Le bail commercial et le ravalement de façade

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En matière d'immobilier commercial, on entend souvent dire des propriétaires que le preneur à bail supporte l’ensemble charges pourtant l’entretien et les travaux des locaux commerciaux constitue une obligation, aussi bien pour le bailleur que pour le locataire, régie non par le statut des baux commerciaux mais par les dispositions du Code civil fixant les principes de la répartition des travaux entre les parties. À défaut de constituer une charge, le ravalement de façade figure parmi les travaux relatifs aux immeubles collectifs en matière de bail commercial et a connu une “quasi-évolution“ avec l’entrée en vigueur de la loi PINEL.

 

Pour en savoir plus :

Pour rappels, jusqu’à l'entrée en vigueur de la loi no 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises dite Loi Pinel ou ACTPE, et de son décret d'application n° 2014-1317 du 3 novembre 2014 relatif au bail commercial, le statut des baux commerciaux n'édictait aucune règle relative à la répartition entre les parties des charges, du coût des réparations et des taxes. Les dispositions du Code civil relatives aux travaux, qui relèvent du droit commun du bail, étaient en revanche applicables. Ces règles étant supplétives, La répartition des charges et du coût des travaux relevait en conséquence, dans une certaine limite, de la liberté contractuelle.

 

Les nouvelles dispositions n'étant applicables qu'aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014 pour certaines, ou du 5 novembre 2014 pour les autres, désormais, certaines charges et taxes, qui incombent en principe au bailleur, ne peuvent plus être conventionnellement mises à la charge du preneur. D’ailleurs le bailleur est désormais tenu à plus de formalisme en matière de baux commerciaux, à savoir de communiquer au preneur un état récapitulatif des travaux qu’il a réalisés au cours des trois dernières années, sauf à ce qu’il n’en ait réalisé aucun, notamment lorsque l’immeuble est neuf.

L’obligation de délivrance mais aménagement contractuel ...

Si le Code civil dispose en son article 1719 que « Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière : 1o De délivrer au preneur la chose louée (…) », un arrêt de la Cour de cassation en date du 9 juillet 2008 est venu apporté des précisions à cet article en indiquant que « Si le bailleur peut mettre à la charge du preneur, par une clause expresse du bail, l'obligation de prendre en charge les travaux rendus nécessaires par la vétusté, il ne peut, en raison de l'obligation de délivrance à laquelle il est tenu, s'exonérer de l'obligation de procéder aux travaux rendus nécessaires par les vices affectant la structure de l'immeuble ; qu'ayant retenu que les clauses du contrat de bail ne dégageaient pas le propriétaire de son obligation de participer aux réparations rendues nécessaires en raison de la vétusté de l'immeuble et qu'il restait tenu des vices structurels de l'immeuble, la cour d'appel (…) en a exactement déduit que ces travaux étaient à la charge du bailleur » (Cass. 3e civ., 9 juill. 2008, no 07-14.631).

Ce principe de la haute Cour précisant que le bailleur ne peut s'exonérer totalement de son obligation de délivrance a été réaffirmé à plusieurs reprises « Si le bailleur peut mettre à la charge du preneur, par une clause expresse du bail, l'obligation de prendre en charge les travaux d'entretien ou de réparation, il ne peut en raison de l'obligation de délivrance à laquelle il est tenu, s'exonérer de l'obligation de procéder aux travaux rendus nécessaires par les vices affectant la structure de l'immeuble » (Cass. 3e civ., 2 juill. 2013, no 11-28.496) au point d’être consacré par le décret d'application no 2014-1317 de la loi PINEL en lieu et place de l'article R. 145-35 du Code de commerce, précisant désormais que « ne peuvent être imputés au locataire :

— […] les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ;

— (…) les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'alinéa précédent ».

Cette obligation de délivrance du bailleur, lui imposant de maintenir les locaux conformes à la destination contractuelle et en bon état de réparations a nécessairement questionné la jurisprudence et les commentateurs lorsque le ravalement de l’immeuble relève plus d’une question d’ordre esthétique et visuel que d’une question de stabilité et de structure de l’immeuble collectif.

Article 606, qualification de travaux de réparation et ravalement de façade

Par le passé, pour déterminer la partie à qui incombait la charge de travaux de ravalement, les tribunaux examinaient la nature précise des travaux et effectuaient une répartition en fonction des règles supplétives du Code civil ou des stipulations du bail relatives aux travaux.

 

Les grosses réparations en immobilier visées par l'article 606 du Code civil sont celles, selon ce texte, des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières ; celui des digues et des murs de soutènement et de clôture, aussi en entier. La Cour de cassation, qui avait initialement affirmé que la liste des travaux visés par l'article 606 du Code civil était limitative, a ensuite retenu une conception plus large de la notion de gros travaux au sens de ce texte en précisant que « les réparations d'entretien sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de l'immeuble tandis que les grosses réparations intéressent l'immeuble dans sa structure et sa solidité générale » (Cass. 3e civ., 17 nov. 2009, no 08-14.602). Il avait été ainsi jugé que lorsque le locataire était tenu d'acquitter les réparations définies à l'article 605 du Code civil (réparations d'entretien ou grosses réparations liées à un défaut d'entretien), les travaux de ravalement (peintures et zinguerie) devaient être laissés à la charge du locataire (Cass. 3e civ., 30 mai 1996, no 94-14.700). En revanche, si le locataire n'était pas tenu d'acquitter les travaux et réparations définies à l'article 606 du Code civil, il n'était alors pas tenu du coût du ravalement comportant un lot maçonnerie (Cass. 3e civ., 12 avr. 1995, no 93-12.849).

 

Cette répartition des travaux entre l’article 605 d’un côté et l’article 606 de l’autre semble avoir été remises en cause par un arrêt de la Cour de cassation du 19 décembre 2012 (Cass. 3e civ., 19 déc. 2012, no 11-25.414) aux termes duquel la Haute Cour a précisé que les « dépenses de ravalement, qui ne constituent pas des charges locatives, incombent, sauf stipulation expresse contraire, au bailleur ». Elle a ainsi censuré la décision des juges du fond qui avaient mis à la charge du preneur les travaux de ravalement sur le fondement de stipulations générales du bail relatives aux travaux. Le fait que la Cour de cassation insiste sur le caractère « exprès » de la stipulation contraire incite à conclure que les travaux de ravalement ne pourront être mis désormais à la charge du preneur que si une clause précise expressément (en visant le terme « ravalement ») que ces travaux lui incombent.

 

Sur le fondement des décisions présentées plus haut, il est important de retenir que la loi PINEL interdit désormais, faute de mention expresse dans le bail, le transfert au locataire du coût des travaux visés à l'article 606 du Code civil tel que les frais de ravalement de l'immeuble.

 

Adrien Gotty

Formateur immobilier

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