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Le Droit de la Construction est, comme il est de coutume de le dire, en perpétuelle « construction », témoins la Loi ELAN n° 2018-1021 du 22 novembre 2018 qui légifère sur la VEFA en créant la Vente en l’état futur d’inachèvement (VEFI) et les jurisprudences, nombreuses rendues en 2019, impactant diverses notions essentielles pour tous les acteurs non seulement de la Construction proprement dite, mais aussi de l’Immobilier.

1. La Loi ELAN et le décret d’application du 25 juin 2019 relatif aux travaux réservés par l’acquéreur d’un immeuble vendu en VEFA

L’article 75 relatif à la VEFA permet au vendeur et à l’acquéreur de convenir, au stade du contrat préliminaire, de certains travaux de finition ou d’installation d’équipements sanitaires dont ce dernier peut se réserver l’exécution après la livraison du logement.

Le contrat devra alors comporter une clause stipulant que l’acquéreur accepte la charge, le coût et les responsabilités qui résultent de ces travaux.

Il ne faut en effet pas oublier que tout vendeur d’immeuble achevé (art 1792-1 du Code civil) est responsable à l’égard de l’acquéreur des dommages de nature décennale dans l’hypothèse naturellement où la vente du bien immobilier a lieu avant le terme. C’est d’ailleurs ce que rappelle la Cour de Cassation dans son arrêt rendu le 16 mai dernier (3e civ n° 18-14483).

  • Le Décret d’application n° 2019-641 du 25 juin 2019 relatif aux travaux réservés par l’acquéreur d’un immeuble vendu en VEFA.

Il est dressé leur liste laquelle porte sur des travaux de finition des murs intérieurs, de revêtement ou d’installation d’équipements de chauffage ou de sanitaires et, le cas échéant du mobilier pouvant les accueillir.

Un arrêté du ministre chargé du logement, à paraître cet automne, doit fixer la liste limitative des travaux concernés et déterminer leurs caractéristiques.

Le décret autorise, en outre, l’acquéreur à revenir sur la clause par laquelle il a manifesté sa volonté de se réserver l’exécution de travaux de finition en notifiant sa décision au vendeur par lettre recommandée avec accusé réception ou par lettre électronique dans le délai stipulé sur le contrat préliminaire.

Si l’acquéreur s’est réservé certains travaux, le contrat doit indiquer le prix prévisionnel de vente, le prix chiffré de chacun des travaux réservés ainsi que le délai dans lequel l’acquéreur pourra revenir sur sa décision.

Le Législateur a entendu, d’une certaine façon en créant la VEFI, permettre à l’acquéreur, à l’instar du Contrat de Construction de Maisons individuelles,  « d’alléger »  le coût final de son achat immobilier.
 

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2. Points d’attention de la jurisprudence 2019 en matière de construction

a. La Réception des travaux 

Elle donne toujours lieu à des décisions qui ne peuvent laisser « indifférents » les maitres d’ouvrage, les Entreprises et les Assureurs :

  • Cass 3e civ  30/01/2019 n° 18-10197 : le paiement intégral des travaux d’un lot et sa prise de possession valent réception tacite car l’achèvement de la totalité de l’ouvrage n’est pas une condition de la réception d’un lot. Il est à nouveau réaffirmer qu’il y a bien en l’espèce présomption de réception tacite.

  • Cass 3e civ 7/03/2019 n° 18-12221 : la convocation par LRAR (ainsi qu’une télécopie du même jour) à la réception sont suffisantes pour la rendre contradictoire et ce, même si la réception est prévue 4 jours après la date d’envoi de la lettre recommandée.

  • Cass 3e civ 4/04/2019 n° 18-12410 : Cette décision est un premier car elle rend opposable au maitre d’ouvrage la clause insérée dans le contrat d’assurances liant l’entreprise à son propre assureur, laquelle définissait la réception tacite « comme celle de la prise de possession mais, en sus, de l’absence de réclamation sur une période significative ». Les dysfonctionnements, en l’espèce, de la pompe à chaleur étant survenus dès l’entrée dans les lieux, l’assureur a été ainsi dégagé de toute garantie en l’absence de réception tacite avérée.

La définition légale (art 1792-6 cc) de la réception n’est donc pas, loin de là, d’ordre public.

