchique dénotaient de la part de celui-là une confusion entretenue entre les sphères privée et professionnelle, quand bien même ils avaient lieu sur une messagerie privée en dehors des horaires de travail, et un rapport de domination culpabilisant et humiliant envers une salariée présentant un état psychologique fragile, ces faits étaient constitutifs d'une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise (Cass soc. 1er décembre 2015, n° 14-17701)

Dès lors que les griefs prescrits procèdent du même comportement fautif que les griefs invoqués dans la lettre de licenciement, l'employeur est fondé à s'en prévaloir au soutien d'un licenciement pour motif disciplinaire (Cass soc. 11 décembre 2015, n° 14-20439)

Le salarié victime d'un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration, a droit, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à 6 mois de salaire (Cass. soc. 11 décembre 2015, n° 14-15289).

L'existence d'un différend entre les parties au contrat de travail n'affecte pas par elle-même la validité de la rupture conventionnelle. En outre, sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue au cours de la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle (Cass soc. 16 décembre 2015, n° 13-27212).

L'homologation d'une rupture conventionnelle ne peut valablement être demandée avant l'expiration du délai de rétractation de 15 jours prévu par le premier de ces textes (Cass. soc. 14 janvier 2016, n°  14-26220).

Lorsque l'entreprise fait partie d'un groupe, des difficultés économiques ne peuvent justifier un licenciement que si elles affectent le secteur d'activité du groupe dans lequel intervient l'employeur (Cass. soc. 13 janvier 2016, n° 14-20688).
 
La transaction conclue en l'absence de notification préalable du licenciement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, est nulle (Cass soc. 12 janvier 2016, n° 14-21402).

Aucune disposition n'exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit. Elle peut être tacite et découler des fonctions de la personne qui conduit la procédure de licenciement (Cass. soc. 27 janvier 2016, n° 13-26761).

Dès lors que les messages électroniques litigieux provenaient de la messagerie personnelle d'une salariée distincte de la messagerie professionnelle dont celle-ci disposait pour les besoins de son activité, les juges du fond en ont exactement déduit que ces messages électroniques devaient être écartés des débats en ce que leur production en justice portait atteinte au secret des correspondances (Cass. soc. 26 janvier 2016, n° 14-15360)

La démission donnée sous le coup de l'émotion et rétractée dès le lendemain ne procède pas d'une volonté claire et non équivoque. Ainsi la rupture du contrat s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 12 février 2016, n° 14-18888).

Le licenciement économique motivé par le transfert du poste de travail du salarié au siège de l'entreprise, impliquant la suppression de son emploi au sein de l'établissement employeur, repose sur une cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 18 février 2016, n° 14-26622).

Le salarié qui, sans démissionner, manifeste sa volonté expresse de ne pas reprendre le travail, commet une faute grave justifiant son licenciement (Cass. soc. 2 mars 2016, n° 14-16134).

L'employeur est dispensé du paiement de l'indemnité de préavis lorsque le salarié est dans l'impossibilité d'exécuter son travail pendant cette période du fait de sa maladie (Cass. soc. 11 mars 2016, n° 15-11443).

En imposant à un VRP un nouveau secteur de clientèle ayant pour conséquence prévisible d'entraîner une baisse substantielle de sa rémunération et en maintenant sa position malgré le refus argumenté du salarié, l'employeur a unilatéralement modifié le contrat de travail et commis un manquement de nature à justifier la prise d'acte de la rupture à ses torts (Cass. soc. 17-3-2016 n° 14-20114).

L'exercice abusif et déloyal par l'employeur de son pouvoir disciplinaire, non pour sanctionner un manquement réel du salarié mais pour exercer des pressions sur lui, peut justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail à ses torts (Cass. soc. 7 avril 2016, n° 14-24388).

La lettre de convocation du salarié à un entretien préalable au licenciement doit énoncer l'objet de cet entretien et la faculté pour l'intéressé de se faire assister, mais n'a pas à mentionner précisément les griefs qui lui sont reprochés (Cass. soc. 6 avril 2016, n° 14-23198).

