Biodiversité : le futur rapport de l'IPBES explique aux acteurs économiques comment agir

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Réunis à Paris début mai, les experts de l’IPBES ont publié un résumé de leur futur rapport sur le déclin du vivant… Avec des chiffres alarmants, mais aussi des conseils adressés aux pouvoirs publics et aux acteurs économiques qui, au quotidien, prennent des décisions qui impactent la biodiversité.

Par où commencer ? Difficile de ne pas se poser la question, à la lecture des conclusions du rapport de la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques, présenté début mai 2019 à Paris. Connu sous son appellation anglaise, IPBES, ce groupe de scientifiques est en quelque sorte le Giec de la biodiversité. Avec une différence stratégique assumée. Les climatologues ont tant communiqué sur la date butoir de 2100 qu’on a fini par croire à tort que la maîtrise des émissions de carbone était un enjeu de long terme. Les experts du vivant prennent soin quant à eux de caractériser l’urgence de la situation.

Un million d’espèces végétales et animales sont menacées d’extinction. Mais on connaît "dès à présent des effets graves sur les populations humaines du monde entier. Nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier", insiste le résumé d’un rapport qui sera publié en intégralité dans le courant de l’année. Comme pour le climat, il n’est pas trop tard pour agir. Comme pour le climat, c’est maintenant qu’il faut le faire.

Une stratégie qui coûte cher

Au-delà de la mine d’informations factuelles livrées sur ce déclin sans précédent à l’échelle humaine, les acteurs économiques seront particulièrement intéressés par une "liste indicative d’actions possibles et de trajectoires pour les atteindre".

Plus question de miser sur des gestes symboliques pour protéger telle espèce ou tel espace naturel sensible. Les 1 500 pages du futur rapport feront la promotion d’approches intégrées combinant plusieurs objectifs et une panoplie de moyens.

Dans le secteur agricole où l’on oppose parfois les problématiques de protection des milieux et de sécurité alimentaire (en partant du principe qu’il faut toujours plus de chimie afin de produire assez pour tout le monde), l’IPBES insiste en particulier sur les failles du modèle actuel. À l’instar du carbone organique présent dans le sol ou de la diversité des pollinisateurs, plusieurs indicateurs essentiels sont en chute libre. Conséquence, "la dégradation des sols a réduit la productivité de 23 % de la surface terrestre mondiale et entraîné des pertes comprises entre 235 et 577 milliards de dollars".

Trop d’uniformité

Pour y remédier, les experts insistent sur la nécessité de redéfinir des stratégies locales encourageant la diversité des cultures et des espèces. Leur perte "fait peser un risque grave sur la sécurité alimentaire mondiale en compromettant la résilience de nombreux systèmes agricoles face à des menaces telles que les parasites, les agents pathogènes et les changements climatiques", insistent les premières conclusions du rapport.

Un message qui n’est pas adressé aux seuls agriculteurs, car pour obtenir des résultats, c’est bien l’ensemble de la chaîne de distribution alimentaire qui doit se réformer. Pour aider les consommateurs à changer de comportement, l’industrie doit en particulier opter pour une transparence des approvisionnements. Et cesser de commercialiser les mêmes produits à travers le monde.

Gouvernance locale

La surexploitation n’est pas le seul problème. Les acteurs économiques doivent revoir la manière dont ils génèrent sans toujours s’en rendre compte des changements d’affectation des sols. Le terme doit être pris au sens large. Des paramètres comme l’imperméabilisation, la pollution, la plantation d’espèces envahissantes ou l’extraction d’eau sont trop négligés dans les opérations d’aménagement et les projets d’activité nouvelle. Il n’est pas nécessaire d’attendre le Grand Soir.

"Les stratégies de réduction des risques consistent généralement à tirer des enseignements de l'expérience acquise en combinant des mesures de précaution et des connaissances existantes et émergentes", estime le rapport. Qui invite là encore à jouer la carte du local.

Même s'il y a toujours la crainte de voir chaque projet contesté, la participation de la population à la gouvernance environnementale est essentielle. La défense de l’écosystème existant ne doit plus être vue comme un frein à l’activité humaine. Au contraire, il peut être un allié, par exemple pour rafraîchir les villes ou assainir l’air.

Jusqu’à la mer

L’IPBES invite chacun enfin "à prendre en compte les impacts indirects, distants et cumulatifs" de ses choix. Peut-être la moins visible, la perte de biodiversité aquatique est ainsi peut-être la plus inquiétante et la plus négligée. Et si tout le monde a bien en tête qu’une amélioration de la situation passera par des zones marines protégées et une gestion plus raisonnée de la pêche, gare à ne pas oublier "la réduction de la pollution par ruissellement dans les océans".

En ligne de mire : les rejets industriels ou les phénomènes de pollution accidentelle, mais aussi les microparticules de plastique qui contaminent les écosystèmes d’eau douce puis les océans dans les lieux les plus reculés. Les Français ne sont sans doute pas les pires en la matière. Pour autant, "prendre en compte les impacts indirects, distants et cumulatifs", c’est aussi s’interroger sur l’activité de ses filiales, de ses partenaires, de ses fournisseurs.

 

Olivier Descamps
Journaliste environnement / énergie / déchets
Actu-EL HS - Editions législatives

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