Ordonnances : les députés modifient à la marge le projet de loi d'habilitation

Publié le - Mise à jour le

Retour aux actualités

Le projet de loi d'habilitation sur les ordonnances sur le dialogue social a été adopté jeudi soir en première lecture à l'Assemblée nationale. L'équilibre du texte n'a pas été remis en cause par les députés qui ont très légèrement modifié le projet de loi d'habilitation. Détail des amendements adoptés en séance publique.

La ministre du travail, Muriel Pénicaud, lors de l'examen du projet de loi d'habilitation à l'Assemblée nationale

Les députés ont achevé jeudi soir l'examen du projet de loi d'habilitation sur les ordonnances sur le dialogue social. Sur 320 suffrages exprimés, 270 députés ont voté pour et 50 contre. Les 38 amendements adoptés ne bouleversent pas l'équilibre du texte, quand bien même ils viennent de tous les bords politiques (24 issus de la majorité, 2 des Constructifs, 5 de la Gauche démocrate et républicaine, 4 des Républicains et 3 de la Nouvelle gauche).

Détail des principaux amendements adoptés.

Articulation entre les accords collectifs d'entreprise, de branche et la loi

Si les députés ont souhaité poser des garde-fous, certains apparaissent inutiles, d'autres reprennent des éléments que le gouvernement avait déjà dévoilés. Toutefois certaines précisions sont apportées.

Accords collectifs et ordre public

Un amendement vise à garantir que que la nouvelle articulation entre les normes conventionnelles se fera "dans le respect des dispositions d'ordre public". Toutefois, plus que le respect de l'ordre public - qui s'impose - la question est de savoir ce qui en relève. En effet, si le gouvernement reprend le triptyque de la loi Travail : dispositions d'ordre public, dispositions relevant du champ conventionnelles et dispositions supplétives, il pourrait être amené à redéfinir ce qui relève de l'ordre public ou, à tout le moins, le préciser s'agissant des thèmes visés par les ordonnances.

Domaines verrouillés par la branche

Le projet de loi d'habilitation distingue trois situations s'agissant de l'articulation entre les accords d'entreprise et les accords de branche : les sujets réservés à la branche, ceux que la branche pourra verrouiller et ceux pour lesquels l'accord d'entreprise primera. Un amendement précise que les branches ne pourront verrouiller certaines de leurs dispositions que dans des "domaines limitativement énumérés".  Précision que le ministère du travail lui-même a déjà apportée à l'issue du premier round de concertations avec les partenaires sociaux. Seuls seront concernés : la pénibilité et la prévention des risques professionnels, le handicap, les conditions et les moyens d'exercice d'un mandat syndical, la reconnaissance des compétences acquises et les évolutions de carrière.

Accords d'établissement

Le texte adopté précise que les accords d'établissements seront bien concernés par l'ensemble des changements opérés par les ordonnances en matière d'articulation entre les accords collectifs.

Adaptations aux TPE

Si le projet de loi prévoit que l'accord de branche pourra prévoir que certaines de ces stipulations pourront être adaptées aux petites entreprises, un amendement ajoute que les ordonnances devront en préciser les critères, les conditions mais aussi "le cas échéant, les contreparties aux salariés".

Base de données économiques et sociales

La possibilité de revoir par accord la périodicité et le contenu de la base de données économique et sociale (BDES), prévue par le projet de loi d'habilitation, ne devra pas porter atteinte aux pénalités prévues en cas de non respect de conclusion d'un accord sur l'égalité femmes-hommes, précise désormais le texte.

Révision des accords collectifs par des élus non mandatés

Les ordonnances devront faciliter les modalités de révision (et pas seulement de conclusion) d'un accord collectif par des élus non mandatés.

Restructuration des branches professionnelles

Enfin, le processus de restructuration des branches sera accéléré, et avancé d'un an à février 2018.

Fusion des institutions représentatives du personnel

Certains députés ont souhaité que le projet de loi d'habilitation soit plus précis sur la fusion annoncée des IRP.

