Rupture pendant la période d’essai : la vigilance s’impose…

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On se souvient que la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 (C trav art  L1221-20) a donné une définition de la période d’essai : une période qui  « permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent ». Les mots ont leur poids : le but est ici pour le chef d’entreprise d’apprécier les « compétences professionnelles du salarié ». Logiquement donc, la chambre sociale décide que dès lors que les juges du fond ont constaté que le renouvellement de la période d'essai du salarié n'avait pas eu pour objet d'apprécier ses compétences et avait été détourné de sa finalité, la rupture du contrat en cours d'essai s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass soc. 27 juin 2018 pourvoi n° 16-28515). De même, l’employeur doit évidemment s’abstenir de toute discrimination dans la rupture. La Cour d’appel de Paris l’a rappelé récemment dans une affaire où un salarié qui n’avait pas été maintenu au terme de sa période d’essai avait dévoilé le SMS de sa manager qui lui avait été envoyé par erreur ("je ne le sens pas, c'est un PD, ils font tous des coups de putes") ; il apparaissait donc que le véritable motif de la rupture n'était pas en lien avec les aptitudes professionnelles de l’intéressé (Paris 21 février 2018 RG n° 16/02237).

Ainsi toute rupture qui ne serait pas liée à cette cause s’analyserait immanquablement comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La jurisprudence est très claire sur ce point. Un employeur ne saurait envisager une rupture de la période d’essai liée à un motif économique, à une faute du salarié ou encore, consécutive à un accident ou à une maladie professionnelle…Un arrêt de la Cour d’appel d’Orléans le rappelle clairement : dès lors qu'à la date de la notification de la rupture de la période d'essai, l'employeur avait parfaitement connaissance de la suspension du contrat de travail du salarié en raison de lésions causées par un accident du travail, cette rupture, non motivée par une faute grave ou une impossibilité de maintenir le contrat de travail, s'analyse en un licenciement nul (Orléans 17 mai 2018 RG n° 16/01806)

Quant aux sanctions applicables, la chambre sociale rappelle à bon escient que les dispositions du Code du travail relatives à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée n'étant pas applicables pendant la période d'essai, la nullité de la rupture pendant cette dernière en raison d'une discrimination n'ouvre pas droit à l'indemnité de préavis pour le salarié ; qui plus est, le salarié peut obtenir non pas une indemnité pour licenciement illicite et les indemnités de rupture, mais des dommages et intérêts en réparation de son préjudice (Cass soc. 12 septembre 2018 pourvoi n° 16-26333)          

Contrôle URSSAF : obligation d’envoi d’un avis de contrôle

Suivant l’article R 243-59 du Code de la sécurité sociale, tout contrôle est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé au cotisant, au moins quinze jours avant la date de la première visite de l’agent chargé du contrôle, sauf en cas de travail dissimulé. Il s’agit d’une formalité substantielle en l’absence de laquelle la procédure de contrôle serait empreinte de nullité.

Peu de précision n'est donnée par les textes sur le contenu de l'avis, hormis la date de la première visite, la possibilité de se faire assister d’un conseil et l’adresse électronique de la " Charte du cotisant contrôlé ". Très souvent, pour des raisons pratiques, les organismes de recouvrement indiquent dans cet avis la liste des documents à préparer pour la vérification (toutefois, cette liste n'est qu'indicative, et l'inspecteur peut, au cours du contrôle, exiger la production de pièces complémentaires : Paris. Pôle 6 - Chambre 13. 30 mars 2018 RG n° 15/11350). Cependant, le fait que le document ne soit pas signé ne constitue pas un manquement à une formalité substantielle permettant d'annuler le redressement (Lyon Sécurité sociale.16 janvier 2018 RG n° 16/09070)

En cas de litige, c’est à l’URSSAF à apporter la preuve de l’envoi de ce document (Paris. Pôle 6, chambre 12. 28 avril 2014. RG n° 13/08188). Qui plus est, en l’absence de mention de la « Charte du cotisant contrôlé » (Cass civ.2°. 18 septembre 2014. pourvoi n° 13-17084) ou de la mention de la possibilité de se faire assister d’un conseil (Versailles. Chambre 5. 28 août 2014. RG n° ° 13/00517), la procédure de contrôle serait nulle.

La jurisprudence a également fixé les limites de ce formalisme. Elle a ainsi décidé qu’était suffisamment explicite l’avis de contrôle qui précisait que la période contrôlée commencerait " à compter du 1er janvier 2009 ", alors que le cotisait soutenait que cette notion ne lui permettait pas de déterminer les exercices susceptibles d'être vérifiés (Douai Chambre Sociale. sécurité sociale. 31 mai 2018 RG n° 16/01334)

Le barème de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse est il légal ?

On se souvient que l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail a crée un barème de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse. On sait également que ce barème a fait l’objet de diverses contestations. Sans doute n’est-il pas inutile de faire un bilan provisoire de ces contentieux. Le Conseil d’Etat, saisi d’une requête en référé suspension dirigée contre l'ordonnance précitée avant sa ratification par le Parlement, a jugé que ces dispositions ne violaient pas les principes posés par ces textes internationaux (CE 7 décembre 2017 n° 415243). Qui plus est, le Conseil constitutionnel a validé les dispositions de l'article L 1235-3 du Code du travail prévoyant le référentiel (Cons. const. 21-3-2018 n° 2018-761 DC). Pour la première fois, le Conseil de prud’hommes du Mans a estimé de son côté, que ledit barème n’était pas contraire à la convention 158 de l’OIT, qui exige notamment une indemnisation adéquate  (Cons prud’h. Le Mans 26 septembre 2018 RG n° 17/00538). On attend désormais que le comité européen des droits sociaux (CEDS), se prononce sur le dispositif français, le syndicat Force Ouvrière l’ayant saisi sur ce point.

 

François TAQUET, Professeur de Droit social, Avocat spécialiste en Droit du travail et protection sociale

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