  • Cass 3e civ 13/06/2019 n° 18-16833 : la réception tacite distincte (prise de possession et règlement total des travaux) de chacune des deux maisons construites sur une même parcelle est valable.

b. Les Eléments d’équipements dissociables installés sur un « Existant » 

Depuis 2017 (Cass 3e civ., 15/06/2017 n° 16-19640), il est consacré avec toutes les conséquences majeures pour les entreprises, assureurs et maitres d’ouvrage que l’installation d’un simple élément d’équipement (dissociable ou indissociable) dans un ouvrage existant peut dorénavant générer la responsabilité décennale de l’installateur si l’élément d’équipement a pour effet de rendre l’existant impropre à sa destination.

Un nouvel arrêt (Cass 3e civ 7/03/2019 n° 18-11741) confirme cette jurisprudence à propos d’un insert provoquant l’incendie de la maison individuelle.

c. Les Troubles Anormaux de voisinage 

Cette notion donne lieu aussi à de nombreuses décisions qui peuvent impacter tous les constructeurs et ce, d’autant plus en l’absence d’une procédure de référé préventif ; chacun peut mesurer que tous travaux peuvent perturber le voisinage.

  • Cass 3e civ 7/03/2019 n° 18-10074 : les troubles anomaux de voisinage se prescrivent par 5 ans (art 2224 cc).

Il convient par ailleurs de rappeler, à destination des acteurs de l’immobilier, que cette notion peut aussi être relevée dans la relation copropriétaire – syndicat des Copropriétaires (Cass 3e civ 11/05/2017 n° 16-14339) et que cette responsabilité « objective » (aucune faute à prouver) va jusqu’à engager la responsabilité première du nouveau copropriétaire à l’égard de celuide l’étage en-dessus alors que les travaux litigieux ont été entrepris par l’ancien copropriétaire (Cass 3e civ 16/05/2017 n° 16-14665).

d. Dommages « Intermédiaires » 

Ceux-ci sont encore trop souvent « ignorés » tant par les divers acteurs de la construction que ceux du monde de l’Immobilier.

Les maitres d’ouvrage privés abandonnent donc à tort tout recours alors qu’il leur est ouverte la voie de celle fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun (art 1231-1 du Code civil) pour faute prouvée pour les dommages qui ne relèvent pas de la garantie décennale ni des éléments d’équipement dissociables destinés à fonctionner et qui surviennent après réception (ex : fissures filiformes).

La Cour de Cassation rappelle ainsi, à titre d’exemple, que le carrelage « collé », s’il n’a pas pour effet de rendre l’ouvrage impropre à sa destination ni de porter atteinte à la sécurité des personnes, relève dorénavant bien des dommages intermédiaires (Cass 3e civ 7/06/2018 n° 16-15803).

e. Activités exercées et attestations de responsabilité décennale 

Fin 2018 et 2019 marquent un tournant dans l’interprétation par la Cour de Cassation des activités « strictement » couvertes par l’assureur.

Cela implique donc à destination de tous les maitres d’ouvrage ainsi que des constructeurs eux-mêmes, de par les conséquences collatérales, de veiller tout particulièrement à la couverture effective par les assureurs des travaux confiés.

  • Cass 3e civ 8/11/2018 n° 17-24488 : l’assureur est en droit de dénier sa garantie à l’encontre d’une entreprise qui était assurée pour l’activité étanchéité mais exclusivement par procédé « Paralon » et non par celui « Moplas ».

  • Cass 3e civ 30/01/2019 n° 17-31121) : L’assureur est à nouveau dégagé de toute garantie car il ne couvrait expressément que l’aménagement de combles et de greniers par procédé « Hamois ».

  • Citons enfin un autre arrêt de la Cour de Cassation lourd de conséquences puisqu’il valide non pas la règle proportionnelle mais pire la non-garantie (prévue par la police) de l’Assureur d’un Architecte qui avait omis de lui déclarer son chantier (Cass 3e civ 30/01/2019 n° 17-25957).

Ces diverses décisions doivent inciter les Maitres d’ouvrage à redoubler de vigilance pour pouvoir espérer obtenir gain de cause.

 

Jean-Francis Binet

Consultant et Formateur agréé
Assurances Construction et Responsabilités des Constructeurs

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