Les ordonnances : en avant, marche !

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5 ordonnances du Ministère du Travail ont été publiées au JO le 23 septembre 2017 sur les thèmes suivants :

  • le renforcement de la négociation collective (N°2017-1385)
  • la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales (N° 2017-1386)
  • la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail (N° 2017-1387)
  • diverses mesures relatives au cadre de la négociation collective (N° 2017-1388)
  • prévention et prise en compte des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels et compte personnel de prévention. (N° 2017-1389)

Un décryptage des ordonnances N°1387 et 1389 relatives aux relations individuelles de travail est présenté ci-après :

1. Rupture du contrat de travail

Règles de procédure et de motivation du licenciement

Les règles de licenciement sont réformées pour que les vices de formes ne l’emportent plus sur le fond. Une erreur de forme pourra toujours être sanctionnée par une indemnité versée au salarié, laquelle pourra atteindre jusqu'à un mois de salaire, mais une telle erreur n'empêchera pas l'examen du fond du dossier comme aujourd’hui. Le non-respect de la procédure d’entretien préalable au licenciement ou d’une procédure conventionnelle ou en cas de méconnaissance du délai de transmission au salarié de son contrat à durée déterminée ou de son contrat de travail temporaire constituera également une irrégularité justifiant l’octroi d’une indemnité égale à un mois de salaire maximum.

Un modèle-type de lettre de notification du licenciement en cas de licenciement pour motif personnel ou économique sera établi par décret Ce formulaire, facultatif, permettra d'éviter les erreurs de procédure portant atteinte aux droits des salariés et pouvant entraîner la condamnation de l'employeur, notamment d'une petite entreprise, aux prud'hommes alors même qu'il est de bonne foi. La motivation de la lettre de licenciement pourra être complétée après sa notification, soit à l’initiative de l’employeur, soit à la demande du salarié. Un décret fixera les conditions d’application de cette procédure.  Si le salarié n’a pas demandé la motivation de son licenciement celui-ci ne pourra pas être jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison d’une insuffisance de motivation. Dans ce cas, seule une indemnité pour irrégularité de procédure égale à un mois de salaire maximum pourra être obtenue.

Le non-respect de la procédure d’entretien préalable au licenciement ou d’une procédure conventionnelle ou en cas de méconnaissance du délai de transmission au salarié de son contrat à durée déterminée ou de son contrat de travail temporaire constituera une irrégularité justifiant l’octroi d’une indemnité égale à un mois de salaire maximum.

Règles spécifiques aux licenciements économiques

Le périmètre d’appréciation de la cause économique de licenciement est limité au territoire national et non plus au groupe international sauf fraude et les notions de groupe et de secteur d’activité dans lesquels s’apprécient ces difficultés sont les critères établis par la jurisprudence. Le secteur d'activité se caractérise ainsi notamment par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution mis en œuvre sur un même marché.

Les modalités d’application de l’obligation de reclassement préalable au licenciement économique sont précisées pour les entreprises qui appartiennent à un groupe international. Pour les petits licenciements économiques (- de 10), le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements est fixé aux zones d’emploi et non à l’entreprise. La consultation des représentants du personnel se fait au niveau du nouveau comité social et économique (CSE) et en cas de licenciement de - de 10 salariés dans une même période de 30 jours, cette instance doit rendre son avis dans le délai d’1 mois à compter de la 1 ère réunion.

Indemnité légale de licenciement

L’indemnité légale de licenciement est accordée au salarié dès 8 mois d’ancienneté, au lieu d’un an actuellement et elle est augmentée de 25 % jusqu’à 10 ans d’ancienneté.

Contestation de la rupture du contrat de travail

Le délai imparti au salarié pour contester la rupture de son contrat de travail est de 12 mois.

Licenciements sans cause réelle et sérieuse ou nuls

En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ou de prise d’acte de la rupture du contrat ou de résiliation judiciaire prononcée aux torts de l’employeur, la sanction de l’entreprise sera déterminée par un barème modulé en fonction de l’ancienneté du salarié et de la taille de l’entreprise.

L’indemnité minimale est de 3 mois de salaire brut (au lieu de 6) pour les salariés ayant au moins 2 ans d’ancienneté dans une entreprise d’au moins 11 salariés et dans les entreprises de moins de 11 salariés : entre 0,5 et 2,5 mois de salaire brut.

L’indemnité maximale est fixée à 20 mois de salaire brut, pour les salariés justifiant d’au moins 30 ans d’ancienneté.

Le juge peut déduire de ce barème l’indemnité de licenciement.

Si le licenciement est jugé nul (violation d’une liberté ou d’une protection, harcèlement ou discrimination), l’indemnité est fixée par le juge à un minimum de 6 mois de salaire brut, sans préjudice des indemnités de rupture perçues par l’intéressé.

En cas de violation de la priorité de réembauche pour un licenciement économique, l’indemnité est d’au moins 1 mois de salaire (au lieu de 2) ;

En cas de nullité du licenciement économique en cas d’absence ou d’insuffisance du PSE ou d’absence de validation ou d’homologation de ce plan, l’indemnité est au minimum de 6 mois de salaire (au lieu de 12).

