Le « burn-out » : vers une maladie professionnelle ?

Publié le - Mise à jour le

Voir toutes les actualités
Le 26 mai dernier, Benoit Hamon, député PS des Yvelines et ex-ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, a déposé avec d'autres députés de la majorité plusieurs amendements (à la Loi sur le Dialogue social) visant à faire reconnaître le burn-out comme maladie professionnelle. Des trois amendements proposés, un seul a été accepté, celui qui vise à inscrire dans le Code de la sécurité sociale (à l'article L 461-1) que « Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d'origine professionnelle ». Cet ajout a été salué comme un premier pas dans la reconnaissance du SED ou Syndrome d'Epuisement Professionnel qui toucherait près de deux salariés sur dix[i].

Le burn-out, à l'origine identifié par Herbert J. Freudenberger, médecin psychiatre américain d'origine allemande, est un syndrome qui touche particulièrement les professionnels de la relation de soin à autrui (secteur médico-social) ou de l'enseignement mais aussi, quel que soit le secteur d'activité, les personnes sur-impliquées ou sur-engagée dans le travail. Cependant, les causes de ce syndrome sont davantage à rechercher du coté de l'organisation du travail : charge de travail élevée, fortes amplitudes horaire, isolement et manque de soutien social, faible autonomie, exposition à des formes de violence, etc.

 

Burn-out : des causes à rechercher du côté de l'organisation du travail

Ce syndrome est particulièrement préoccupant et entraîne un épuisement physique et émotionnel, une dépersonnalisation d'autrui (c'est-à-dire une manifestation d'insensibilité, de détachement voire de cynisme à l'égard des collègues, usagers ou clients, etc.) et un sentiment d'inefficacité lié à une diminution de l'accomplissement personnel au travail. Ses victimes souffrent de troubles dépressifs, anxieux, potentiellement de troubles du sommeil ou de problèmes d'alcool, de TMS et de maladies cardio-vasculaires[ii]

 

Une reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle fortement plébiscitée

 

Cela fait de longs mois que le sujet revient à la une de l'actualité. En décembre dernier, une tribune avait été publiée dans le Journal du Dimanche par 30 députés de la majorité demandant la reconnaissance de l'épuisement professionnel comme maladie professionnelle, notamment pour reporter le coût de cette pathologie sur les cotisations patronales AT/MP. Cet appel à la création d'un 99ème tableau des maladies professionnelles est également le souhait des participants du colloque organisé par Technologia en septembre 2012, prolongé par l'Appel lancé par ce cabinet et diverses organisations syndicales en janvier dernier[iii] et qui a recueilli plus de 10 000 signatures à l'heure de l'écriture de ces lignes.

L'amendement sur le Burn-out déposé par Benoît Hamon peut-il changer les choses ?

D'une part, la création d'un nouveau tableau de maladie professionnelle est exclue dans l'immédiat - le Ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, François Rebsamen, signale que cela n'est pas adapté à la spécificité de ces pathologies, d'origine multifactorielle ; d'autre part, si cet amendement consacre le fait que les « pathologies psychiques » peuvent être reconnues comme maladies professionnelles en suivant la demande de reconnaissance devant le CRRMP (Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles), cette possibilité était déjà de fait inscrite dans la législation. En pratique, cette reconnaissance existe déjà mais elle est difficile comme le souligne le faible nombre de reconnaissances effectives : 64 reconnaissances en 2010, 94 en 2011, une centaine en 2012 et 239 en 2013.

L'avancée pourrait davantage provenir d'un futur abaissement du seuil d'Incapacité Permanente Partielle (IPP) : actuellement fixé à 25 %, rarement atteint en cas de pathologies psychiques, ce taux pourrait être revu à la baisse lors des futures discussions sur le plan Santé Travail avec les partenaires sociaux (ces réflexions sont d'ailleurs déjà engagées depuis plusieurs années au sein du Conseil d'Orientation sur les Conditions de Travail, le COCT, sur les dépressions, l'anxiété généralisée et les états de stress post-traumatiques). Un autre élément pourrait être l'intervention d'experts en psychiatrie dans les jurys du CRRMP afin d'apprécier plus aisément ces pathologies. Si elles sont suivies d'effets, comme le précise l'amendement adopté : « Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire ».

Affaire à suivre... En attendant, la prévention reste la meilleure solution : concevoir des organisations permettant la construction de la santé et offrant les ressources et régulations nécessaires pour une meilleure qualité de vie au travail. Le guide publié il y a quelques jours par la DGT, l'INRS et l'ANACT peut y aider substantiellement.


Par Stéphan Pezé
Consultant-formateur Santé et Sécurité au travail
Formateur pour Elegia

Auteur du livre  (à paraître le 25 septembre 2015)
«  Les risques psychosociaux : 30 outils pour les détecter et les prévenir »,
Collection « Lire Agir » aux Editions Vuibert

 


[i] Etude de l'Institut Think pour l'institut Great Place to Work ®

(http://www.greatplacetowork.fr/publications-a-evenements/blogs-et-actualite/784-etude-1-salarie-francais-sur-2-est-confronte-a-une-situation-de-burn-out-)

[ii] Valérie Pezet-Langevin, « Burnout : mieux connaître l'épuisement professionnel », Hygiène et Sécurité du Travail, n°237, décembre 2014

(http://www.hst.fr/inrs-pub/inrs01.nsf/IntranetObject-accesParReference/HST_DC%207/$File/DC7.pdf)

[iii] http://www.appel-burnout.fr

Formations qui pourraient vous intéresser

tealium