Suppression du poste de gardien d'immeubles : comment licencier dans les règles ?

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Un syndicat de copropriétaires n'est pas une entreprise. Le licenciement du salarié, même s'il repose sur un motif non-inhérent à sa personne, n'est donc pas soumis aux dispositions sur le licenciement économique.

 

Appelée à statuer sur le licenciement d’un gardien, la Cour de cassation refuse aux syndicats des copropriétaires l’application des dispositions sur le licenciement économique. La suppression du poste de gardien est une cause sérieuse de licenciement pour motif personnel.
Confrontés à l’augmentation des charges de copropriété notamment induites par les nouvelles obligations relatives aux travaux, les copropriétaires cherchent à faire des économies dans les postes de charges les plus élevés. Pour ce faire, certaines copropriétés votent en assemblée générale la suppression du poste de gardien pour le remplacer par des sociétés de nettoyage, ce qui implique son licenciement. Ce dernier n’étant pas basé sur un motif personnel, la procédure suivie est parfois celle du licenciement pour motif économique.
Le licenciement économique défini par le code du travail est ouvert seulement sous certaines conditions.
L’employeur doit être une entreprise ou un établissement privé de toute nature (C. trav., art. L. 1233-1), il est motivé par des difficultés économiques, des mutations technologiques, une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou encore à la cessation d’activité de l’entreprise et il ne doit pas être lié à la personne du salarié (C. trav., art. L. 1233-3).

 

1. Les règles du licenciement économique ne s’appliquent pas au syndicat des copropriétaires

Un syndicat de copropriétaires n’est pas une entreprise

Dans le cas d’espèce une gardienne est licenciée. La lettre de licenciement évoque le motif de la suppression du poste, sans faire référence à des motifs personnels. La salariée saisit le conseil de prud’hommes pour dire la procédure de licenciement économique non respectée du fait de l’absence de tentative de reclassement (C. trav., art. L. 1233-4). La salariée fait valoir notamment qu’il n’existe pas de motif personnel justifiant le licenciement.
Les juges des prud’hommes valident le licenciement et écartent ainsi l’ensemble des motifs présentés par la salariée. La cour d’appel infirme la décision prud’homale au motif que le syndicat des copropriétaires ne constitue pas une entreprise au sens de l’article L. 1233-2 du code du travail si bien que la salariée ne peut se prévaloir de l’absence de reclassement ni de l’absence de motif économique du licenciement. La Cour de cassation valide cette interprétation.

La Haute juridiction réitère ici la position qu’elle a prise depuis longtemps de rejeter le licenciement économique appliqué aux salariés d’une copropriété, cette dernière n’étant pas une entreprise au sens du code du travail (Cass. soc., 10 oct. 1990, n° 87-45.366 : Bull. civ. V, n° 442). Les Hauts magistrats ne vérifient pas, en l’espèce, les raisons de la suppression du poste par l’assemblée générale de la copropriété et ne font que confirmer qu’un syndicat de copropriétaires ne peut être considéré comme une entreprise.

Des charges de copropriété élevées ne constituent pas un motif de licenciement économique

Le code du travail considère les difficultés économiques comme l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation (C. trav., art. L. 1233-3).

La cour d’appel de Paris a, par le passé, analysé les difficultés financières d’une copropriété avant d’écarter le motif économique (sans se prononcer sur le rattachement d’un syndicat à la qualité d’entreprise). Le motif économique est rejeté car « le syndicat n’apporte ou ne propose pas le moindre élément de conviction, voire une quelconque précision sur la nature des difficultés économiques justifiant la suppression d’une fonction tenue pour nécessaire au cours des 26 années précédentes » (CA Paris, 21e ch., sect. C, 21 janv. 1994, RG n° 93/33731). Dans la même lignée, les juges refusent l’argument du non-paiement des charges par certains copropriétaires pour justifier les difficultés économiques considérant que les explications fournies à l’audience et les pièces communiquées, à savoir exclusivement un récapitulatif de travaux de ravalement, une situation de trésorerie et une situation financière ne démontrent que l’existence d’un déficit dû au non-paiement de leurs charges par certains copropriétaires à la suite de très importants travaux de ravalement et de rénovation de l’ascenseur, et non l’existence de difficultés économiques récurrentes au sein de la copropriété (CA Paris, 22e ch. A, 7 janv. 2004 : Administrer nov. 2004, p. 42, note J.-M. Bouyeure).
Les juges de la même cour d’appel ont également écarté le licenciement économique au motif que la seule suppression du poste sans justification des difficultés réelles de la copropriété et une décision d’assemblée venant critiquer le travail du salarié ne pouvait pas suffire. Dans ce cas d’espèce, l’assemblée générale avait supprimé le poste sans énoncer l’existence de difficultés économiques et avait surtout considéré le travail du salarié insatisfaisant.
Les juges ont donc pu considérer que les critères nécessaires à l’application du licenciement économique n’étaient pas réunis et que le licenciement était aussi lié à la personne du salarié (CA Paris, 18e ch. D, 4 mai 1993 : Administrer mars 1994, p. 61, note J.-M. Gélinet).
Dans un autre arrêt de la cour d’appel de Caen, une copropriété a souhaité modifier les contrats de travail de ses salariés (notamment par le changement de catégorie, passant de la catégorie A à la catégorie B). Les salariés refusant ces modifications, se sont vus notifier leur licenciement au motif de la réorganisation des services de la copropriété. Les juges ont rejeté l’argument et ont déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse car il résulte des termes mêmes du courrier de licenciement que la proposition de modification des contrats de travail, consécutive à la réorganisation des services de la copropriété justifiant la suppression des emplois ne répondait pas à d’autres nécessités que des raisons de sécurité, totalement étrangères à la sauvegarde d’une compétitivité sans application en l’espèce, sans qu’il soit même démontré ou seulement allégué qu’elles aient présenté un caractère indispensable au regard de la réalisation de l’objet social (CA Caen, 3e ch., 8 nov. 1999 : Administrer mars 2000, p. 44, note C. Davies).

