Droit social : arrêts marquants du troisième trimestre 2016 (de juillet à septembre 2016)

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Au cours de ces derniers mois, la Cour de cassation a apporté des précisions importantes sur des points essentiels en droit social (exécution du contrat de travail, rupture du contrat de travail, durée du travail…). Nous vous proposons ainsi une synthèse de cette actualité.

 

Exécution du contrat de travail

Ne peuvent suffire à caractériser une situation de coemploi au sein d’un groupe le fait :

  • que les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et agissent en étroite collaboration avec la société mère ;
  • que la politique du groupe déterminée par la société mère ait une incidence sur l’activité économique et sociale de sa filiale ou sur la politique de développement ou la stratégie commerciale et sociale de celle-ci ;
  • que la société mère ait pris dans le cadre de cette politique des décisions affectant le devenir de sa filiale et se soit engagée à garantir l’exécution des obligations de cette dernière liées à la fermeture du site et à la suppression des emplois ou se soit engagée au cours du redressement judiciaire de la filiale à prendre en charge le financement du plan de sauvegarde de l'emploi. (Cass. soc. 6 juillet 2016 nos 14-27266 et 14-26541)

Le Code du travail n'impose pas que l'inaptitude physique d'un salarié soit constatée lors de l'examen médical de reprise consécutif à une suspension du contrat de travail. Ainsi, ne commet pas de faute susceptible d'engager sa responsabilité le médecin du travail qui a régulièrement déclaré le salarié inapte à l'issue de deux examens médicaux espacés de quinze jours, pratiqués en cours d'exécution du contrat de travail (Cass. soc. 7 juillet 2016 n° 14-26590).

Une cour d'appel ne saurait débouter un salarié de sa demande de dommages et intérêts pour mauvaise exécution du contrat de travail alors qu'elle constate qu'il n'a pas bénéficié au minimum tous les 2 ans d'un entretien professionnel, contrairement aux prévisions de l'accord collectif relatif à la formation professionnelle, mais seulement d'entretiens annuels d'évaluation (Cass. soc. 6 juillet 2016 n° 15-18419).

L'employeur exploitant un magasin ne remplit pas son obligation de reclassement à l'égard d'un salarié déclaré physiquement inapte dès lors qu'il ne démontre pas son impossibilité d'assurer une permutation du personnel avec d'autres entreprises appartenant au même réseau de distribution et ayant des activités, des objectifs et des emplois identiques (Cass. soc. 22 septembre 2016 n° 15-13849).

Le salarié ne peut pas prétendre à une indemnité au titre de l’occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu’un local professionnel est mis effectivement à sa disposition (Cass. soc. 21 septembre 2016 n° 15-11144).

En cas de transfert partiel d’entreprise, le contrat de travail d’un salarié n’est transféré au nouvel employeur que s’il exerce l’essentiel de ses fonctions au sein de l’entité transférée. A défaut, il se poursuit avec l’employeur initial (Cass. soc. 21 septembre 2016 n° 14-30056)

Est justifiée par la nature des fonctions confiées au salarié, comptable, touchant à des éléments essentiels et confidentiels de la vie de la société, et proportionnée au but recherché la clause d'exclusivité n'instaurant pas une interdiction absolue d'exercer une autre activité professionnelle mais imposant d'en informer l'employeur et de recueillir son accord préalable (Cass. soc. 29 septembre 2016 n° 14-24296).

Le fonctionnaire mis à disposition d'un organisme de droit privé pour accomplir un travail est lié à ce dernier par un contrat de travail. Il doit en conséquence être pris en compte dans le calcul de son effectif (Cass. soc. 28 septembre 2016 n° 15-27808).

L'employeur qui n'a pas respecté les formalités prévues par le Code du travail en cas de proposition au salarié d'une modification de son contrat de travail pour motif économique ne peut se prévaloir, ni d'une acceptation, ni d'un refus de cette modification par le salarié. En conséquence, l'avenant signé par le salarié emportant réduction de sa rémunération ne lui est pas opposable (Cass. soc. 28 septembre 2016 n° 15-16775).

Rupture du contrat de travail

Constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement le refus d'un salarié d'effectuer, à la demande de l'employeur, un remplacement ponctuel, en urgence, sur une seule journée et concernant des tâches circonscrites et définies, pour lesquelles l'intéressé a reçu une formation (Cass. soc. 7 juillet 2016 n° 15-22352).

Ne constitue pas un motif économique de licenciement la réorganisation constituée par la fermeture d'un établissement et la suppression de l'ensemble des emplois dès lors qu'elle ne répond qu'à un souci de rentabilité du secteur d'activité du groupe (Cass. soc. 6 juillet 2016 n° 14-27266).

L'indemnité destinée à réparer le préjudice né d'une clause de non-concurrence nulle n'a pas la nature d'une indemnité compensatrice de salaire ouvrant droit à congés payés (Cass. soc. 6 juillet 2016 n° 15-10987).

S'analyse en un licenciement non motivé le fait pour l'employeur d'adresser au salarié avec lequel il a conclu une rupture conventionnelle sans attendre la décision relative à l'homologation, une attestation pour l'assurance chômage et un reçu pour solde de tout compte (Cass. soc. 6 juillet 2016 n° 14-20323).

Le salarié qui se trouve en congé sabbatique à la date à laquelle il aurait dû effectuer son préavis ne peut pas prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis (Cass. soc. 22 septembre 2016 n° 14-26359).