Dès lors qu'il a régulièrement convoqué le salarié à un entretien préalable à son licenciement, l'employeur n'est pas tenu de faire droit à sa demande d'une nouvelle convocation (Cass. soc. 6 avril 2016, n° 14-28815).

Une erreur dans la lettre de notification du licenciement visant improprement l'absence du salarié sur un site en lieu et place d'un autre, ne saurait affecter la validité de la rupture (Cass. soc. 6 avril 2016, n° 14-28876).

La salariée qui, après son congé de maternité, retrouve sa classification et sa rémunération antérieures, mais exerce des fonctions fortement réduites est fondée à obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur (Cass. soc. 18 mars 2016, n° 14-21491).

Durée du travail
Le temps de trajet pour se rendre d'un lieu de travail à un autre lieu de travail constitue un temps de travail effectif (Cass. soc. 13 janvier 2016, n° 14-17797).

Ne constituent pas du temps de travail effectif les journées de voyages d'accompagnement des clients organisés chaque année à l'étranger dès lors que le salarié, attaché commercial, n'a pas l'obligation d'y participer, qu'au cours de ceux-ci, il ne lui a été confié aucune mission particulière d'encadrement ou de prise en charge des clients, qu'il était libre de se faire accompagner de son conjoint et pouvait vaquer durant ces voyages à des occupations personnelles sans se trouver à la disposition de l'employeur (Cass. soc. 10 février 2016, n° 14-14213).

Le non-respect par l'employeur du repos quotidien cause nécessairement un préjudice au salarié, dont le juge doit fixer la réparation (Cass. soc. 18 février 2016, n° 13-28791).

L'employeur est tenu de verser une contrepartie aux salariés astreints au port de vêtements de sécurité et pour lesquels l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans les vestiaires de l'entreprise (Cass. soc. 16 mars 2016 nos 14-16354, 14-16357, 14-16359, 14-16364, 14-16366, 14-16.396, 14-16399).

Santé au travail
L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité. Les manquements de l'employeur quant à la visite médicale d'embauche et la surveillance médicale périodique auprès de la médecine du travail causent nécessairement un préjudice au salarié (Cass. soc. 9 décembre 2015. pourvoi n° 14-20377 ; Cass soc. 13 janvier 2016, n° 14-20856).

Dans le cadre de son obligation de reclassement, l'employeur doit proposer au salarié déclaré physiquement inapte tous les emplois disponibles et appropriés à ses capacités, y compris ceux à pourvoir en CDD (Cass. soc. 10 février 2016, n° 14-16156).

Le délai d'un mois courant à compter du jour où un salarié est déclaré physiquement inapte par le médecin du travail, et à l'expiration duquel l'employeur doit reprendre le versement du salaire, n'est ni interrompu ni suspendu par l'engagement de la procédure de licenciement (Cass. soc. 10 février 2016, n° 14-14519).

Les obligations des travailleurs dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail n'affectent pas le principe de responsabilité de l'employeur. Ainsi, le montant des dommages et intérêts que ce dernier est condamné à verser en raison d'un manquement à son obligation de sécurité de résultat ne sauraient être minorés en raison de l'attitude du salarié victime (Cass. soc. 10 février 2016, n° 14-24350).

Produit les effets d'une démission la prise d'acte de la rupture de son contrat par un salarié déclaré temporairement inapte à son poste et ayant refusé son affectation temporaire à un poste conforme aux prescriptions du médecin du travail et situé dans le même secteur géographique que son précédent emploi (Cass. soc. 16 mars 2016, n° 14-21868).

Le salarié qui refuse de se soumettre à la seconde visite médicale destinée à statuer sur son inaptitude physique fait volontairement obstacle à la recherche d'un reclassement et commet une faute grave (Cass. soc. 16 mars 2016, n° 14-21304).

Dans le cadre de son obligation de reclassement préalable au licenciement pour inaptitude physique, l'employeur n'est pas tenu de donner au salarié une formation de base différente de la sienne et relevant d'un autre métier (Cass. soc. 16 mars 2016, n° 13-25927).

