L'ordonnance portant réforme du droit de la copropriété est parue

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Les modifications portées par l'ordonnance entreront en vigueur le 1er juin 2020. L'objectif de la réforme demeure, comme celles qui l'ont précédée, d'améliorer la gestion des immeubles en copropriété et de prévenir le contentieux. Les deux innovations majeures du nouveau texte sont la création d'un régime des petites copropriétés et la possibilité de renforcer les pouvoirs du conseil syndical.

A propos de l’Ordonnance. n° 2019-1101, 30 oct. 2019 : JO, 31 oct.

L'ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019, publiée au Journal Officiel du 31 octobre, a été prise sur le fondement de l'habilitation donnée par l’article 215 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite loi ELAN) qui fixait au 23 novembre 2019, la date limite pour la prendre.

Le texte a donc un peu d'avance, laissant ainsi plus de temps à tous pour se familiariser avec la réforme qui entrera pleinement en vigueur le 1er juin 2020 (à l'exception de deux dispositions relatives à l'ouverture d'un compte séparé dans les petites coropriétés, pour lesquelles la date est repoussée au 31 décembre 2020, date postérieure à la codification qui doit, en principe, intervenir avant le 24 novembre 2020). Un projet de loi de ratification sera déposé d'ici au 31 janvier 2020.
 

 


Dans le communiqué de presse de présentation du projet d'ordonnance en conseil des ministres intervenu le 30 octobre, l'accent est mis sur les dispositions assouplissant le champ d’application de la loi du 10 juillet 1965 et le régime de la copropriété selon les caractéristiques de certains immeubles. Les immeubles qui ne sont pas à usage d’habitation pourront sortir de ce dispositif impératif, tandis que les petites copropriétés ou encore celles n’ayant que deux copropriétaires auront un régime dérogatoire, proche par certains aspects du régime de l'indivision (ajout d'un titre IV à la loi).

Parmi les nouveautés notables, nous citerons le renforcement des pouvoirs du conseil syndical, l'élargissement des passerelles de majorités mais aussi la clarification de la fin des fonctions du syndic.

Différence majeure avec le projet d'ordonnance : le texte définitif abandonne l'obligation qui y était créée d'élaborer un plan pluriannuel de travaux pour les immeubles à usage total ou partiel d'habitation de plus de 15 ans. Parallèlement, il est renoncé aux retouches du fonds de travaux. Il est difficile de croire que ces modifications, relayées par les organisations professionnelles et la presse, ne referont pas surface ultérieurement, par exemple à l'occasion du dépôt de projet de loi de ratification. De cette manière, elles pourraient être réintroduites, en étant cette fois soumises au pouvoir d'amendement des parlementaires. Cependant, si comme le Conseil d'État l'a, semble-t-il, estimé au cours du processus d'élaboration de l'ordonnance, les mesures sont, par certains de leurs aspects inconstitutionnels, elles seront censurées par les sages du Palais royal qui ne manqueront pas d'être saisis.

Concernant l'aspect réglementaire de la réforme, Jean-François de Montgolfier, directeur des affaires civiles et du Sceau Interviewé par Yves Rouquet, rédacteur en chef de l'AJDI, annonce que l'objectif est " de parvenir à la publication des décrets d’application dans un délai proche de l’entrée en vigueur de cette ordonnance " (c'est-à-dire aux alentours du 1er juin 2020). Le travail sera ardu puisqu'il portera sur la réécriture ou la création d'une soixantaine d'articles du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, annexes comprises. Monsieur de Montgolfier révèle que des modifications du décret comptable n° 2005-240 du 14 mars 2005 sont envisagées.

Les changements apportés par l’ordonnance à la loi de 1965 sont d’importance diverse, nous n’envisagerons ci-dessous que les principales.
 

 

Recentrer l’application du statut de la copropriété

L’application impérative du statut est recentrée sur les immeubles à usage total ou partiel d’habitation. Elle n’est que supplétive pour :

  • les immeubles ou groupes d’immeubles bâtis à destination totale autre que d’habitation dont la propriété est répartie par lots entre plusieurs personnes ;
  • tout ensemble immobilier qui, outre des terrains, des volumes, des aménagements et des services communs, comporte des parcelles ou des volumes, bâtis ou non, faisant l’objet de droits de propriété privatifs.

Pour mettre en place un régime dérogatoire dans ces deux derniers cas, il faut une convention dérogeant expressément au statut et mettant en place une organisation dotée de la personnalité morale et suffisamment structurée pour assurer la gestion de leurs éléments et services communs. Si les immeubles, groupes d’immeubles ou ensembles immobiliers sont déjà soumis à la loi de 1965, l’ordonnance permet de s’en extraire par une décision unanime des copropriétaires (L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 1er, mod. par ord. n° 2019-1101, 30 oct. 2019, art. 2).

