Renouvellement du bail commercial comportant un loyer binaire : modalités de fixation du loyer de base

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Lorsque le bail comporte un loyer binaire, le juge des loyers est compétent pour fixer le loyer minimum garanti à la valeur locative à condition que le bail le prévoie expressément.

A propos de l’arrêt : Cass. 3e civ., 29 nov. 2018, n° 17-27.798, n° 1034 FS - P + B + I

La Cour de cassation a eu à statuer sur un bail commercial à loyer binaire, c’est-à-dire un loyer comportant une clause-recettes (part variable en fonction du chiffre d’affaires) ainsi qu’un minimum garanti (part fixe).

En l’espèce, un bail commercial comportait un loyer variable égal à 7 % du chiffre d’affaires annuel hors taxe réalisé par le preneur et un loyer minimum garanti devant être fixé à chaque renouvellement, à la valeur locative telle que déterminée selon la procédure et les modalités prévues au statut des baux commerciaux (articles 23 à 23-9 et 29 à 31 du décret du 30 septembre 1953 aujourd’hui codifiés aux articles L. 143-33 et s. et R. 145-2 et s. du code de commerce). En outre, la compétence était attribuée au juge des loyers commerciaux. Après avoir délivré un congé avec offre de renouvellement et notifié un mémoire préalable, le bailleur saisit le juge en fixation de la valeur locative à la date du renouvellement. Les premiers juges avaient privé d’effet cette clause.

La cour d’appel rejette la demande du bailleur tendant à obtenir la fixation du loyer minimum garanti à la valeur locative à la date du renouvellement en application d’une clause expresse du bail prévoyant cette modalité au motif que les parties n’ont pas le pouvoir d’attribuer au juge une compétence qu’il ne tient que de la loi ni de lui imposer d’appliquer celle-ci dans des conditions qu’elles-mêmes définissent. En effet, la clause du bail prévoyait que le loyer annuel hors taxes serait égal à 7 % du chiffre d’affaires annuel hors taxes réalisé par le preneur dans les lieux loués sans pouvoir être inférieur à une certaine somme, laquelle serait égale à la valeur locative lors de chaque renouvellement, les parties se soumettant dans ce cas volontairement à la procédure et aux modalités de fixation du loyer telles que définies par le statut des baux commerciaux et qu’elles attribuaient compétence au juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance du lieu de situation de l’immeuble.

La Cour de cassation accueille le pourvoi du bailleur et casse l’arrêt rendu par la cour d’appel au visa des articles 1134 du code civil (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, devenu l’article 1103 du même code) et L. 145-33 du code de commerce. La Haute juridiction considère ainsi que le loyer minimum garanti peut être fixé par le juge des loyers pour évaluer lors du renouvellement la valeur locative des lieux loués dès lors que le contrat le prévoit expressément.

Par cette décision les Hauts magistrats confirment leur position rendue dans deux arrêts du 3 novembre 2016 (Cass. 3e civ., 3 nov. 2016, n°s 15-16.826 et 15-16.827). Ils mettaient fin à une controverse en décidant que loyer binaire (composé d’une partie variable fonction du chiffre d’affaires et d’une partie minimum garantie) n’interdit pas de recourir au juge pour fixer, lors du renouvellement, le loyer minimum garanti à la valeur locative. Ce dernier doit cependant, selon la Cour de cassation, déterminer la valeur locative selon les critères de l’article L. 145-33 du code de commerce et, en application de l’article R. 145-8 du code de commerce, pratiquer un abattement à raison de la stipulation d’une partie variable.

 

Philippe Legrand, Avocat à la cour d'appel de Paris, Dictionnaire Permanent Gestion immobilière – Veille Permanente 12 février 2019

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