Économie circulaire : dans la "lutte contre le gaspillage", les industriels sont en première ligne

Publié le - Mise à jour le

Voir toutes les actualités

Bien au-delà de mesures qui pourraient bousculer la filière déchets et qui ont jusqu’alors attiré la lumière, le projet de loi présenté le 10 juillet en conseil des ministres va inciter voire obliger les industriels à entrer dans l’économie circulaire. À l’avenir, ceux qui ne jouent pas le jeu seront montrés du doigt. Ils devront aussi payer davantage.

Selon les uns, c’est une simple transposition de directives européennes publiées en 2018. Selon les autres, le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire est né d’une volonté de remettre en cause nos modes de consommation et de production de façon radicale. La secrétaire d’État à la transition écologique et solidaire Brune Poirson, qui a présenté le texte en conseil des ministres, mercredi 10 juillet 2019, aime d’ailleurs rappeler que plusieurs objectifs fixés par le paquet européen ont été poussés par la France. Comme l’interdiction de nombreux produits jetables en plastique.

Peu importe, après tout, qui a tenu le stylo. Beaucoup plus complet que le texte qui avait fuité au début de l’année, le projet de loi que les députés trouveront sur leur bureau à la rentrée va inciter les acteurs économiques à ne plus considérer la terre comme un puits sans fond. Voire les y obliger.

Lobbying en perspective

Cette version entérine plusieurs décisions de la feuille de route présentée il y a un an, en particulier la création de nouvelles filières REP (responsabilité élargie du producteur). Les fabricants de jouets, d’articles de sport, de loisir, de bricolage et de jardinage devront contribuer à la fin de vie des produits qu’ils mettent sur le marché à partir de 2021. De même que les cigarettiers qui avaient été invités à lancer une démarche volontaire qui n’a pas donné satisfaction. Les producteurs de deux roues suivront en 2022, comme les fournisseurs de lingettes imbibées (2024).

Enfin, les matériaux de construction auront leur REP en 2022 pour financer dès l’achat la gestion des déchets des ménages comme des professionnels. Cette décision ne plaît pas du tout aux entreprises du secteur. La FNBM (fédération du négoce de bois et des matériaux de construction) prévient qu’elle "mettra tout en œuvre pour convaincre le gouvernement et les parlementaires de son implication dans tout système équivalent de prévention des déchets". Elle estime que ses adhérents pourraient en faire davantage sans couteau sous la gorge.

Le bonus-malus généralisé

Éclipsée par des mesures plus symboliques et plus parlantes pour tout-un-chacun comme le développement de la consigne, ce retour en fanfare des REP est un petit événement. Malgré les cris d’orfraies de collectivités qui ne comprenaient pas pourquoi on s’était arrêté en chemin, la possible extension du dispositif a été taboue pendant plusieurs années avant d’être remise en scène par la publication du rapport Vernier début 2018.

Les entreprises seront donc finalement davantage mises à contribution pour financer la filière déchets… mais à des niveaux variables. À l’instar de ce qui a été fait pour décourager l’utilisation du PET opaque dans le secteur des emballages, "nous voulons généraliser le principe du bonus-malus sur les écocontributions", a expliqué Brune Poirson en présentant son projet de loi. Ceux qui font des efforts en faveur des produits réparables et recyclables paieront moins que les autres. De même que ceux qui intègrent de la matière recyclée.

Des invendus à valoriser d’une manière ou d’une autre

Ils pourront par ailleurs valoriser ces efforts via une information au consommateur qui sera bientôt obligatoire. "Les Français veulent de la transparence", justifie la secrétaire d’État. Un nouvel étiquetage environnemental devra intégrer des éléments sur la réparabilité et la disponibilité des pièces détachées des produits mis sur le marché.

Toujours du côté des contraintes enfin, à noter une volonté de mieux encadrer les invendus qui devront être réemployés, réutilisés ou recyclés d’ici 2022 pour les produits non alimentaires soumis à un dispositif de REP avant la publication de la loi ; et avant 2024 pour les autres… à quelques exceptions près, qu’il convient de mieux définir, estime le Conseil d’État saisi pour avis. L’article 5 qui intègre cette obligation devrait être très débattu, notamment pour savoir si recycler un produit neuf est réellement une avancée.

 

Olivier Descamps
Journaliste Environnement / énergie / déchets
ActuEL HSE
Editions législatives

Formations qui pourraient vous intéresser

tealium