Objet social de l’entreprise : qu’annonce le Projet de loi PACTE ?

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Le projet de Loi PACTE (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) a été présenté en Conseil des ministres le 18 juin 2018. Il a, selon le Ministère de l’Economie, des Finances, de l’Action et des Comptes Publics, pour ambition de donner aux entreprises les moyens d’innover, de se transformer, de grandir et de créer des emplois.

L’une des 10 mesures emblématiques du projet de loi PACTE consiste à repenser la place de l’entreprise dans la société en redéfinissant leur raison d’être. Il propose ainsi de modifier le Code civil et le Code de commerce afin de « renforcer la prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux dans la stratégie et l’activité des entreprises ».

Le projet de loi s’inspire pour cela des propositions du rapport « Entreprise, objet d’intérêt collectif », remis le 9 mars 2018, par Nicole Notat et Jean-Dominique Sénart aux ministres de la transition écologique et solidaire, de la justice, de l’économie et des finances, et du travail.

Les propositions du rapport Notat-Sénart

Le rapport « Notat-Sénart » avait pour objet de « proposer une vision et une responsabilité de l’entreprise qui ne soit pas exclusivement orientée par la valeur de court terme pour l’actionnaire ».

Il partait du constat que l’entreprise ne poursuivait pas un but d’intérêt général, ni la maximisation du profit, mais un intérêt collectif. Le rapport recommandait ainsi aux entreprises de définir leur raison d’être et proposait des mesures pour la concilier avec sa profitabilité :

« La définition d’une « raison d’être » (en anglais « purpose ») n’est pas en soi un objet nouveau : c’est par exemple un élément essentiel du management stratégique des entreprises. Il y est considéré comme l’expression d’un futur désirable pour le collectif, à la fois justifiant la coopération, et rendant compte d’un enjeu d’innovation » [i].

A cette fin, le rapport Notat-Sénart proposait de modifier la notion d’objet social telle qu’elle est énoncée dans le Code civil et le Code de commerce.

Actuellement, l’article 1833 du Code civil dispose : « Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l'intérêt commun des associés ».

Le rapport proposait l’ajout d’une seconde phrase à la suite de ce premier alinéa : « La société doit être gérée dans son intérêt propre, en considérant les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ».

Il s’agissait donc pour les entreprises de prendre en considération les effets de leurs activités sur le milieu naturel et sur leurs communautés.

Mais le rapport allait plus loin en demandant aux entreprises de faire référence à leur raison d’être dans leurs statuts. Cette évolution devait passer par la modification de l’article L. 225-35 du Code de commerce. Actuellement, ce texte dispose :

« Le conseil d'administration détermine les orientations de l'activité de la société et veille à leur mise en œuvre. Sous réserve des pouvoirs expressément attribués aux assemblées d'actionnaires et dans la limite de l'objet social, il se saisit de toute question intéressant la bonne marche de la société et règle par ses délibérations les affaires qui la concernent ».

Le rapport Notat-Sénart proposait de l’amender de la façon suivante : « Le conseil d'administration détermine les orientations de l'activité de la société en référence à la raison d'être de l'entreprise et veille à leur mise en œuvre, conformément à l'article 1833 du code civil ».

Il définissait la raison d’être comme l’expression de ce qui est « indispensable pour remplir [l’] objet (social). La notion de raison d’être de l’entreprise devait ainsi apparaître et être formalisée lors de la détermination des orientations de l’activité de la société. Mais elle faisait également partie intégrante de l’objet social de l’entreprise.

Inspirée de la jurisprudence, elle devait à la fois responsabiliser la direction et conforter son action, puisqu’elle reflètait un compromis entre les aspirations des différentes parties y prenant part.

« Il s’agit d’une option ouverte à celles voulant devenir "entreprise à mission", ajoutaient-ils, pour que ces entreprises soient reconnues, sans pour autant créer un nouveau statut à côté de celui de SA ou SARL. 

Le projet de Loi Pacte

Le Ministre des finances a présenté le projet de loi PACTE le 18 mai dernier en Conseil des Ministres. Il reprend partiellement les propositions du rapport Notat-Sénart. A l’instar de celui-ci, le projet de loi PACTE a notamment pour objectif de faire entrer la RSE dans le Code civil et le Code de commerce pour "renforcer la prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux dans la stratégie et l’activité des entreprises".

Ainsi, le projet de loi PACTE prévoit la modification de la définition de l’objet social de l’entreprise dans le Code civil. La première phrase de l’article 1833 du Code civil serait donc suivie de l’alinéa suivant :

"La société est gérée dans son intérêt social et en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité". 

Contrairement au rapport précité, le projet de loi retient la notion d’intérêt social à la place de la notion d’intérêt propre. Cette notion, assez floue il est vrai, évoque toutefois un élargissement de la notion d’objet social, confirmé par le fait que la prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux de l’activité de l’entreprise est conservée.

En outre, l’article L.225-35 du code de commerce serait modifié en ce sens :

"Le conseil d'administration détermine les orientations de l'activité de la société, conformément à son intérêt social et en prenant en considération ses enjeux sociaux et environnementaux, et veille à leur mise en œuvre".

Les entreprises disposent donc de la possibilité de se doter d’une "raison d’être". L’article 1835 du code civil sera également modifié en ce sens. Il ne s’agit toutefois que d’une option, les entreprises volontaires disposant de la possibilité de la mentionner dans leurs statuts.

Selon le Ministère des Finances, cette raison d’être « sera le projet de long terme dans lequel s’inscrit l’objet social de l’entreprise». La consécration de cette notion dans le Code de commerce et dans le Code civil aura un effet d’entraînement, d’une part, en permettant aux entreprises engagées dans une démarche RSE de la valoriser et, d’autre part, en incitant les entreprises à être plus orientées vers le long terme.  Elle devra, en tout état de cause, être précisée par la jurisprudence.

Le projet de loi PACTE sera examiné au Parlement à compter du mois de septembre prochain.

 

Cécile Arnould
Consultante en formation QSE

Pour aller plus loin :
http://actuel-hse.fr/content/lentreprise-objet-social-de-convoitise
http://www.actuel-hse.fr/content/rse-le-projet-de-loi-pacte-propose-une-raison-detre-aux-entreprises-volontaires


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