Les premiers pas prometteurs des formations en situation de travail

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Pour qui ? Comment ? Et pour quels objectifs ? Avec la loi Avenir professionnel, les formations sur les lieux et pendant le temps de travail ont fait leur entrée dans la boîte à outils des responsables formation. Une méthode pédagogique encourageante. A condition toutefois d’encadrer ces pratiques. Retour sur les premières expériences.

Avec la loi Avenir professionnel, un nouvel acronyme a fait son apparition dans le monde des RH, Afest, pour Action de formation en situation de travail. Désormais, un cursus peut se dérouler in situ pour favoriser la transmission de savoir-faire. La pratique n’est pas tout à fait nouvelle mais elle est désormais reconnue, au même titre que le elearning ou le présentiel ; l’Afest étant érigée, depuis la réforme de 2018, aux rangs d’action de formation. "C’est un nouveau champ d’innovation et de liberté", se réjouit Christophe Pons, directeur de la formation d’Onet, le spécialiste du nettoyage industriel et ex président de la commission emploi formation professionnelle de la branche propreté.

Expérimentation

Il aura toutefois fallu trois ans pour valider le principe. C’est la tâche qui avait été confiée en 2015 à la DGEFP, au Copanef, au FPSPP, au Cnefop et à l’Anact qui ont mené une expérimentation auprès d’une douzaine d’entreprises et de 70 salariés. L’essai a depuis été transformé, avec la publication, en juillet du rapport ad hoc puis, en décembre, d’un décret destiné à fixer les contours de cette modalité de formation. De fait, les risques de dérives ne sont pas négligeables. Comment éviter les situations abusives, en déguisant le travail en formation, sans repères pédagogiques voire même sans enseignement théorique ?

Des actions ciblées

Dans les métiers de la propreté, les formations en situation de travail sont les mieux adaptées pour intégrer les bonnes pratiques.

"Dans les métiers de la propreté, le geste est important pour la technicité et la sécurité. Les formations en situation de travail sont les mieux adaptées pour intégrer les bonnes pratiques", insiste Christophe Pons. Onet y a eu recours pour former une centaine d'agents de propreté aux rudiments du métier en quatre à huit heures : connaissance des produits d’entretien, préparation du chariot mobile, apprentissage des règles de sécurité….

Apprendre en faisant… C’est aussi le principe retenu par la société de production Titrafilm qui a utilisé l’Afest pour pallier l’absence de compétences disponibles par la formation initiale. "Nous avons créé un nouveau métier, chargé de fabrication media manager, pour servir d’intermédiaire entre les différentes équipes de production, doublage, sous-titrage…", indique Malika Hamlaoui, la responsable formation de l’entreprise. Quatre personnes ont été formées à cette nouvelle fonction dotée d’une forte technicité. L’Afest peut également résoudre des difficultés de recrutement quand les candidats manquent à l’appel.

Un niveau d’engagement fort

Les salariés formés ont gardé leur employabilité.

Et de l’avis des intéressés, les bénéfices sont plutôt importants. Selon le rapport publié en juillet dernier, tous soulignent une plus grande implication du salarié dans le travail et de meilleurs rapports entre collaborateurs et managers. "L’Afest favorise l’engagement des personnes, l’apprentissage par le faire étant mieux ajusté aux publics éloignés des schémas de départ en stage de formation classique", observe Philippe Debruyne, administrateur CFDT de France Compétences. "Les salariés formés maîtrisent mieux leur environnement de travail. Ils ont désormais des compétences reconnues par tous les salariés de l’entreprise. Les retombées sont aussi très positives en termes de communication. Surtout, ils ont gardé leur employabilité", ajoute Malika Hamlaoui.

Le cadre de l’Afest

Il doit y avoir comme tout type de formation un parcours pédagogique permettant d’acquérir des compétences.

Reste, toutefois, à encadrer les pratiques. Car l’Afest ne s’improvise pas. Or, le manque de temps, de disponibilité est non négligeable. A fortiori pour les PME. D’autant qu’elles ne sont pas équipées de services ressources humaines pour mettre en place une ingénierie du projet.