2. La suppression du poste : un motif personnel de licenciement

Sur le plan du droit du travail, il semble difficile de définir le licenciement d’un gardien concierge résultant de la suppression de son poste. Si l’on ne peut y appliquer le motif économique, il sera nécessaire de licencier pour motif personnel alors même que la personne du salarié n’est en rien visée.

Ainsi, la décision de la Haute juridiction du 1er février 2017, en rejetant le motif économique considère alors que le licenciement résultant de la suppression du poste est un licenciement pour motif personnel même s’il repose sur un motif non inhérent à sa personne, il n’est pas soumis aux dispositions concernant les licenciements pour motif économique. Sur ce point encore, il s’agit de la réitération de la position prise par la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 13 mai 2014. Cette dernière a jugé que le fait pour la copropriété, qui n’est pas soumise à la législation sur les licenciements pour motif économique pour l’emploi d’une concierge, de supprimer le poste salarié de concierge qui représente la moitié du budget de la copropriété, constitue un motif sérieux rendant fondé le licenciement (CA Paris, ch. 4, pôle 6, 13 mai 2014, n° 12/04991). Dans ce cas d’espèce, les juges ont fait application de la procédure de licenciement pour motif personnel (par opposition au motif économique non inhérent à la personne du salarié) et considéré le poids des charges salariales dans le budget de la copropriété comme un motif sérieux justifiant la suppression du poste et le licenciement du salarié.
Dans les différents arrêts où les juges, bien que ne se prononçant pas sur la qualification d’entreprise des copropriétés rejettent le motif économique, ils le font car les notifications de licenciement n’ont pas suffi à démontrer les difficultés des syndicats justifiant la suppression des postes concernés. Le motif légitime et sérieux du licenciement (hors motif inhérent à la personne du salarié) n’était pas qualifié. Les décisions auraient-elles pu être différentes en présence d’arguments plus objectifs et détaillés ?

Par exemple, qu’aurait pu être la décision d’un juge en présence de la suppression d’un poste justifiée par une diminution des tâches confiées au salarié pour des raisons indépendantes de la copropriété telles que par exemple la mise en place par la commune de la récupération des déchets (supprimant la tâche des fonctions du salarié), la suppression d’un élément d’équipement commun pour lequel le salarié avait pour mission de surveiller et d’entretenir (chaufferie collective, ascenseur, etc.) ?
Il reste donc à attendre de connaître la position des juges en présence de licenciements liés à la suppression légitime et sérieuse de postes non liée au salarié.

3. La suppression de poste et le licenciement : des étapes à respecter

Si le syndic est compétent pour licencier un salarié, son pouvoir d’initiative est limité dans le cadre d’un licenciement pour raison de suppression du poste (D. n° 67-223, 17 mars 1967, art. 31). En effet, le licenciement pour motif personnel ou disciplinaire ne nécessite pas de décision d’assemblée dès lors qu’un remplaçant sera engagé. Mais, dans le cas d’une suppression de poste, il revient à l’assemblée générale de se prononcer (la décision ne portera alors pas sur le licenciement en tant que tel mais sur la seule disparition du poste).

Il sera nécessaire de faire très attention à l’imbrication des délais issus du droit de la copropriété et de ceux du droit du travail et aux motivations du licenciement délivré au salarié.
Avant toute prise de décision sur le licenciement d’un salarié, l’employeur doit le convoquer à un entretien préalable (C. trav., art. L. 1232-2). A cette date, le licenciement ne doit pas encore être décidé, ce qui signifie que le syndicat ne doit pas encore avoir voté la suppression du poste. Ce n’est qu’après cet entretien que l’employeur peut décider de licencier.
La copropriété devra suivre chronologiquement, les étapes suivantes.
 

