Lean management : ce que doit faire le CHSCT

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Réduction de l'espace de travail, pression sur la productivité, uniformisation des méthodes de travail, etc. Tels sont les dangers du Lean, qui tend à se généraliser au sein des entreprises et de l'administration.

Au SalonsCE de Paris, CHSCT et experts de la santé au travail ont débattu hier des moyens pour encadrer cette nouvelle méthode d'optimisation de l'activité.

SalonsCE a organisé les 1er et 2 octobre 2014, en partenariat avec votre quotidien actuEL-CE.fr et l'Anact, une rencontre autour des nouvelles formes d'organisation du travail, axées autour de la productivité et de la chasse aux temps morts. Au cours de ces échanges, représentants du personnel et experts ont soulevé plusieurs pistes d'action pour défendre au mieux la santé des salariés.

Diagnostiquer la mise en place du Lean management

Le développement du Lean management, en français "gestion maigre", c'est-à-dire sans gaspillage, est l'une des grandes tendances de ces dernières années, observe Anne-Florence Beauvois, directrice du cabinet Sextant Conseil : "Issu de l'industrie, le Lean se généralise aujourd'hui au secteur des services et à l'administration. Mais cette forme d'organisation du travail avance le plus souvent masquée, par exemple sous le nom de "Projet d'excellence opérationnelle", illustre-t-elle. Toute la difficulté est alors d'attraper le moment, dans le cadre d'une politique d'amélioration continue, qui va justifier la consultation du CHSCT et éventuellement la désignation d'un expert". "La direction déguise effectivement la mise en oeuvre du Lean, confirme un élu CHSCT dans la salle. Et c'est à nous de le diagnostiquer". Le recours à certains mots clés doit vous alerter, prévient Sophie Joffre, déléguée du personnel d'une grande banque : "Si votre responsable commence à parler de "fusionner les synergies", il est temps d'agir !".

Un consultant a chronométré mes tâches

Et la représentante du personnel de raconter l'introduction du Lean dans son service comptable : "Le premier changement opéré a été l'interdiction de s'asseoir en réunion, relate Sophie Joffre. Si le but est de ne pas gaspiller de temps, il est certain qu'après 30 minutes debout on n'a pas envie de poser des questions !". Vient ensuite la mesure de la productivité par un cabinet de conseil extérieur : "Quelqu'un vient se mettre à côté de vous, et vous chronomètre toute une journée, poursuit l'élue. Le lendemain un tableau des scores de chaque personne est affiché au mur et le meilleur temps, le mien en l'occurrence, a été retenu pour décréter que dorénavant chaque problème devra être réglé en 41 secondes. Une telle méthode ne tient évidemment pas compte du fait que tous les salariés n'ont pas la même expérience professionnelle, la même méthode de travail, ou encore que certaines difficultés sont plus longues à régler que d'autres ! Chez nous, la direction s'est servie du Lean pour justifier les suppressions de postes annoncées par la suite. C'est mon ressenti".

Le Lean s'attaque d'abord à ce qui est le plus visible

Dans la salle, un autre élu s'inquiète d'une réorganisation dans sa société des espaces de travail. "Le gain d'espace est un élément central du Lean, confirme Anne-Florence Beauvois, expert CHSCT. Pour convaincre de l'efficacité de la méthode, la tendance est de s'attaquer à ce qu'il y a de plus visible. Le rôle des représentants du personnel est quant à lui de démonter en quoi réduire la superficie des locaux rend la tâche plus difficile à accomplir". "On nous a réduit la taille des bureaux et supprimé l'équipement annexe, complète Sophie Joffre. Du coup, je dois aller au bout du couloir pour récupérer mes impressions".

Le CHSCT peut solliciter l'aide de l'Aract

Quels sont alors les leviers d'action du CHSCT ? "La tâche de l'instance n'est pas aisée, prévient Anne-Florence Beauvois. Le Lean repose en principe sur la participation des salariés. Ils peuvent être sollicités par la direction pour participer aux chantiers, et par la suite se trouver accusés d'avoir cautionné, validé, des changements organisationnels qui ont provoqué une dégradation des conditions de travail. Vous devez vous outiller, et être accompagnés d'un expert extérieur". Accompagner le changement de méthode du travail est justement une mission des agences régionales pour l'amélioration des conditions de travail (aract) : "Nous nous situons à mi-chemin entre les salariés et la direction, explique Eliane Samory, de l'aract Ile-de-France. Il ne faut pas hésiter à nous solliciter. En cas de situation conflictuelle, il est parfois nécessaire de construire une stratégie avec le CHSCT pour que la direction accepte la médiation".

Le plus efficace est d'essayer de convaincre l'employeur

"Le droit d'alerte du CHSCT est-t-il une menace efficace ?", demande enfin un élu. "Oui, affirme la directrice de Sextant Conseil. Mais cette démarche présente un côté formel. Et les employeurs savent de mieux en mieux s'approprier l'expertise comme un outil de communication pour montrer aux salariés que leur santé est importante".
Le plus efficace apparaît alors de tenter de convaincre la direction qu'elle fait fausse route : "Ce que j'essaye de prôner en expertise, c'est de se laisser un temps suffisant en fin de mission pour dégager des pistes d'action et de réflexion auxquelles la  direction va adhérer un minimum. C'est un numéro d'équilibriste assez difficile", concède Anne-Florence Beauvois.

L'employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat

Reste enfin la possibilité d'agir en justice sur le fondement de l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur : "Si ce dernier a refusé l'évidence d'une dégradation des conditions de travail, sa responsabilité pourra être engagée devant le juge", rappelle-t-elle. Le droit à la santé, droit fondamental du salarié, peut également être invoqué pour obtenir en justice l'interdiction que l'on sait dangereuse.

Par Julien François
© ActuEL-CE.fr / Editions Législatives

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