Trois étapes s’imposent. Primo, "la création de référentiels précis de compétences visées", observe Fabien Ravasse, directeur de Reval Prest, une entreprise d’insertion qui a formé par ce biais des agents d’entretien d’espaces verts. Onet a, de son côté, identifié 30 compétences clefs pour les agents de propreté. Secundo, l’analyse des compétences, acquises ou non, de ses salariés afin de déterminer le parcours individuel de formation (PIF), destiné à formaliser et tracer le déroulement pédagogique des actions de formation. "Il doit y avoir comme tout type de formation un parcours pédagogique permettant d’acquérir des compétences et des évaluations qui jalonnent ou terminent l’action", explique Marc Dennery, directeur associé de C-Campus, un organisme de conseil et de formation. S’y ajoute la fixation de plages horaires et l’aménagement en parallèle du temps de travail pour réaliser la formation. 

L’Afest doit être accompagnée d’un droit à l’erreur ou à l’essai.

Tertio, l’Afest doit être accompagnée d’un droit à l’erreur ou à l’essai, ce qui nécessite généralement un aménagement de la production. Pour éviter la prise de risques, Sarstedt, spécialisé dans la fabrication de pipettes en plastique pour le secteur médical, a, par exemple, installé un jury blanc, composé de tuteurs, pour jauger de la pertinence des réponses à un appel d’offres proposées par un commercial en formation.

A l’issue de leur apprentissage, les apprenants reçoivent une attestation de leur formation en termes de compétences. Les parcours de formation peuvent également aboutir à une certification, à l’image de CléA pour Reval Prest.

Les points cruciaux

Former est un vrai métier. Or, tous nos experts ne sont pas capables de transmettre leur savoir-faire.

Deux points cruciaux doivent, toutefois, être levés. En premier lieu, le choix du référent. "Il faut être accompagné pédagogiquement, martèle Malika Hamlaoui. Former est un vrai métier. Or, tous nos experts ne sont pas capables de transmettre leur savoir-faire". D’autant que "dans les petites structures et notamment dans les entreprises sous-traitantes très peu de personnes sont disponibles", ajoute Didier Cozin, gérant de l’Agence pour la formation tout au long de la vie (AFTLV). Les organismes ne s’y sont pas trompés. C-Campus, par exemple, a déposé et enregistré la certification de référent Fest, en décembre 2016. Une centaine de personnes ont ainsi été certifiées ou sont en cours de certification. L’accompagnement peut, de fait, être interne mais aussi externe. Onet a, de son côté, créé une communauté de 200 formateurs, managers intermédiaires et responsables de secteur, via le réseau social d’entreprise Yammer.

Financements

L'Afest peut se combiner avec du elearning ou du présentiel.

Autre problème : le financement. Le coût d’ingénierie n’est pas neutre pour une entreprise si elle veut modeler la formation à ses spécificités. "Les financements sont pauvres, il faut réussir à concilier temps de travail et temps de formation", déplore Malika Hamlaoui. Les PME de moins de 50 salariés peuvent désormais financer une telle formation sur les fonds mutualisés de la formation professionnelle. "Pour les autres entreprises, l'Afest étant une modalité de formation, elle participe au plan de développement des compétences avec les mêmes sources de financement", rappelle Philippe Debruyne.

Les opérateurs de compétences pourront agir ici en tant que conseillers en ingénierie de formation auprès des entreprises. L’Opco mobilité et l’Afdas font d’ailleurs référence à l'Afest dans la liste de leurs priorités. "Rien n’empêche non plus les branches professionnelles de prévoir dans leurs conventions la possibilité de versements extralégaux pour financer ces actions avec le soutien de l’Opco". D’autant que l’Afest n’est pas une fin en soi. "Elle peut se combiner avec du e-learning ou du présentiel et être une étape dans un parcours de formation", poursuit Philippe Debruyne.

Ces formations rencontreront-elles le succès escompté ? "C’est dans l’année à venir que l’on pourra dire si l’Afest a gagné ou non", prévient Marc Dennery. Mais d’ores et déjà, un groupe de travail a été lancé au niveau du Garf Provence-Alpes-Côté d'Azur, le réseau des professionnels de la formation, pour réfléchir à sa déclinaison pour les formations en management. Objectif ? Travailler sur les soft skills, c’est-à-dire les compétences comportementales, afin d’accompagner les responsables d’équipe à l’exercice de leur fonction. Preuve que l’Afest peut concerner tous les publics. Un premier pas prometteur.

 

Anne Bariet

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