Projet de Loi Elan - Quelles nouveautés en Droit de l’Urbanisme, Construction et Environnement ? 1er Volet

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Le projet de Loi portant Evolution du logement, de l’aménagement et du numérique,  dit projet de loi Elan, a été adopté par l’Assemblée Nationale, en date du 12 juin 2018, et par le Sénat en date du 25 juillet 2018.

Les textes votés par les deux assemblées diffèrent sur un certain nombre de points et une commission mixte paritaire (CMP) s’est tenue le 19 septembre dernier afin d’essayer de trouver une rédaction qui pourrait convenir aux deux chambres.

Un accord de principe a été trouvé entre celles-ci sur les sujets en litige et il restera à rédiger les articles correspondants.

Cette rédaction n’est pas connue à ce jour.

Pour autant, il nous a semblé intéressant de commenter les principales dispositions en matière d’Urbanisme-Foncier, Construction-Bâtiment et Environnement du texte adopté par l’Assemblée Nationale en première lecture, avec les principales corrections de principe apportées à la suite de la CMP connues à ce jour (indiquées avec la mention CMP dans l’article ci-après).

Bien entendu ces dispositions ne sont pas à ce jour totalement définitives et il faudra en suivre l’évolution.

Voici le 1er volet de cette présentation. 

1. Les nouveautés en DROIT de l’Urbanisme 

Le texte voté par l’Assemblée Nationale comporte un certain nombre de nouveautés comme la création des contrats de projet partenarial d'aménagement « PPA » et des grandes opérations d'urbanisme « GOU », mais vient surtout corriger, assouplir et préciser des textes et procédures existants.

En voici les principaux axes.

a. Création par l’article 1 du projet de loi ELAN du « Projet Partenarial d’Aménagement » « PPA »

Il s’agit d’un nouvel outil d’aménagement (contrat entre l’Etat, des collectivités locales ou des établissements publics) pour la réalisation d’opérations d’aménagement, telles que définies par les dispositions de l’article L 300-1 du Code de l’Urbanisme, et de Grandes Opérations d’Urbanisme telles que définies ci-dessous.

Ces Grandes Opérations d’Urbanisme, ou « GOU », sont de nouvelles opérations d’aménagement au même titre que les  ZAC. Elles seront d’ampleur conséquente.

« Art. L. 312-3. – Une opération d’aménagement peut être qualifiée de grande opération d’urbanisme lorsqu’elle est prévue par un contrat de projet partenarial d’aménagement et que, en raison de ses dimensions ou de ses caractéristiques, sa réalisation requiert un engagement conjoint spécifique de l’État et d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public cocontractant mentionné à l’article L. 312-1. »

Ajout par la CMP : Ces GOU pour leur création nécessiteront l’avis conforme des communes incluses dans son périmètre

  • Les autorisations d’occupation des sols seront délivrées par  le président l’autorité qui est à l’initiative de la GOU, par le maire de Paris ou le Président de la Métropole de Lyon.
  • Il sera possible de créer une ZAD dans le périmètre d’une GOU  (avec instauration d’un droit de préemption),
  • Une participation spécifique pourra  être exigée des bénéficiaires des autorisations de construire délivrées à l’intérieur du périmètre d’une grande opération d’urbanisme afin de financer en tout ou partie les grands équipements dont la réalisation répondra aux besoins de l’ensemble des futurs habitants. Cette participation ne s’appliquera pas aux constructions situées à l’intérieur d’un périmètre d’un projet urbain partenarial et à celles situées à l’intérieur d’une zone d’aménagement concerté lorsqu’elles sont édifiées sur un terrain ayant fait l’objet d’une cession, location ou concession d’usage consentie par l’aménageur de la zone.