Convocation d’une assemblée générale

Dans un premier temps, le syndic doit convoquer une assemblée générale prévoyant à l’ordre du jour la décision de suppression du poste de gardien (D. n° 67-223, 17 mars 1967, art. 31). L'ordre du jour devra également prévoir la décision à prendre sur l’aliénation du logement affecté au salarié. Les deux décisions - suppression du poste et aliénation du logement - doivent être soumises au vote lors de la même assemblée générale (L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 26 d). La convocation à l’assemblée générale doit être notifiée aux copropriétaires au moins 21 jours avant la tenue de ladite assemblée (D. n° 67-223, 17 mars 1967, art. 9). Ce délai ne peut être réduit qu’en cas d’urgence, notion qu’il semble peu probable d’appliquer pour la décision de supprimer un poste.

Convocation du salarié et déroulement de l’entretien

L’employeur qui envisage de procéder à un licenciement doit convoquer le salarié à un entretien préalable (C. trav., art. L. 1232-2). La convocation est faite par lettre recommandée ou par remise en main propre contre décharge. Même s’il n’est pas précisé que la lettre recommandée doit être assortie d’un avis de réception, il semble opportun de s’assurer de la réception du courrier par son destinataire. La convocation doit préciser qu’un licenciement est envisagé mais n’a pas l’obligation de contenir les griefs reprochés au salarié ou les raisons de licenciement envisagé. Le courrier contient également la date, le lieu et l’heure de l’entretien préalable. Il mentionne en outre la faculté du salarié de se faire assister lors de l’entretien et lui indique où se procurer la liste des conseillers du salarié arrêtée par l’autorité administrative (la liste est généralement disponible en mairie et auprès de l’inspection du travail) (C. trav. art. L. 1232-4).

Un délai de 5 jours ouvrables minimum est à respecter entre la présentation de la lettre recommandée ou sa remise en main propre et l’entretien.

L’employeur expose les raisons de l’éventuel licenciement lors de l’entretien et le salarié peut alors se défendre en cas de griefs personnels et peut également avancer ses arguments pour, par exemple, éviter la suppression du poste qu’il occupe.
L’employeur devra respecter un délai de réflexion minimum de deux jours ouvrables avant de faire parvenir au salarié la notification de son licenciement (C. trav., art. L. 1232-6).

Tenue de l’assemblée générale et décision sur la suppression du poste

La majorité requise pour supprimer le poste de gardien est la double majorité c’est-à-dire la majorité en nombre des copropriétaires représentant les 2/3 des voix (L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 26).

Depuis la loi ALUR, ce texte de l’article 26 d reprend les solutions jurisprudentielles et indique qu’en vertu d’une clause du règlement de copropriété, la suppression du poste de gardien qui porte atteinte à la destination de l’immeuble ou aux modalités de jouissance des parties privatives et l’aliénation du logement appartenant au syndicat des copropriétaires qui lui est affecté ne peuvent être décidées qu’à l’unanimité (L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 26, d, al. 2, mod. par L. n° 2014-366, 24 mars 2014, art. 59, I, 9°, c).

Le licenciement n’étant « que » la conséquence de la suppression du poste et ne devant pas mêler des motifs personnels, il paraîtra judicieux de ne pas insérer dans la résolution sur la suppression du poste des griefs à l’encontre du salarié. En revanche, il semble nécessaire de préciser, avec force détails les motivations du syndicat pour la suppression du poste (augmentations pérennes des charges, disparition de tâches à effectuer, etc.).

Notification du licenciement

En cas de suppression de poste, comme en cas de licenciement pour motif personnel, l’employeur notifie le licenciement par lettre recommandée avec avis de réception. La lettre doit être précise quant aux motifs du licenciement (C. trav., art. L. 1232-6). En cas de contestation du licenciement par le salarié, seuls les motifs présents dans le courrier de licenciement seront étudiés par les juges. L’employeur ne pourra ainsi pas avancer de nouveaux arguments. En dehors de jurisprudences ayant écarté le motif économique du fait que le syndicat n’est pas une entreprise, les juges ont refusé son application considérant les courriers de licenciement pas assez explicites sur les raisons ayant poussé les copropriétaires à supprimer le poste.
Il est donc indispensable de rédiger avec soin le courrier de licenciement en détaillant les griefs reprochés au salarié, ou, justifiant les raisons objectives (et/ou chiffrées) de la suppression du poste. Or, en l’état actuel de la jurisprudence, le licenciement consécutif à la suppression du poste semble souvent voué à une procédure en requalification.

Sanctions en cas de non-respect de la procédure

En cas de contestation basée sur le motif du licenciement, employeur et salarié tentent de trouver une solution amiable dans le cadre d’une conciliation.
A défaut de succès, il reviendra au juge d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur (C. trav., art. L. 1235-1). La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », a créé un minimum d’indemnisation correspondant aux six derniers mois de salaires en cas de licenciement qualifié par le juge comme étant sans cause réelle et sérieuse (C. trav., art. L. 1235-3, al. 2). Toutefois ce plancher ne trouve pas application pour les « entreprises » de moins de 11 salariés et pour les salariés ayant une ancienneté inférieure à 2 ans (C. trav., art. L. 1235-5). Cette exception ne concernant que les « entreprises » il restera ici aussi à connaître l’interprétation des juges quant à son application.

Isabelle Bérenger, Juriste immobilier et formatrice

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