Manque à son obligation de prévention de la santé au travail, l'employeur qui ne prend aucune mesure et n'ordonne pas d'enquête interne après qu'un salarié lui ait adressé des courriels évoquant des agissements inadaptés de la part d'un collègue avec lequel des incidents avaient eu lieu (Cass. soc. 7 avril 2016, n° 14-23705).

Négociation collective
La structure de la rémunération résultant d'un accord collectif dénoncé constitue à l'expiration des délais de préavis et de survie un avantage individuel acquis qui est incorporé au contrat de travail des salariés présents dans l'entreprise à la date de la dénonciation. L'employeur ne peut la modifier sans l'accord de chacun de ces salariés, quand bien même il estimerait les nouvelles modalités de rémunération plus favorables aux intéressés (Cass. soc. 2 mars 2016, n° 14-16414).

Représentation du personnel
La contestation d'une candidature au CHSCT, quels qu'en soient les motifs, se rattache à la régularité des opérations électorales et peut donc être introduite jusqu'à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant, non cette candidature, mais la proclamation des résultats (Cass. soc. 9 février 2016, n o 15-13847).

L'obligation faite par l'article L 2143-3 du Code du travail aux syndicats représentatifs de choisir, en priorité, le délégué syndical parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 % des voix ne heurte aucune prérogative inhérente à la liberté syndicale (Cass. soc. 9 février 2016, n° 15-60152).

Si seul le salarié a qualité pour demander la requalification de son CDD en CDI, le défaut de respect des dispositions conventionnelles encadrant le recours au CDD constitue une atteinte à l'intérêt collectif de la profession permettant à un syndicat d'agir en justice pour en demander réparation (Cass. soc. 10 février 2016, n° 14-26304).

Le licenciement d'un salarié au terme de son mandat de représentant du personnel pour des faits commis pendant la période de protection et qui auraient dû être soumis à l'inspecteur du travail est nul (Cass. soc. 18 février 2016, n° 14-17131).

L'action de l'employeur en contestation d'une expertise décidée par le CHSCT est soumise au délai de prescription de droit commun de 5 ans (Cass. soc. 17 février 2016, nos 14-15178 et 14-22097).

Le CHSCT est fondé à recourir à une expertise dès lors qu'il a été alerté par le médecin du travail sur le risque grave encouru par les salariés en situation de grande souffrance au travail, corroboré par une forte augmentation des arrêts de travail pour maladie dans l'entreprise (Cass. soc. 17 février 2016, n° 14-22097).

L'employeur peut déléguer la présidence du CHSCT au responsable du développement ressources humaines dès lors que celui-ci occupe des fonctions et une position au sein de l'entreprise lui permettant d'être directement impliqué dans les différents projets ayant un impact sur la santé des salariés et leurs conditions de travail (Cass. soc. 17 février 2016, n° 14-25062).

Lorsqu'une liste commune a été établie par des organisations syndicales aux élections professionnelles, la répartition des suffrages exprimés se fait sur la base indiquée par elles lors du dépôt de leur liste, portée à la connaissance de l'employeur et des électeurs et, à défaut, à parts égales entre les organisations concernées. Ainsi, la base choisie, permettant de déterminer l'audience électorale et la représentativité, ne peut pas être modifiée a posteriori en fonction des résultats de l'élection (Cass. soc. 10 mars 2016, n° 15-16807).

Jusqu'au 1er janvier 2017, date d'abrogation des dispositions inconstitutionnelles de l'article L 4614-13 du Code du travail, les frais d'une expertise décidée par le CHSCT demeurent à la charge de l'employeur, même lorsque ce dernier obtient l'annulation en justice de la délibération ayant décidé d'y recourir (Cass. soc. 15 mars 2016, n° 14-16242).

La violation des dispositions relatives au travail temporaire, en diminuant la possibilité d'embauche de travailleurs permanents, est de nature à porter préjudice à l'intérêt collectif de la profession. Ainsi, un syndicat peut demander des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi (Cass. soc. 22 mars 2016, n° 14-23276). Il en va de même en cas de violation des dispositions relatives au CDD (Cass. soc. 22 mars 2016, n° 14-22250).


Par Delphine Villaume
Consultante droit social et RH, ELEGIA Formation

 

 

 

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