« L’autorisation fixera les délais de versement de cette participation. » ;

  • Les articles 6 et 7 du projet de loi ELAN organisent la possibilité de cession amiable des biens dépendant du domaine privé de l’Etat aux collectivités territoriales pour la réalisation d’opérations d’aménagement prévues par des PPA.​

b. Définition de l’Opération d’Intérêt National « OIN » par l’article 2 du projet de loi ELAN

« Art. L. 102-12. – Une opération d’aménagement qui répond à des enjeux d’une importance telle qu’elle nécessite une mobilisation de la collectivité nationale et à laquelle l’État décide par conséquent de consacrer des moyens particuliers peut être qualifiée d’opération d’intérêt national par un décret en Conseil d’État qui l’inscrit sur la liste des opérations auxquelles cette qualité est reconnue »

  • Les constructions et installations nécessaires à la réalisation de l’opération pourront être autorisées en dehors des parties urbanisées de la commune en cas d’application des règles du RNU (dérogation aux dispositions de l’article L 111-3 du Code de l’Urbanisme).
  • L’autorité administrative de l’Etat sera compétente pour délivrer les autorisations d’occupation des sols. Un sursis à statuer pourra être prononcé et une ZAD pourra  être instaurée dans le périmètre d’une OIN  (avec droit de préemption)

c. Redéfinition de l’utilisation de la procédure intégrée

L’article 3 du projet de loi ELAN organise la possibilité de mise en compatibilité des normes supérieures au moyen de la procédure intégrée en cas de GOU et extension des possibilités d’actions des établissements publics d’aménagement et notamment de Grand Paris Aménagement en cas de GOU ou d’OIN.

d. L’article 3 bis du projet de loi ELAN

Cet article ouvre la possibilité pendant une période de sept ans de déroger notamment dans les GOU et les OIN à certaines règles de construction à condition que soient atteints les résultats satisfaisant aux objectifs poursuivis pas les règles auxquelles il est dérogé.

e. Dispositions relatives aux opérations d’aménagement à l’article 4 ter 

Il y est précisé les modalités de prise en compte de l’étude de faisabilité de recours aux énergies renouvelables (étude obligatoire) dans l’étude d’impact.

f. Précisions sur le contenu des orientations d’aménagement et de programmation « OAP » dans les ZAC  à l’article 5 du projet de loi ELAN

Ces précisions touchent les éléments suivant : définition de la localisation des principaux ouvrages publics, installation d’intérêt général, espaces verts.

La délibération d’approbation du PLU contenant les orientations d’aménagement et de programmation peut valoir création de la ZAC.

Un Droit de délaissement est ouvert aux propriétaires de terrains compris dans la zone.

Le Sursis à statuer est possible pour des demandes d’autorisations d’occupation des sols  sur des terrains inclus dans la zone à compter de la publication de l’acte créant la ZAC.

La Loi MOP n’est pas applicable à la construction d’ouvrages de bâtiment dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par le concessionnaire d’une opération d’aménagement. Ce point a été supprimé par la CMP.

g. Diverses dispositions

Le projet de loi contient également diverses dispositions qui sont les suivantes :

  • Projet Urbain Partenarial – Art. 5 quinquies : possibilité de verser directement la contribution financière à la personne publique assurant la maîtrise d’ouvrage des équipements publics financés ;​​
  • ​​​Extension du champ d’application du droit de préemption urbain – Art. 8 : maintien du DPU, en cas de POS devenu caduc, dans les partie urbanisées de la commune, utilisation du DPU pour la relocalisation d’activités industrielles, commerciales, artisanales ou de services ainsi que pour les relogements  suite à la réalisation d’opérations d’aménagement ;
  • Transformation de bureaux en logements – Art. 9 : possibilité de déroger aux règles relatives à la densité et aux obligations en matière de création d'aires de stationnement pour autoriser la transformation à usage principal d'habitation d'un immeuble existant par reconstruction, rénovation ou réhabilitation, dans la limite d’une majoration de 30 % du gabarit de l'immeuble existant ;
  • Protection et préservation de locaux vacants en l’attente de leur réaffectation par l’occupation de résidents temporaires (aux fins d’hébergement, d’insertion sociale et d’accompagnement social). Signature d’une convention d’une durée maximale de 3 ans (prorogeable) au profit d’associations, d’organismes publics ou privés qui eux-mêmes pourront signer des contrats de résidence temporaire avec les résidents – Art. 9 bis ;
  • Création de la catégorie d’immeuble de moyenne hauteur à côté des IGH - Art 10 
  • Duplex et triplex à usage uniquement d’habitation au dernier étage - Art 10 bis : pour l’application de la règlementation IGH, c’est désormais le plancher bas des logements qui est à prendre en compte et non plus leur partie supérieure ;
  • Application du  POS antérieur pendant 18 mois en cas d’annulation d’un PLU afin d’éviter l’application du RNU. Art. 12 ;
  • Intégration dans les grands principes du Code de l’urbanisme de la lutte contre l’étalement urbain : « Favoriser la densification » Art. 12 Bis ;
  • Carte Communale : précision sur ce qui est possible de réaliser hors les zones constructibles (adaptation …des constructions existantes, constructions nécessaires à des équipements collectifs sous certaines conditions) – Art. 12 ter ;
  • Loi Littoral : le SCOT devra déterminer les modalités d’application de la loi Littoral notamment en déterminant et en localisant les critères d’identification des villages, agglomérations et secteurs déjà urbanisés ; assouplissement des possibilités de construire sous certaines conditions dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages ; (ajout par la  CMP) : utilisation de la procédure de modification simplifiée des documents d’urbanisme pour faciliter le comblement des « dents creuses »  – Art. 12 quinquies ;
  • SCOT : Léger  assouplissement de ce qui est autorisé s’il n’y a pas de SCOT – Art. 12 Quater :

