Jurisprudences récentes en droit social - Janvier 2020

Publié le - Mise à jour le

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Un salarié doit contester son licenciement dans les 12 mois ! (Cass soc. 11 septembre 2019. pourvoi n° 18-18414)

Suivant l’article L 1235-16 du Code du travail, en cas d’annulation de la décision du DIRECCTE validant l’accord collectif contenant le plan de sauvegarde de l’emploi ou homologuant le document unilatéral établi par l’employeur à défaut d’accord, le salarié peut prétendre à sa réintégration dans l’entreprise ou à des dommages-intérêts dont le montant ne peut être inférieur aux salaires des 6 derniers mois. Quant à la contestation, elle est limitée dans le temps puisque selon l’article L 1235-7 « toute contestation portant sur le licenciement pour motif économique se prescrit par douze mois à compter de la dernière réunion du comité social et économique ou, dans le cadre de l'exercice par le salarié de son droit individuel à contester le licenciement pour motif économique, à compter de la notification de celui-ci ». Les choses paraissent claires. Mais, que décider lorsqu’une action en annulation de la décision administrative, engagée devant le Tribunal administratif, a été menée ? Cette action repousse t’elle le point de départ du délai de 12 mois ? Pour la Cour de cassation le délai de prescription de 12 mois prévu par l’article L 1235-7 du Code du travail qui concerne les contestations, relevant de la compétence du juge judiciaire, fondées sur une irrégularité de la procédure relative au plan de sauvegarde de l’emploi ou sur la nullité de la procédure de licenciement en raison de l’absence ou de l’insuffisance d’un tel plan, telles les contestations fondées sur les articles L 1235-11 et L 1235-16 du Code du travail, court à compter de la notification du licenciement. Ce faisant, la Chambre sociale fait une interprétation stricte des dispositions de l’article L 1235-7. Dans ces conditions, il appartient au salarié concerné de saisir le conseil de prud’hommes en lui demandant de surseoir à statuer dans l’attente de la décision du juge administratif.

Que décider en cas de non-respect d’une règle conventionnelle en matière de licenciement ? (Cass soc. 25 septembre 2019 pourvoi n° 17-27180)

L'article 66 de la convention collective nationale de l'inspection d'assurances du 27 juillet 1992 dispose qu'en cas de licenciement pour faute ou insuffisance professionnelle d'un inspecteur confirmé dans ses fonctions qui a demandé la réunion du conseil mentionné par cette disposition, le procès-verbal établi à l'issue de la réunion, qui relate notamment les faits reprochés à l'inspecteur et consigne l'avis de chacun des membres ayant participé à la réunion du conseil, doit être transmis au salarié, émargé par les membres du conseil. Or, justement, un inspecteur licencié pour faute grave faisait valoir que ce procès-verbal ne lui avait pas été transmis. La Cour de cassation en déduit que le licenciement de l’intéressé était privé de cause réelle et sérieuse. Cette solution n’est guère nouvelle. Après tout, il a été décidé maintes fois dans le passé que la consultation d’un organisme chargé, en vertu d’une disposition conventionnelle, de donner un avis sur un licenciement constitue pour le salarié une règle de fond dont l’inobservation rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass soc. 11 juillet 2000 pourvoi n° 97-45781 – 16 septembre 2008 pourvoi n° 07-41532). Et il paraît cohérent que le formalisme attaché à cette procédure conventionnelle soit respecté.

Toutefois, cette solution n’a plus qu’un caractère historique depuis l’ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017. En effet, l’article L 1235-2 dernier alinéa du Code du travail précise que lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure ou si la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement n’a été respectée, alors que le licenciement a une cause réelle et sérieuse, « le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ».

Quelques modifications dans le contrôle URSSAF…

Un décret n° 2019-1050 du 11 octobre 2019 apporte quelques modifications en matière de contrôle URSSAF. Ces nouvelles dispositions entreront en vigueur pour les vérifications engagées à compter du 1° janvier 2020. Il est intéressant de s’arrêter quelques instants sur les changements apportés. 

