Bail commercial : arrêt de la Cour de cassation (3ème Chambre civile) du 8 octobre 2015

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Si, pour obtenir la résiliation du bail, le bailleur ne peut pas invoquer à l'encontre du preneur une faute commise par son prédécesseur cédant, il est en revanche fondé à le faire si le manquement s'est poursuivi après la cession (Cass. Civ. 3, 8 octobre 2015, n°14-13.179).

 

La cession d'un bail opère un transfert d'obligations, à savoir, un transfert des créances du preneur à l'égard du bailleur (délivrer une chose conforme, assurer une jouissance paisible...) et des dettes du preneur envers le bailleur (payer le loyer et entretenir les locaux...). A la suite de cette cession, le cessionnaire se substitue au cédant et devient ainsi débiteur des obligations auxquelles était tenu le preneur initial en vertu du bail.

La question se pose de savoir si le preneur cessionnaire est, ou non, tenu à l'égard du bailleur des dettes et des manquements de son prédécesseur, qui seraient antérieurs à la cession.

Il a été jugé que le nouveau preneur est tenu au titre des dégradations survenues tant lors de sa période d'occupation que celle du cédant. Le bailleur peut donc invoquer ces manquements à l'égard du cessionnaire.

En revanche, selon la jurisprudence constante, le bailleur ne peut invoquer à l'encontre de ce dernier, une faute commise par le précédent locataire (Cass. Civ. 3, 4 octobre 2000, n°99-12.722 ; Cass. Com, 20 mai 1963, Bull. civ. 1963, III, p.196). Cette solution a encore été rappelée par la Cour de cassation aux termes d'un arrêt du 30 juin 2010 : le bailleur ne peut pas agir en résiliation du bail contre le cessionnaire en invoquant des fautes commises par le cédant avant la cession (Cass. Civ. 3, 30 juin 2010, n°09-13.754). Seuls des manquements personnellement imputables au cessionnaire peuvent donc fonder la résiliation du bail.

L'arrêt rendu par la Cour de cassation le 8 octobre 2015 confirme cette solution, en poussant le raisonnement à son terme.

Il s'agit d'un cas dans lequel, postérieurement à la cession, le bailleur a délivré au nouveau locataire un commandement d'avoir à remettre les lieux dans leur état d'origine en réaffectant à l'habitation deux pièces et en restituant la jouissance d'une mansarde, puis a sollicité la résiliation du bail.

La Cour d'appel de Versailles a rejeté cette demande, au motif que le nouveau locataire ne peut être tenu d'un manquement aux clauses du bail dont il n'est pas l'auteur. Cela était le cas ici. La transformation des locaux étant antérieure à la cession, la faute ne lui était pas imputable.

Mais, la Cour de cassation censure cette décision, car elle considère qu'à la suite du commandement, il incombait au nouveau locataire qui l'a reçu de mettre un terme à la persistance du manquement contractuel. La résiliation du bail est donc constatée.

Ainsi, en cas de cession du bail, le bailleur ne peut agir en résiliation à l'encontre du nouveau locataire cessionnaire pour une faute commise par le cédant avant la cession. Toutefois, lorsque le manquement se poursuit après la cession, et que le cessionnaire, sommé de le faire cesser, ne s'exécute pas, il commet à son tour une faute (la faute du cédant devient alors en quelque sorte la sienne), ce qui justifie la résiliation du bail.

Cette solution est cohérente dans la mesure où la résiliation frappe celui qui peut et doit faire cesser l'infraction au bail, et qui ne le fait pas.

Pour éviter de se trouver dans une telle situation, le cessionnaire devra vérifier à partir des éléments dont il dispose qu'aucune infraction du bail n'a été commise et perdure.

Gérald BERREBI
Avocat au Barreau de Paris
BERREBI Avocats

 


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