Il pourra être désormais  autorisé :

  • Les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l'extension mesurée des constructions et installations existantes
  • Les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal, si celui-ci considère que l'intérêt de la commune, en particulier pour éviter une diminution de la population communale, le justifie, dès lors qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la salubrité et à la sécurité publiques, qu'elles n'entraînent pas un surcroît important de dépenses publiques et que le projet n'est pas contraire aux objectifs visés à l'article L. 101-2 et aux dispositions des chapitres I et II du titre II du livre Ier ou aux directives territoriales d'aménagement précisant leurs modalités d'application.

Il  pourra être légiféré par ordonnances (/obligations de compatibilité pour les documents d’urbanisme et pour les Schémas d’aménagement régionaux) - Art. 13 et 14 ;

  • Interventions de l’ABF – Art.15 :

« L’autorité compétente pour délivrer l’autorisation peut proposer un projet de décision à l’architecte des Bâtiments de France. Celui-ci donne son accord ou demande la modification de ce projet de décision, le cas échéant après examen conjoint du dossier » ;

Y est déterminé de ce qui est soumis à accord et ce qui est soumis à avis (antennes relais, mesures relatives aux immeubles d’habitation devenus insalubres ou menaçant ruine …)

Un médiateur peut être saisi en cas de recours suite à un refus d’autorisation de travaux

  • Précisions et rappels sur les pièces pouvant être demandées à l’appui d’une demande d’AOS - Art 16 ;
  • Guichet unique pour la publicité foncière pour tout le territoire national - Art  17 ter ;
  • Accessibilité des logements – Art. 18 

A côté des dérogations qui peuvent être actuellement  demandées par les acquéreurs en VEFA, il est assoupli la règlementation applicable à la réalisation des logements en maîtrise d’ouvrage directe.

Des décrets viendront préciser l’application des règles d’accessibilité dans toutes les hypothèses et peut-être venir corriger les dérogations actuellement autorisées en VEFA:

  • 10 %  (CMP : 20 %) des logements doivent être accessibles, les autres doivent être évolutifs ; définition du logement évolutif

« Art. L. 111-7-1. – Des décrets en Conseil d’État, pris après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées, fixent les modalités relatives à l’accessibilité aux personnes handicapées prévue à l’article L. 111-7 que doivent respecter les bâtiments ou parties de bâtiments nouveaux. Ils précisent, en particulier :

« 1° Les modalités particulières applicables à la construction de bâtiments d’habitation collectifs ainsi que les conditions dans lesquelles, en fonction des caractéristiques de ces bâtiments, un dixième de leurs logements, et au moins un logement, est accessible tandis que les autres logements sont évolutifs.

« La conception des logements évolutifs doit permettre la redistribution des volumes pour garantir l’accessibilité et faciliter l’adaptabilité ultérieure de l’unité de vie, à l’issue de travaux simples.