Un régime assoupli pour les petites copropriétés

Partant du constat unanime que le statut de la copropriété est inadapté aux petites copropriétés, l’ordonnance crée un double régime allégé :

  • d’une part pour les syndicats des copropriétaires comportant au plus cinq lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces, ou dont le budget prévisionnel moyen sur une période de trois exercices consécutifs est inférieur à 15 000 € (L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 41-8 et s., créés par ord. n° 2019-1101, 30 oct. 2019, art. 34) ;
  • d’autre part, pour les syndicats dont le nombre de voix est réparti entre deux copropriétaires (L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 41-13 et s., créés par ord. n° 2019-1101, 30 oct. 2019, art. 34).

Dans tous les cas, le formalisme de l’assemblée est considérablement assoupli. S’agissant des petites copropriétés, le gouvernement entend notamment favoriser le recours à la forme coopérative. Quant aux copropriétés à deux, leur régime est fortement inspiré de celui de l’indivision avec, entre autres dispositions, le pouvoir donné à chaque copropriétaire de prendre les mesures nécessaires à la conservation de l’immeuble même si elles n’ont pas un acaractère d’urgence (L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 41-16, 3°, créé par ord. n° 2019-1101, 30 oct. 2019, art. 34).

Renforcement des pouvoirs du conseil syndical

L’assemblée générale des copropriétaires pourra déléguer au conseil syndical composé d’au moins trois membres, à la majorité absolue de l’article 25, le pouvoir de prendre tout ou partie des décisions relevant de la majorité simple (majorité de l’article 24 : majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés, ou votant par correspondance)(L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 21-1 et s., créés par ord. n° 2019-1101, 30 oct. 2019, art. 21).

Pour ces décisions, l’assemblée se substitue donc le conseil syndical. Ce dernier délibèrera à la majorité de ses membres, celle de son président est en cas de partage des voix prépondérante (Rapp. au Président de la République, 30 oct. 2019 : JO, 31 oct.).

Élargissement des passerelles de majorités

Pour lutter contre l’absentéisme en évitant l'atteinte au droit de propriété des copropriétaires que provoque un abaissement des majorités, le nouvel article 25-1 dispose que : " lorsque l’assemblée générale des copropriétaires n’a pas décidé à la majorité des voix de tous les copropriétaires, en application de l’article 25 ou d’une autre disposition, mais que le projet a recueilli au moins le tiers de ces voix, la même assemblée se prononce à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés en procédant immédiatement à un second vote " (L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 25-1, mod. par ord. n° 2019-1101, 30 oct. 2019, art. 26).

La passerelle de la double majorité vers la majorité absolue, supprimée par la loi ALUR, est rétablie. Le texte énonce que « nonobstant toute disposition contraire, lorsque l’assemblée générale n’a pas décidé à la majorité prévue au premier alinéa de l’article 26 mais que le projet a au moins recueilli l’approbation de la moitié des membres du syndicat des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance, représentant au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, la même assemblée se prononce à la majorité des voix de tous les copropriétaires en procédant immédiatement à un second vote » (L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 25-1, mod. par ord. n° 2019-1101, 30 oct. 2019, art. 29).

Modifications relatives au syndic

La périodicité triennale de l’obligation de mise en concurrence du syndic est abandonnée. La mise en concurrence doit intervenir lorsque l’assemblée est appelée à désigner un syndic (que celui-ci soit déjà en place ou non) (L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 21, al. 3, mod. par ord. n° 2019-1101, 30 oct. 2019, art. 20, 1° ; Rapp. au Président de la République, 30 oct. 2019 : JO, 31 oct.). La mise en concurrence nécessite la production de contrats type qui seront accompagnés de la nouvelle fiche d’information sur les prix et prestations proposées par le syndic dont le modèle sera fixé par arrêté. Le texte précise désormais expressément que la mise en concurrence n’est pas prescrite à peine d’irrégularité de la décision de désignation du syndic (L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 21, al. 3, mod. par ord. n° 2019-1101, 30 oct. 2019, art. 20, 1° ; Rapp. au Président de la République, 30 oct. 2019 : JO, 31 oct.).

Les manquements du syndic aux obligations lui incombant en matière de rémunération (distinction entre le forfait et les prestations particulières), de respect du contrat type et de transmission de la fiche d’information (lorsque son modèle sera fixé) seront sanctionnés d’une amende administrative dont le montant ne pourra excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale (L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 18-1 A, al. 4, mod. par ord. n° 2019-1101, 30 oct. 2019, art. 16, 2°).

Autre nouveauté, le syndic pourra conclure avec le syndicat une convention portant sur des prestations de services autres que celles relevant de sa mission de syndic (gestion locative, service de conciergerie, etc.), c’est-à-dire autres que celles figurant dans le champ du contrat type (L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 18-1 A, II créé par ord. n° 2019-1101, 30 oct. 2019, art. 16, 2°).

Par ailleurs, les modalités de non-résiliation ou de résiliation du contrat de syndic sont modifiées afin de "sécuriser les modalités de succession entre les syndics" (Rapp. au Président de la République, 30 oct. 2019 : JO, 31 oct.).

 

Alexandra Fontin, Dictionnaire permanent Gestion immobilière – Veille Permanente 7 novembre 2019

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