Le salarié étant en arrêt de travail depuis plusieurs années, le salaire de référence à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est celui des 6 derniers mois précédant son arrêt de travail (Cass. soc. 28 septembre 2016 n° 14-29435).

Sont rattachables à la vie de l'entreprise et justifient un licenciement pour faute grave les messages de menaces et d'injures adressés par un salarié à son collègue sur son téléphone professionnel, pendant son temps de travail, concernant le remboursement d'une somme d'argent prêtée à l'occasion d'un événement professionnel organisé par l'employeur et ayant perturbé leur destinataire dans son travail (Cass. soc. 28 septembre 2016 n° 15-17542).

Sauf novation ou convention contraire le contrat de travail d'un salarié devenu mandataire social et qui cesse d'exercer des fonctions techniques dans un état de subordination à l'égard de la société est suspendu pendant la durée du mandat, pour retrouver tous ses effets lorsque le mandat social prend fin. La liquidation judiciaire de l'employeur, qui met fin aux mandats sociaux, n'entraîne pas, à elle seule, la rupture des contrats de travail (Cass. soc. 28 septembre 2016 n° 15-13771).

Représentation du personnel

Il appartient au syndicat, dont la capacité d'agir en justice est contestée, de justifier du dépôt de ses statuts en mairie (Cass. soc. 12 juillet 2016 n° 15-25498).

Ne constitue pas une grève la cessation du travail limitée à une obligation particulière du contrat de travail. En diffusant des tracts incitant les salariés à refuser de signer des bons de travail, un syndicat engage sa responsabilité à l'égard de l'employeur et peut être condamné à indemniser ce dernier pour perte d'heures productives et recours à la sous-traitance (Cass. soc. 11 juillet 2016 n° 14-14226).

La réintégration d'un salarié protégé en exécution d'une décision judiciaire n'a pas pour effet de créer de nouvelles relations contractuelles entre les parties. Si la décision ouvrant droit à réintégration est annulée par la Cour de cassation, l'employeur peut considérer qu’il a été mis fin aux fonctions du salarié sans qu’il soit nécessaire d'engager une procédure de licenciement (Cass. soc. 11 juillet 2016 n° 14-29094).

Le salarié qui établit avoir été maintenu sans travail pendant plus d'un an et demi et avoir été muté sur un poste sans aucune substance, en violation des dispositions conventionnelles applicables, justifie d'éléments de nature à faire présumer une discrimination syndicale (Cass. soc. 13 juillet 2016 n° 15-12344).

Si un projet a un effet direct local sur les conditions de travail des salariés d’un établissement, le comité de cet établissement doit être consulté préalablement à sa mise en œuvre dans l'établissement, peu important que la décision émane de la seule direction générale de l’entreprise (Cass. soc. 21 septembre 2016 n°s 15-13.364 et 15-13.369).

Une cour d’appel peut retenir que la situation financière d’une société, extrêmement délicate dans la mesure où son capital social est détenu intégralement par une autre société contrainte de lui apporter mensuellement de grosses sommes d’argent pour lui permettre de faire face au paiement des salaires et à la trésorerie, rend indispensable pour son comité d’entreprise d'obtenir, dans le cadre de la procédure d'alerte, des informations sur la stratégie de la société mère à l'égard de sa filiale compte tenu de la situation de dépendance de cette dernière et, faute d’informations suffisantes, justifie le recours à l’assistance d’un expert dans le cadre de cette procédure (Cass. soc. 21 septembre 2016 n° 15-17658).

Une organisation syndicale peut présenter sa candidature au scrutin organisé au niveau régional, en vue de mesurer l’audience des syndicats auprès des salariés des entreprises de moins de 11 salariés, si elle satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines, d'indépendance et de transparence financière, si elle est légalement constituée depuis au moins 2 ans et si ses statuts lui donnent vocation à être présente dans le champ géographique concerné. Ainsi, a vocation à être présente dans le champ géographique d’une région, l’organisation syndicale dont les statuts couvrent une partie de son ressort géographique (Cass. soc. 30 septembre 2016 n° 16-60288).

La distribution inégale du matériel de vote entre les électeurs constitue une atteinte à la liberté de vote et, s’agissant d’un principe général du droit électoral, une irrégularité justifiant à elle seule l’annulation de la désignation de la délégation du personnel au sein du CHSCT (Cass. soc. 28 septembre 2016 n° 15-25669).

Lorsqu’un seul CHSCT à compétence nationale est institué au sein d’un établissement, les salariés de cet établissement sont éligibles à la délégation du personnel au CHSCT, quel que soit le site géographique sur lequel ils travaillent. Ne peut pas déroger à ce principe l'accord collectif qui, en procédant à une répartition des sièges par site, restreint cette capacité que les salariés tiennent de la loi, peu important que l’accord augmente par ailleurs le nombre des sièges offerts (Cass. soc. 28 septembre 2016 n° 15-60201).

La qualité de membre du CHSCT ne pouvant résulter que d'un vote du collège désignatif, n'est pas protégé contre le licenciement le salarié dont le mandat a pris fin depuis plus de 6 mois, à défaut de renouvellement de l'institution (Cass. soc. 28 septembre 2016 n° 15-16984).

 

Par Delphine Villaume
Consultante droit social et santé au travail
Elegia Formation

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