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Angéline Dufour, avocate associée, et Anna Milleret-Godet, avocate au sein du cabinet Cohen & Gresser LLP analysent la jurisprudence relative aux PSE depuis l'entrée en vigueur de la loi de sécurisation de l'emploi du du 14 juin 2013. Cette réforme a introduit un contrôle administratif renforcé du contenu du PSE et de la procédure applicable.
La loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi (LSE) a profondément modifié les règles applicables en matière de licenciements pour motif économique via l’introduction d’un contrôle administratif renforcé du contenu du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) et de la procédure applicable et via la création d’un bloc de compétence au profit du juge administratif. Quatre ans plus tard, c’est l’heure du bilan. Si la jurisprudence est relativement abondante, elle est révélatrice d’une certaine instabilité juridique.
Le juge administratif confirme la définition des catégories professionnelles retenue par le juge judiciaire pour l’application des critères d’ordre, à savoir un ensemble de salariés occupant des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune (1) mais précise néanmoins que le périmètre de la zone d’emploi retenu, pour l’application des critères d’ordre, ne peut être utilisé pour créer des catégories professionnelles distinctes entre salariés exerçant des fonctions de même nature dans des zones d’emploi différentes (2).
En outre, si l’employeur peut, depuis la Loi du 6 août 2015, dite "Macron", retenir unilatéralement un périmètre d’application des critères d’ordre inférieur à celui de l’entreprise et si le juge administratif n’a pas à contrôler la pertinence du périmètre retenu (3), le critère légal des qualités professionnelles est devenu la bête noire des critères d’ordre. En effet, rares sont les entreprises disposant d’évaluations annuelles écrites et fiables, susceptibles de se traduire objectivement en points. La neutralisation de ce critère est alors tentante. Impossible, précise le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 1er février 2017 (4), jugeant que la pondération uniforme du critère des qualités professionnelles revient en réalité à ne pas en tenir compte, ce qui n’est pas conforme aux dispositions légales et justifie l’annulation de la décision d’homologation de la Direccte.
Si le juge administratif n’est pas compétent pour contrôler le motif économique du licenciement, force est de constater qu’il en tient compte en pratique, dans son analyse, d’une part, du niveau de l’information transmise aux représentants du personnel (5) et d’autre part, de la suffisance du plan (son contenu).
Sur ce second point, la Direccte ne peut, en effet, homologuer un document unilatéral qu’après avoir vérifié que les mesures sociales qu’il contient sont suffisantes compte tenu des moyens dont disposent l’entreprise et le groupe auquel elle appartient.
La Direccte doit pour cela recourir à la méthode du faisceau d’indices pour apprécier la suffisance de ces mesures (6) au regard de la population concernée par les licenciements, abstraction faite du montant global de l’enveloppe du plan (7). A défaut, c’est la nullité du plan qui est encourue.
Que ce soit à l’occasion de la validation d’un accord majoritaire ou dans le cadre de l’homologation d’un document unilatéral, la Direccte vérifie en toute circonstance la régularité de la procédure suivie.
En principe, seules les irrégularités substantielles, c’est-à-dire celles ayant empêché les instances représentatives du personnel de rendre leur avis en toute connaissance de cause, sont de nature à invalider la procédure (8). Ce principe a donné lieu à des décisions qui ont pu être considérées comme exagérément formalistes et d’autres plus pragmatiques.
En effet, on se souvient des décisions Pages Jaunes et Sanofi par lesquelles le Conseil d’Etat a annulé l’accord collectif majoritaire relatif au PSE en raison du défaut de validité du mandat des délégués syndicaux signataires de l’accord (9). Dans la même logique, la Cour administrative d’appel de Marseille est également venue annuler la décision d’homologation de la Direccte en raison de la composition irrégulière du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) (10). Dernièrement, de manière plus pragmatique, le juge administratif a considéré que la vacance d’un siège d’un membre titulaire au Comité central d’entreprise (CCE) n’entachait pas la procédure d’irrégularité (11).
La Cour administrative d’appel de Paris adopte une interprétation extensive de l’obligation légale de prévoir les modalités de suivi du PSE par le Comité d’entreprise (CE) (12). Ainsi, selon elle, faute pour le PSE de définir précisément les modalités de suivi par le CE et son information/consultation sur ce sujet, le PSE ne peut être validé. La Cour administrative d’appel de Douai retient de son côté une solution opposée (13) laissant planer le doute sur cette exigence.
La Cour administrative d’appel de Nancy considère par ailleurs que l’absence de consultation du Comité d’entreprise européen (CEE) n’est pas une cause d’irrégularité dès lors qu’aucune disposition légale n’impose à la Direccte de vérifier la régularité de l’information-consultation de cette instance dans le cadre de l’homologation/validation du PSE (14). Cette solution est pour le moins étonnante et dans l’attente d’une confirmation par le Conseil d’état, il est préférable de ne pas occulter le rôle du CEE dans le cadre de la procédure.
Enfin, le Conseil d’état a eu l’occasion de se prononcer récemment sur l’incidence d’une situation de co-emploi dans un contentieux relatif à la validité des décisions d’homologation/validation de la Direccte. Le juge administratif s’écarte de la définition issue de la Cour de cassation pour faire émerger la notion de « véritable employeur ». Ainsi, une demande d’homologation ou de validation doit être présentée par le véritable employeur sous peine de nullité de la décision administrative (15).
Ces décisions récentes et incertaines incitent fortement les employeurs à privilégier la voie de l’accord majoritaire dans le cadre duquel le contrôle de l’administration sera moins poussé, renvoyant ainsi aux organisations syndicales signataires, la question du contenu du PSE. Néanmoins, s’agissant de la procédure, même en présence d’un accord majoritaire, les juges restent intransigeants.
(2) TA Cergy-Pontoise, 4ème ch., 16 janvier 2017, n°1609820
(3) CAA Bordeaux, 6ème ch., 13 février 2017, n°16BX03648
(4) CE, 1er février 2017, n°387886
(5) CAA Marseille, 7ème ch., 1er avr. 2014, n° 14MA00387
(7) CE, 17 octobre 2016, n°386306
(8) CE, 22 juillet 2015, n°385816 (Heinz), CE, 29 juin 2016, n°386581 (Astérion France)
(9) CE, 22 juillet 2015, n°385668 (Pages Jaunes), CE, 30 mai 2016 n°385730 (Sanofi)
(10) CAA Marseille, 7ème ch., 26 août 2015, n°15MA02165 (CE, 4ème ch., 7 septembre 2016, n°394243)
(11) CAA Versailles, 22 février 2017, n°16VE03398
(12) CAA Paris, 4 août 2016, 8ème ch., n°16PA01718
(13) CAA Douai, 17 novembre 2016, 3ème ch., n° 16DA01513