En cas de défaut de réintégration du salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, ou manquement à l’obligation de reclassement lorsque ce salarié est physiquement inapte, l’indemnité est d’au moins 6 mois de salaire (au lieu de 12).

2. Santé au travail

Inaptitude physique

Le périmètre de la recherche de reclassement qui s’impose à l’employeur en cas d’inaptitude physique du salarié est limité au territoire national s’appliquera au plus tard au 1er janvier 2018.

Recours contre l’avis du médecin du travail

Les recours contre l’avis du médecin du travail – avis d’aptitude ou d’inaptitude physique, notamment – relève toujours de la compétence du conseil de prud’hommes, saisi en la forme des référés, mais celui-ci n’est plus chargé de désigner un médecin-expert près la cour d’appel. Il peut en revanche saisir le médecin-inspecteur du travail d’une mesure d’instruction. En outre, un médecin mandaté par l’employeur peut se voir notifier les éléments médicaux ayant justifié l’avis du médecin du travail. Le coût de la procédure, en principe à la charge de la partie perdante, est  fixé par arrêté ministériel. Le dispositif ainsi remanié entrerait en vigueur à la date de publication d’un décret d’application, et au plus tard le 1er janvier 2018.

Prévention de la pénibilité

Le compte personnel de prévention de la pénibilité devient le « compte professionnel de prévention». A compter du 1er janvier 2018, sa gestion sera assurée par la branche accidents du travail/maladies professionnelles de la caisse nationale d’assurance maladie, de même que son financement. Les contributions pénibilité seront en conséquence supprimées à cette date. Par ailleurs, à compter du 1er janvier 2019, l’obligation pour les entreprises d’au moins 50 salariés d’engager une négociation sur un plan de prévention de la pénibilité ou, à défaut, d’établir un plan d’action, se déclencheront également lorsque leur sinistralité au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles serait supérieure à un seuil déterminé par décret, et non plus seulement dans le seul cas où un nombre minimal de salariés est exposé aux facteurs de risques au-delà des seuils réglementaires.

3. Sécurisation des relations de travail

Accès au droit

Au plus tard le 1er janvier 2020 sera mis en place une version du Code du travail numérique, accessible gratuitement sur internet, en vue de permettre et faciliter l’accès à toute personne au droit du travail et aux dispositions législatives et réglementaires ainsi qu’aux stipulations conventionnelles applicables. Les informations obtenues sur ce site seront opposables à l’administration dans des conditions à fixer par décret.

Droit d’expression des salariés

Le Gouvernement entend moderniser le droit d’expression directe et collective des salariés reconnu par les articles L 2281-1 du Code du travail, en promouvant pour cela le recours aux technologies numériques, sans que l’exercice de ce droit puisse se traduire par la diffusion d’éléments visant à discréditer l’entreprise. Les partenaires sociaux de l’entreprise fixeront les modalités d’exercice du droit d’expression dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire. En l’absence de délégué syndical pour négocier ou à défaut d’accord sur l’égalité, l’employeur devra consulter le comité social et économique (issu des ordonnances). Les nouvelles dispositions entreront en vigueur à la date de publication des décrets d’application, et au plus tard le 1er janvier 2018.

4. Recours à certaines formes particulières de travail

Télétravail

Le télétravail peut être mis en place dans l’entreprise par accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique (issu des ordonnances), s’il existe. Le télétravail occasionnel sera possible par simple accord entre l’employeur et le salarié, sans formalisme particulier. Tout salarié occupant un poste éligible à un mode d’organisation en télétravail peut demander à son employeur à en bénéficier. En cas de refus, la réponse doit être motivée.

CDD ou intérim

Une convention ou un accord de branche pourra fixer la durée totale du CDD ou du contrat de mission, le nombre maximal de renouvellements possibles, le délai de carence applicable en cas de succession de contrats sur un même poste et les cas dans lesquels ce délai de carence n’est pas applicable. A défaut de stipulations conventionnelles sur ces points, les dispositions légales s’appliquent.

CDI de chantier ou d’opération

Le recours au CDI de chantier sera possible, outre dans les secteurs où son usage est habituel au 1er janvier 2017, dans les entreprises couvertes par un accord de branche définissant les raisons d’y recourir. Cet accord devra fixer un certain nombre de critères tels que la taille des entreprises et les activités éligibles ainsi que les contreparties pour les salariés en termes de rémunération et d’indemnité de licenciement.

Prêt de main-d’œuvre à but non lucratif

Les prêts de main-d’œuvre réalisés entre un groupe ou une entreprise d’au moins 5 000 salariés et une jeune entreprise de moins de 8 ans ou une entreprise d’au plus 250 salariés n’ont pas de but lucratif même si le montant facturé par l’entreprise prêteuse à l’entreprise utilisatrice est inférieur aux salaires, charges sociales et frais professionnels afférents à l’emploi du salarié mis à disposition. Ce prêt de main-d’œuvre ne pourrait pas excéder 2 ans.

Après le volet des mesures individuelles, les ordonnances Macron abordent également toute une série d’aspects collectifs à étudier prochainement.


Charlotte Hammelrath et Chrystelle Deschamps
Avocats à la Cour – Coblence & Associés

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