Loi travail : quels changements pour le CHSCT ?

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Bien loin de la petite « révolution » introduite par les dispositions de la loi Rebsamen et en particulier celles relatives à la nouvelle « Délégation Unique du Personnel », la loi du 08 Août 2016 ne modifie en réalité que peu le fonctionnement du CHSCT, même si la quasi unique mesure portant sur ce point aura certainement d'importantes conséquences.

La contestation de l'expertise par l'employeur

Sur ce point, un petit rappel semble nécessaire. Certain d'entre vous garde peut-être en mémoire que le 16 septembre 2015, la Cour de Cassation saisit par la société Foot Locker France SAS, avait estimé nécessaire de poser au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité sur le sujet sensible de la contestation de l'expertise agrée.

Le Conseil s'était alors prononcé le 26 Novembre 2015 sur l'inconstitutionnalité de la disposition. La nouvelle rédaction de l'article L 4614-13 du Code du travail, ne fait donc que préciser et formaliser cette décision. L'employeur dispose désormais d'un délai de 15 jours pour contester la délibération d'un CHSCT, contestation portant sur la nécessité du recours à l'expertise, la désignation de l'expert, ou bien encore le coût prévisionnel de l'expertise.

Le juge se prononce alors dans un délai de 10 jours à partir de cette date, suspendant ainsi à sa décision la poursuite de l'expertise. Le caractère novateur de la disposition introduite par la loi El Khomri, c'est la capacité désormais offerte pour l'employeur d'exiger le remboursement du coût de l'expertise, et la possibilité, à tout moment, (article L 2325-41-1) pour le Comité d'entreprise, de décider de prendre en charge ces frais.

Il est encore trop tôt pour juger de la portée de cette disposition, mais il est fort à penser que cet ultime « coup de butoir » à l'expertise agréée aura pour conséquence de multiplier les saisines devant le juge.

Enfin, comment ne pas voir dans cette capacité de substitution par le Comité d'entreprise, un nouveau signe de cette entêtante volonté de voir le CHSCT se transformer en sous commission de ce dernier.

Un rapprochement qui étape après étape se poursuit, au grés des décrets d'application. Ainsi au 1er janvier 2016, l'effet de « substitution » de la BDES jusqu'alors réservé au seul Comité d'Entreprise à été étendus aux documents récurrents fournis aux membres du CHSCT. Cet effet de substitution introduit par la loi du 14 Juin 2013 permet à l'employeur de ne plus avoir à remettre de documents avant une consultation, en octroyant aux membres du CHSCT un accès permanent à ces informations via la BDES.

Une interrogation s'impose malgré tout : comment définir précisément ces documents ? Faut-il les limiter aux seuls Bilan et Programme annuel, où comme certains peuvent l'écrirefaut-il l'étendre à toutes les informations dont un CHSCT peut avoir besoin pour un exercice efficient de son mandat ?

Enfin, les nouveaux articles R 4614-5-2 et R 4614-5-3 du Code du travail issus du décret du 29 juin 2016, introduisent que le CHSCT a un mois pour se prononcer, délai au-delà duquel il est réputé avoir émis un avis négatif. Ce délai est porté à deux mois lorsqu'un expert est désigné, trois mois lorsque plusieurs CHSCT sont saisis et 4 mois lorsque l'Instance de coordination du CHSCT est consultée. Une disposition, qui, là encore, n'était jusqu'alors applicable qu'au seul Comité d'Entreprise et qui se voit désormais étendue indifféremment aux deux instances.

Les heures de délégation pour les cadres au forfait

Prendre des heures de délégation lorsque l'on est cadre au forfait peut s'avérer compliqué. Nombreux sont ceux qui, pour solutionner le problème, occultent définitivement ces heures, exerçant leur mandat en sus de leur activité professionnelle. La loi du 8 Août 2016, introduit de nouvelles modalités de comptabilisation de ce crédit d'heures (article L 4614-3 du Code du Travail). Désormais regroupé en demi-journée (4 heures), celles-ci viennent en déduction du nombre annuel de jours travaillés par le salarié tel que cela est défini soit légalement, soit par accord.

Une interrogation demeure malgré tout : comment comptabiliser les missions dont le temps consacré est inférieur à 4h ? A l'heure où cet article est rédigé, nous ne pouvons y répondre car nous sommes en attente d'un décret du Conseil d'Etat qui devrait apporter les précisions nécessaires.

Une disposition plutôt positive, mais que certains risquent de trouver sans grand intérêt au regard de leur charge de travail et de l'organisation qu'ils ont pu mettre en place pour assurer le bon exercice de leur mandat.

En résumé, la loi El Khomri ne modifie pas de façon profonde le fonctionnement du CHSCT mais renforce le sentiment de retour en arrière sur la prise en compte des sujets relatifs à la santé et sécurité au travail. Ce n'est pas la profonde réforme appliquée à la médecine du travail et en particulier aux visites, introduit par la loi El Khomri qui sera de nature à nous rassurer.

 

Par Henri GREGO,
Formateur pour Elegia

Sources:
n° 2016-1088, 8 août 2016, art. 4, 5 et 6 : JO, 9 août
Journal Santé & Travail - Octobre 2016
Décret n° 2016-868 du 29 juin 2016

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