Est considéré comme étant évolutif tout logement dans les bâtiments d’habitation collectifs répondant aux caractéristiques suivantes :

« a) Une personne en situation de handicap doit pouvoir accéder au logement, se rendre par un cheminement accessible dans le séjour et le cabinet d’aisance, dont les aménagements et les équipements doivent être accessibles (contrairement à ce qui existe à ce jour dans la VEFA sur ce point), et en ressortir ;

« b) La mise en accessibilité partielle ou totale du logement est réalisable ultérieurement par des travaux simples ;

« 2° Les modalités particulières applicables à la construction de maisons individuelles ;

« 3° Les modalités particulières applicables à la construction de logements vendus en l’état futur d’achèvement et faisant l’objet de travaux modificatifs de l’acquéreur ;

« 4° Les modalités particulières applicables à la construction de logements locatifs sociaux édifiés et gérés par les organismes et les sociétés mentionnés aux articles L. 365-2, L. 411-2 et L. 481-1, ainsi que les modalités selon lesquelles ces organismes et sociétés garantissent la mise en accessibilité de ces logements en vue de leur occupation par des personnes handicapées, notamment les modalités techniques de réalisation des travaux de réversibilité, à la charge financière des bailleurs, et leur exécution dans un délai raisonnable ;

« 5° Les modalités particulières applicables à la construction de logements destinés à l’occupation temporaire ou saisonnière dont la gestion et l’entretien sont organisés et assurés de façon permanente, ainsi que les exigences relatives aux prestations que ces logements doivent fournir aux personnes handicapées. Ces mesures sont soumises à l’accord du représentant de l’État dans le département, après avis de la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité. »

  • Autorisation de légiférer par ordonnance afin d’adapter le régime de la construction de maison individuelles avec fourniture de plan CCMI à la préfabrication – Art. 19 

« Art. L. 111-1-1. – La préfabrication consiste à concevoir et réaliser un ouvrage à partir d’éléments préfabriqués sur un site de production distinct du chantier sur lequel ils sont assemblés, installés et mis en œuvre, ou sur le chantier.

« Ces éléments préfabriqués font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos et de couvert de la construction et peuvent intégrer l’isolation et les réserves pour les réseaux divers. » - Art. 19 bis ;

  • Lutte contre la jurisprudence de la cour de cassation relative à l’extension de la garantie décennale aux éléments installés dans l’existant

Les assurances obligatoires mentionnées aux articles L. 241-1, L. 241-2 et L. 242-1 ne garantissent pas les dommages aux ouvrages ou éléments d’équipement existants avant l’ouverture du chantier, à l’exception des dommages subis par les seuls ouvrages existants qui, totalement incorporés dans l’ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles. – Art. 19 bis A ;

  • Réglementation métier : l’architecte, dont l’intervention est obligatoire pour le dépôt d’une demande de permis d’aménager portant sur un terrain d’assiette supérieur à 2500 m², peut être remplacé par un Paysagiste concepteur – Art. 1 bis.

2. Les nouveautés EN DROIT de l’Environnement

  • Art. 4-4 bis du projet de loi ELAN: Participation du public - Concertation 

Les législations environnementales et d’Urbanisme sont articulées, afin d’éviter les multiplications et doublons de procédures.

Un projet soumis à une  concertation facultative prévue par les dispositions de l’article L 300-2 du Code de l’Urbanisme ne peut plus faire l’objet d’une concertation facultative demandée au titre des dispositions de l’article L 121-17 du Code de l’Environnement.

  • Article 5-5 du projet de loi ELAN : en cas de soumission d’un projet à évaluation environnementale après examen au cas par cas, la décision doit préciser les objectifs poursuivis par la réalisation de l’évaluation environnementale
  • Article 16 bis A du projet de loi ELAN : il est rappelé qu’il est impossible de commencer  des travaux avant délivrance de l’autorisation environnementale quand celle-ci est nécessaire.

A suivre au mois d’octobre 2018, le volet 2 du Projet de loi ELAN.

 

Hugues Masson, Consultant – Formateur ELEGIA

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