La réforme de la formation professionnelle est lancée

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Suppression des formations éligibles au CPF, fin du décompte en heures, disparition du Cif et de la période de professionnalisation, simplification du plan, nouvelle contribution : la prochaine réforme devrait profondément modifier notre système de formation professionnelle selon le document d’orientation envoyé par le gouvernement aux partenaires sociaux. La négociation interprofessionnelle a débuté et le gouvernement souhaite présenter son projet de loi en avril 2018.

Être à la hauteur des enjeux de la « bataille mondiale des compétences » suppose « non pas réformer, une fois de plus, notre système de formation professionnelle, mais de le transformer » déclare en préambule le gouvernement dans le document d’orientation qu’il a envoyé, le 15 novembre dernier, aux partenaires sociaux. Ce document présente les principaux objectifs du ministère du travail concernant la prochaine réforme de la formation. Il encadre la négociation interprofessionnelle en détaillant les thèmes sur lesquels les partenaires sociaux sont appelés à discuter.

Les organisations patronales et syndicales ont déterminé, le 17 novembre, la méthode et le calendrier de la négociation interprofessionnelle sur la formation. Concrètement, les partenaires sociaux ont réorganisé les discussions non plus par publics, comme l’avait suggéré le ministère du travail, mais par thèmes. Ils sont au nombre de cinq : droit et accompagnement, alternance, entreprises et expression des besoins, certification et qualité, gestion des parcours professionnels et GPECT (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences au niveau territorial) et gouvernance et financement. Les réunions se dérouleront au rythme d’une séance chaque semaine, du 24 novembre au 16 février 2018 (avec une suspension entre Noël et jour de l’an).

A l’issue de cette négociation, l’exécutif souhaite présenter son projet de loi portant réforme de la formation professionnelle, de l’assurance chômage et de l’apprentissage au mois d’avril 2018.

Une simplification du CPF

La disparition du Cif

Renforcer le compte personnel de formation (CPF) : c’est l’un des premiers objectifs du gouvernement. Il doit devenir, pour le gouvernement, « l’unique droit personnel à la main des individus dans une logique d’appropriation directe, c’est-à-dire d’autonomie sans intermédiaire obligatoire ».

Le congé individuel de formation (Cif) a donc vocation à disparaître. Ce dispositif peinant à « remplir de manière collective et générale une véritable fonction de reconversion professionnelle (50 000 CIF par an environ pour 19 millions de salariés) », indique le document d’orientation.

La fin des formations éligibles

Pour le ministère du travail, le renforcement du CPF passe également par une simplification de ses modalités d’utilisation avec la fin des listes de formations éligibles et la mise en place d’une nouvelle unité de mesure actuellement fixée en heures.

Dans le document d’orientation, il est, en effet, indiqué que « le système des listes de formation éligibles au compte restreint les possibilités d’accès à la formation et rajoute un niveau de complexité supplémentaire à un ensemble déjà peu lisible ».

Autre constat : l’unité de mesure en heures des droits « n’est pas satisfaisante, celle-ci prenant mal en compte les nouvelles formes d’actions de formation relativisant les notions de présence sur un lieu en un temps donné.

Le Gouvernement prévoit de mettre à disposition des salariés et des demandeurs d’emploi une application numérique permettant de connaître en temps réel les droits individuels acquis sur le CPF, les offres d’emploi disponibles sur le bassin d’emploi et la région, les formations préparant à l’acquisition des compétences requises par ces emplois et les taux d’insertion dans l’emploi à l’issue des formations proposées. L’application permettra également de s’inscrire en formation «sans avoir à solliciter obligatoirement un intermédiaire et sans avoir à effectuer de démarches administratives ».

Remarque : le développement de cette application est l'une des missions auxquelles va s'atteler la nouvelle haut-commissaire à la transformation des compétences, Estelle Sauvat qui vient d'être nommée à ce poste (D. n°2017-1529, 3 nov. 2017 : JO, 4 nov.).

Cinq sujets de négociation

Les partenaires sociaux sont invités à négocier sur les questions suivantes :

  • quelle doit être la nouvelle unité de mesure du CPF ?
  • quel doit être le montant du financement collectif garanti pour le CPF éventuellement différencié en fonction du niveau de qualification de la personne pour permettre des reconversions professionnelles ?
  • comment doivent être organisées, notamment par la négociation, les possibilités d’abondement au CPF des entreprises dans une logique de co-construction ?
  • comment concilier choix de l’individu et besoins de l’économie ?
  • dans le contexte de la fin des listes d’éligibilité au CPF, comment maintenir et organiser la montée en qualité des formations proposées ? 

Des obligations de formation renforcées pour les entreprises

Un plan de formation simplifié

S’il a une volonté clairement affichée de « renforcer l’autonomie et la liberté des actifs », l’exécutif prend bien soin de préciser que « les obligations de l’entreprise relatives au maintien de l’employabilité de ses salariés » ne sont pas remises en cause et doivent être confirmées.

Le ministère du travail souhaite ainsi la disparition de la période de professionnalisation qu’il juge « souvent utilisée comme outil d’adaptation au poste alors que le maintien dans l’emploi du salarié relève de l’obligation générale qui incombe à l’employeur au titre de l’article L. 6321-1 du code du travail ».

Pour l’exécutif, il est également indispensable de simplifier la construction et la formalisation du plan de formation, « les entreprises et les représentants du personnel ayant du mal à distinguer effectivement les différences entre les catégories ».