 

L’emport de documents

On sait que l’emport de documents fait l’objet de beaucoup d’incertitudes. Jusqu’à présent, aucune disposition légale ni aucun arrêt de principe ne réglait cette question dans le cadre du contrôle URSSAF. Toutefois, certains arrêts avaient décidé que « les inspecteurs ne peuvent ni rechercher eux - mêmes les documents nécessaires à leur contrôle ni emporter ou saisir des documents sans autorisation du cotisant » (Paris, Pôle 6 Chambre 12, 15 février 2019, RG n° 14/12280 V. également : Angers. Chambre sociale. 12 Janvier 2016. RG n° 13/02416 - 13/02414 - Caen. Chambre sociale 2. 1° février 2013. RG n° 10/01822). Il est désormais prévu que « sauf autorisation de la personne contrôlée, seules des copies des documents remis peuvent être exploitées hors de ses locaux » (V par parallélisme pour le contrôle fiscal l’article L 13 F du LPF : « les agents de l'administration peuvent, sans que le contribuable puisse s'y opposer, prendre copie des documents dont ils ont connaissance dans le cadre des procédures de contrôle… »). Cet article nécessite quelques observations immédiates : les originaux des documents ne peuvent être emportés qu’avec l’autorisation du cotisant (le texte n’envisage que les copies) ; les copies de documents doivent avoir été « remis », c’est-à-dire confiés par le cotisant (et non pris de force) ; enfin, dans tous les cas, la procédure contradictoire (c’est-à-dire un échange sur le contenu de ces documents) devra avoir été respecté.

Possibilité pour l’inspecteur de ne demander que des données et documents partiels

Il est prévu que « sans préjudice de demandes complémentaires ou du recours à la méthode d'évaluation du redressement par échantillonnage et extrapolation prévue à l'article R. 243-59-2, et afin de limiter le nombre des documents et données collectées, l’inspecteur peut choisir de ne demander que des données et documents partiels ». On sait que certaines URSSAF pratiquent du redressement par sondages, sans le dire clairement ou sans en respecter la procédure. Cette situation a donné lieu à plusieurs décisions parfois favorables au cotisant (Paris. Pôle 6 - Chambre 12. 9 novembre 2017. RG n° 14/08188). La Cour de cassation avait insisté sur le fait que les éléments recueillis dans le cadre d'une vérification irrégulière par échantillonnage et extrapolation ne peuvent fonder, même dans la limite des bases effectivement vérifiées, un redressement (Cass civ. 2°. 15 mars 2018. pourvoi n° 17-11891 - 21 juin 2018, pourvoi n° 17-19771). Cette nouvelle disposition a pour effet de simplifier le travail des organismes. Il appartient toutefois aux tribunaux de fixer la frontière entre ce qui constitue du redressement par sondages et ce qui ne l’est pas (d’autant que l’article R 243-59-2 « ne fait aucune distinction pour son application suivant l'importance des entreprises contrôlées » : Cass civ. 2°. 9 février 2017 pourvoi n° 16-10971).

Plus de contreseing obligatoire en cas de constat d'absence de mise en conformité

Le contreseing du directeur de l'organisme de recouvrement est supprimé en cas de constat d'absence de mise en conformité. Rappelons que ceci concerne la réitération d'une pratique ayant déjà fait l'objet d'une observation ou d'un redressement lors d'un précédent contrôle et qui donne lieu à une majoration de 10% du montant du redressement.

Augmentation du délai de réponse du cotisant

Suivant l’article R 243-59 III, le cotisant dispose d'un délai de trente jours pour répondre aux observations de l’organisme. Selon l'article L. 243-7-1 A du code de la sécurité sociale, la durée de la période contradictoire peut être prolongée sur demande du cotisant reçue par l'organisme avant l'expiration du délai initial, à l'exclusion des situations où est mise en œuvre la procédure d’abus de droit ou en cas de travail dissimulé. Un décret précise cette disposition. Il est désormais indiqué que ce délai de 30 jours peut être porté, à la demande de la personne contrôlée, à soixante jours. A défaut de réponse de l'organisme de recouvrement, la prolongation du délai est considérée comme étant acceptée. Cette disposition s’inspire du droit fiscal (LPF art L 57).

Suspension du délai de prescription pendant la période contradictoire

Le décret met fin à une incertitude s’agissant de la notion de la « période contradictoire ». En effet, la prescription des cotisations est suspendu pendant ladite période (CSS art L 244-3 alinéa 2 et L 243-7-1 A). S’il est aisé de savoir quand commence ladite période (c’est-à-dire l’envoi des observations), le terme est plus incertain. L’article R 243-59 IV al 4 l’avait fixé à l’envoi de la mise en demeure, ce qui pouvait sembler inacceptable puisque les cotisants étaient dépendants du bon vouloir des URSSAF. Cette situation est rectifiée puisqu’il est désormais prévu que ladite période prend fin au terme du délai de réponse ou à la date d'envoi de la réponse de l'agent chargé du contrôle. En d’autres termes, la prescription repartira suite à ce terme jusqu’à l’envoi de la mise en demeure.

 

François TAQUET
Professeur de Droit social, Avocat spécialiste en Droit du travail et protection sociale

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