La permaculture pour changer le management

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Dans une conférence sur l’entreprise et l’école, ses deux sujets de prédilection, Alexandra Cauchard, fondatrice de SHAKER, agence de conseil en innovation collaborative, et formatrice pour ELEGIA, évoque le parallèle qu’elle voit entre permaculture et management.  Nous l’avons interrogé pour en savoir plus.

ELEGIA : En quoi la permaculture peut-elle inspirer la réinvention de l’entreprise ou même de l’école ?

Alexandra Cauchard : La permaculture que j’ai découvert grâce à un stage de formation a immédiatement eu un fort écho en moi. La permaculture est un modèle centré sur la plante, qui part de ses besoins et de ses particularités pour déterminer les conditions les plus adaptées, les plus bénéfiques à son développement. C’est placer chaque plante dans un jardin en forme de mandala de façon à ce qu’elle enrichisse et s’enrichisse des plantes avec qui elle partage le sol. La permaculture permet ainsi une osmose fructueuse entre les besoins de chaque plante et leur environnement. Imaginez une entreprise et une école dont le fonctionnement s’inspire de ce modèle centré sur l’humain! C’est cette vision qui guide chaque jour la façon dont nous élaborons les projets d’accompagnement de nos clients. Au sein d’une entreprise, chacun participe à un projet commun. Pour construire ce même type d’équilibre, il est nécessaire que l’espace, l’organisation, la nature des relations et le rythme soient en accord avec les besoins fondamentaux de chacun. D’autres notions sont également présentes aussi bien dans la permaculture que dans notre approche : la rétroaction, le droit à l’erreur et la collaboration. Cette-dernière par exemple est un principe central pour nous : les programmes que nous mettons en place sont systématiquement multi-métiers et multi-statuts dans les entreprises ou multi-filières dans le cas des écoles. Ainsi, la multidisciplinarité et la co-construction se diffusent et gomment la culture du silo et de l’individualité qui définit aujourd’hui encore beaucoup trop nos organisations.

ELEGIA : A quel type de changement peut-on s’attendre grâce à cette approche dans l’entreprise ?

A.C. : Toute l’organisation peut évoluer. Nous accompagnons les entreprises à impliquer les collaborateurs dans leurs démarches d’innovation et leurs projets de transformation. Cela induit de sortir du schéma pyramidal où la stratégie est pensée par le top management et exécutée par la base. Par exemple, nous avons récemment accompagné une entreprise qui souhaitait travailler sur la refonte de sa marque. La Direction voulait impliquer les collaborateurs mais n’envisageait de le faire que très tardivement dans le processus, une fois la ligne de conduite générale décidée.  Nous avons suggéré d’inverser ce processus et de mettre toutes les fonctions à contribution très en amont. Nous avons ainsi créé des ateliers d’innovation collaborative où chacun a pu proposer des idées mais aussi challenger celles de l’équipe marketing. Les collaborateurs ont ensuite imaginé un plan de formation et de communication afin que chacun devienne ambassadeur de la nouvelle identité du groupe. Cette démarche de co-construction a permis aux collaborateurs de se sentir impliqués et acteurs du projet pour lequel ils se lèvent chaque matin. Et pour le top management, la conduite du changement a été simple. Les collaborateurs étant à l’initiative de plusieurs actions du programme de transformation, l’adhésion était acquise. Grâce à ce type de démarche, l’entreprise apprend beaucoup de ses collaborateurs. Elle détecte notamment des talents qui n’avaient pas l’occasion de s’exprimer. Parfois même, nos clients sont très surpris. Pour le cas de la refonte de marque, ces ateliers ont révélé que les collaborateurs avaient envie d’aller beaucoup plus vite dans la transformation de l’offre que ne l’avait anticipé le top management. Le succès de ces ateliers a engendré une dynamique extrêmement positive en ce qu’elle a ensuite diffusé le reflex de la co-construction. C’est la force de cette approche, elle embarque tout le collectif.

ELEGIA : Quelle place et quel rôle a le manager dans cette approche ?

A.C. : Je distinguerais le top management et le management intermédiaire. Le top management gagnera à intégrer cette démarche dans l’ensemble de la stratégie et des modes décisionnels afin d’aligner sa vision avec les réalités vécues par les personnes du terrain. S’il adopte un mode de gouvernance basé sur la confiance, celle-ci se déploie en cascade sur toute la culture de l’entreprise. C’est un effet de contamination. Quant aux managers de proximité, l’ère du management apprenant les invite à changer de posture. Aujourd’hui, le modèle « command and control » ne fonctionne plus, les collaborateurs attendent de leurs managers qu’ils portent attention à leur évolution et à leur potentiel. Pour répondre à ce besoin, le manager doit accepter de co-construire sans redouter de perdre sa légitimité ou son pouvoir. C’est d’ailleurs le contraire qui se produit lorsque le manager évolue. Plus il est en capacité de développer et de faire grandir son équipe, plus son management est fluide et accepté. Pour adopter une telle posture, le manager a besoin de s’outiller et de travailler sur ses croyances. Il ne suffit pas de clamer les injonctions du moment « faites confiance, développez la créativité de vos équipes… ». Ces  changements ne sont pas simples et nécessitent d’accompagner les managers dans leur transformation individuelle.

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