Autre souhait : simplifier les voies d’accès à la formation pour les salariés des TPE-PME

Plusieurs points sont ainsi soumis à la réflexion des partenaires sociaux :

  • comment inciter les entreprises à mieux assurer le maintien de la capacité de ses salariés à occuper un emploi, en anticipant l’évolution de leurs besoins en compétences, en accompagnant les transitions professionnelles en interne et en favorisant l’accès des salariés les moins qualifiés à la formation ?
  • comment apporter aux TPE-PME les moyens financiers et outils nécessaires à l’anticipation de leurs besoins en compétences et à la formation de leurs salariés ? A quelles conditions un système de mutualisation asymétrique peut-il être efficace ?
  • comment faciliter une meilleure association des élus du personnel et/ou des organisations syndicales à l’élaboration de la politique de formation de l’entreprise ?

Une nouvelle définition de l’action de formation

La digitalisation fait exploser le partage entre présentiel et non présentiel, entre formation pendant et hors du temps de travail.

Pour mieux prendre en compte cette réalité, le gouvernement propose aux partenaires sociaux de réfléchir à la question suivante : quelle doit être la nouvelle définition simple et opérationnelle de l’action de formation favorisant toutes les formes de formation et l’innovation pédagogique ?

Une contribution pour les demandeurs d’emploi

Le gouvernement prévoit la mise en place d’une contribution « qui pourra être portée, à partir de 2019, à 1,5 milliard d’euros par an et prendra la forme d’un prélèvement pouvant atteindre 0,3 % de la masse salariale ». Cette contribution qui a vocation à évoluer en fonction du nombre de demandeurs d’emplois devrait être intégrée dans le montant global des cotisations formation.

Cette contribution interviendrait dans le cadre du plan d’investissement compétences destiné à financer la formation d’un million de demandeurs d’emplois de longue durée et d’un million de jeunes sans qualification.

Une rénovation de l’offre de formation

Un RNCP modernisé

Le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et l’inventaire de la commission nationale de la certification professionnelle (CNCP) pourraient être rénovés afin de « mieux prendre en compte les compétences émergentes sur des métiers en forte évolution, tout en veillant à un accès au RNCP sélectif et de qualité ».

Une amélioration de la qualité

La plus grande liberté donnée aux individus dans leur choix d’achat de formation exige une plus grande transparence de l’offre de formation. La régulation du système doit donc, plus que jamais, passer par « l’assurance qualité » de la prestation et du prestataire et ce, de « façon unifiée ». Piste du gouvernement : la certification des organismes de formation pourrait être assurée via un système d’accréditation qui pourrait s’appuyer sur le COFRAC (comité français d’accréditation), une association chargée de délivrer les accréditations aux organismes intervenant dans l’évaluation de la conformité en France.

Pour garantir une meilleure transparence et une plus grande qualité des formations, la négociation pourra porter sur les thèmes suivants :

  • quelles doivent être les modalités de contractualisation des parcours de formation, de suivi et d’évaluation notamment quant aux résultats obtenus en matière d’emploi et de compétences ?
  • quelles doivent être les modalités de régulation sur la qualité et la certification de l’offre de formation et quelles conséquences sur la non-qualité ?
  • comment renforcer les contrôles ?

Un meilleur accompagnement

Selon le document d’orientation, « la question de l’accompagnement des actifs est un des enjeux majeurs de la réforme ». L’accompagnement participe « à réduire les inégalités d’accès et d’exercice effectif des droits à la formation ».

Peu connu, sous-financé, le conseil en évolution professionnelle ne remplit pas son rôle. Les partenaires sociaux sont donc incités à négocier sur « ce que doit être un droit à l’accompagnement au service des actifs et sur ces objectifs comme instrument d’émancipation de l’individu ». « Ils sont également invités à déterminer les voies et moyens permettant de favoriser le bénéfice de ce conseil de manière large et diversifiée, dans une logique d’incitation au résultat des opérateurs ».

Une rénovation de l’alternance

En parallèle de la concertation sur l’alternance qui a débuté le 10 novembre dernier, les partenaires sociaux devront, dans le cadre de la négociation sur la formation, plancher sur « une refondation du système de formation en alternance sur les besoins des entreprises et les attentes des jeunes ». La négociation portera sur trois problématiques principales : la mise en place un système de financement au contrat (apprentissage et professionnalisation), la création d’un système de péréquation pour développer l’alternance dans les branches ne disposant des ressources suffisantes et l’amélioration des modalités d’évaluation des formations en alternance.

La concertation sur l'alternance réunit, quant à elle, les partenaires sociaux, les représentants des régions et des chambres consulaires. Quatre réunions plénières et huit séances thématiques sont programmées jusqu’au 25 janvier 2018. Quatre sujets sont abordés : le parcours de l’apprenti, le rôle des entreprises en matière d’apprentissage, la gouvernance et le financement, l’offre de formation et de certification professionnelle.

Cette concertation, présidée par Sylvie Brunet, présidente de la section travail au Cese (conseil économique, social et environnemental), se clôturera par la remise à la ministre du travail, à la ministre de l'enseignement supérieur et au ministre de l'éducation nationale d’un rapport présentant les préconisations issues des débats.
 
Sophie Picot-Raphanel
© Guide Formation Professionnelle Continue/ Editions Législatives

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