Jurisprudences marquantes - Juillet 2019

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De la gestion du temps dans le cadre du contentieux URSSAF…

En matière de contentieux URSSAF, il convient d’adopter les bons réflexes et de ne pas de tromper de recours. Certains cotisants l’ont malheureusement appris à leurs dépens.

On se souvient ainsi de cette affaire où un cotisant avait attaqué l’URSSAF suite au rejet de sa réponse aux observations dans le cadre de la procédure de contrôle. L’organisme estimait que ce recours était prématuré et que l’intéressé aurait dû attendre la mise en demeure avant de saisir le tribunal…Cette dernière affirmation avait été validée par la Cour de cassation ; c’est en effet la mise en demeure envoyée après l’échange contradictoire de courriers qui constitue le point départ de la procédure contentieuse avec une première étape administrative (commission de recours amiable) puis judiciaire (Pôle social du Tribunal de Grande Instance) (Cass civ. 2°. 14 février 2019. pourvoi n° 17-27759)…

Et la Cour de cassation, maîtresse du temps, ne cesse d’en ajouter.

Ainsi, est nulle la contrainte décernée à un cotisant sans mise en demeure préalable (Nîmes, Chambre sociale, 25 juin 2019, RG n° 17/01066).

Quant à un recours formé directement devant le tribunal, sans que la commission de recours amiable n'ait été préalablement saisie, il est prématuré et donc irrecevable (Pau. ch. Sociale. 27 juin 2019. RG n° 16/04185) …

Avant l’heure, ce n’est pas l’heure…

Attention aux redressements URSSAF sur le régime de prévoyance frais de santé

La Cour de cassation vient de rendre deux arrêts importants concernant le régime de prévoyance frais de santé. La première décision a trait au respect d’une procédure d’information en cas de révision du montant des cotisations. On sait que la DUE (décision unilatérale de l’employeur) est le moyen le plus utilisé par les entreprises pour instaurer une mutuelle collective obligatoire d’entreprise. Pour autant, tant la rédaction de la DUE que sa modification sont des actes juridiques complexes qui ne peuvent se faire sans de multiples précautions.

Dans une affaire, un employeur avait mis en place un régime de prévoyance frais de santé par DUE. Et conformément à la procédure applicable, il avait rédigé par écrit son document et l’avait remis à chacun des salariés intéressés (C sec soc. art. L 911-1). Quelques années plus tard, il avait souscrit, auprès du même organisme mutualiste, un nouveau contrat qui ne modifiait pas les conditions de remboursement des frais de santé mais révisait le montant des cotisations (la part patronale et la part salariale étaient légèrement réduites, sauf en cas de bénéficiaires multiples où la part salariale était légèrement augmentée). L’employeur avait décidé d’informer les salariés concernés de cette modification, par simple voie d’affichage. Lors d’un contrôle, l’URSSAF estimant que l’employeur n’avait pas informé individuellement chaque salarié concerné de la modification de la DUE, réintégra dans l’assiette des cotisations, la contribution patronale au régime de prévoyance mis en place par la société. Erreur fatale selon la cour de cassation : si le régime est mis en place par une DUE, toute modification du contrat de prévoyance doit être constatée dans un écrit remis par l’employeur à chaque salarié intéressé, conformément à ce que prévoit l’article L. 911-1 précité (Cass civ.2°. 14 mars 2019. pourvoi n° 18-12380)

Dans une autre décision, la 2° chambre civile affirme que les modalités de rémunération ne constituent pas un critère pour définir une catégorie objective de salariés. Rappelons, s’il en était besoin, que pour être collectif, un régime de prévoyance complémentaire doit couvrir : soit l’ensemble des salariés, soit une ou plusieurs catégories de salariés à condition, dans ce cas, que les catégories retenues permettent de couvrir tous les salariés que leur activité professionnelle place dans une situation identique au regard des garanties concernées.

Dans une espèce jugée le 14 février 2019 par la Cour de cassation, une entreprise avait mis en place, par accord collectif, une couverture complémentaire « frais de santé ». L’accord distinguait trois catégories de salariés : les cadres (catégorie 1), sous l’intitulé « ouvriers travaillant à la tâche » (catégorie 2), les ouvriers de chantiers et les ouvriers d’ateliers de préfabrication payés au rendement et sous l’intitulé « autres salariés » (catégorie 3), les employés du siège hors ateliers de préfabrication et hors chauffeurs payés en fonction d’heures travaillées. Le taux de participation de l’employeur au financement du régime « frais de santé » était unique à l’intérieur de chacune de ces catégories. En revanche, il variait d’une catégorie à l’autre, et notamment entre les deux dernières : 50 % pour les « ouvriers travaillant à la tâche » et 60 % pour les « autres salariés ». Suite à un contrôle, l’URSSAF avait  réintégré dans l’assiette des cotisations sociales la contribution patronale pour le personnel relevant des catégories 2 et 3, considérant que ces catégories n’étaient pas objectives et n’ouvraient donc pas droit au régime social de faveur. A juste titre selon la Cour de cassation : les modalités de la rémunération des salariés d’une entreprise ne constituent pas en effet un critère objectif de nature à fonder des catégories distinctes au sens de l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale (Cass civ. 2°. 14 février 2019. pourvoi n° 18-11100).

Pas de dommages intérêts en l’absence de préjudice…

Si certaines obligations prévues dans le Code du travail sont assorties de sanctions, d’autres ne le sont pas…Quelle sanction convient-il alors d’appliquer ? La jurisprudence avait décidé dans le passé, que l’absence de la mention relative à la priorité de réembauchage dans la lettre de licenciement économique causait nécessairement un préjudice au salarié, privé de cette information légalement obligatoire (Cass soc. 28 septembre 2011. pourvoi n° 09-43374). Cette position a toutefois été abandonnée par une série d’arrêts rendus en 2016 (V notamment : Cass soc. 13 avril 2016. pourvoi n° 14-28293). Désormais, dans la droite ligne des principes de la responsabilité civile, il convient que le salarié concerné apporte la preuve d’un préjudice distinct de celui résultant de son licenciement. Faute d’apporter cette preuve, l’intéressé ne pourra qu’être débouté de sa demande de dommages intérêts (Cass soc. 30 janvier 2019 pourvoi n° 17-27796). Dans la droite ligne de cette nouvelle jurisprudence, doit être rejetée la demande de dommages et intérêts présentée par une salariée reprochant à l'employeur de ne pas avoir organisé d'entretien professionnel à son retour de congé de maternité, en méconnaissance des dispositions du Code du travail et de la convention collective, dès lors que l'intéressée ne justifie d'aucun préjudice (Paris 12 mars 2019 RG n° 16/09246)…

 

François TAQUET
Professeur de Droit social
Avocat spécialiste en Droit du travail et protection sociale

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