Seuils

Il est désormais prévu que les ordonnances devront préciser les seuils à partir desquels l'instance unique de représentation du personnel sera mise en place. Il est également gravé dans le marbre que l'instance devra disposer de moyens suffisants pour l'exercice des nouvelles prérogatives.

Le projet de loi d'habilitation prévoit que les ordonnances devront déterminer les conditions dans lesquelles les représentants du personnel pourront être mieux associés aux décisions de l'employeur dans certaines matières. Un amendement ajoute qu'il s'agira notamment "de renforcer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l'entreprise".

Contribution au fonds paritaire dans les TPE

Afin de favoriser la syndicalisation dans les petites entreprises (en levant les difficultés financières), il est prévu qu'elles pourront être exonérées de tout ou partie de leur contribution au fonds paritaire finançant le paritarisme.

CPRI

Enfin, à peine mises en place par un décret du 27 avril 2017, les commissions paritaire régionales interprofessionnelles (CPRI) seront "redéfinies" afin qu'elles puissent parvenir à un mode de fonctionnement plus en adéquation avec la réalité des TPE".

Encadrement des ruptures du contrat de travail et sécurisation des relations de travail

La sécurisation des ruptures du contrat de travail est au coeur du projet de loi d'habilitation. Sur ce sujet encore, les députés ont apporté des précisions de plus ou moins grande importance.

Référentiel de dommages-intérêts

Un amendement vise à revenir à la première rédaction du texte sur les cas d'exclusion du référentiel de dommages-intérêts en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, en précisant qu'il s'agit des cas de harcèlement et de discriminations. La version présentée en Conseil des ministres avait suivi les recommandations du Conseil d'Etat qui avait préconisé de "ne pas descendre dans un degré de détail excessivement contraignant" et avait conduit le gouvernement à viser plus largement "les fautes d'une particulière gravité".

Licenciements pour motif économique

S'agissant des licenciements pour motif économique, le projet de loi d'habilitation prévoit que les ordonnances pourront définir le périmètre d'appréciation de la cause économique. Un amendement précise qu'il s'agira de définir le périmètre d'appréciation géographique et le secteur d'activité dans lesquels la cause économique est appréciée. L'idée est de permettre une appréciation au niveau national et non plus international. Une tentative qui avait fait long feu dans le cadre de la loi Travail.

Amélioration de l'accès numérique au droit du travail

Afin de rassurer les entreprises, il est souligné que la meilleure accessibilité aux normes du droit du travail, par voie numérique, sera une mission qui incombera à l'autorité administrative et non une nouvelle charge qui pèsera sur les entreprises.

Télétravail

Le projet de loi tel qu'adopté par les députés prévoit désormais que les ordonnances devront favoriser le recours au télétravail et au travail à distance "en vue d'assurer une meilleure conciliation des temps de la vie professionnelle, de la vie personnelle et de la vie familiale et de mieux prendre en compte le travail nomade".

Recours aux CDD dans les branches

Si les branches pourront adapter par convention ou accord collectif les dispositions en matière de CDD et de contrats de travail temporaires, relatives aux motifs de recours à ces contrats, leur durée, leur renouvellement et leur succession sur un même poste et avec un même salarié, ce sera dans des limites posées par la loi.

Travail de nuit

Le projet de loi d'habilitation prévoit de sécuriser le recours au travail de nuit, en permettant aux entreprises n'ayant pas d'accord sur le travail de nuit de décaler "à la marge" le curseur du travail de nuit. Les entreprises souhaitant faire travailler leurs salariés jusqu'à 21 heures ou à partir de 6h pourraient empiéter sur la plage de travail de nuit (21h-6h). Un amendement vient préciser que cela ne concernera le travail de nuit "que lorsque celui-ci relève d’une organisation collective du travail". Il s'agit de limiter ces adaptations dans les seuls cas où le travail de nuit concerne toute une catégorie de salariés dans l’entreprise.

Régime fiscal et social des indemnités de rupture

Le projet de loi d'habilitation prévoit de modifier les règles relatives à la conciliation, afin de l'encourager, et de modifier le régime fiscal et social des sommes dues par l'employeur et versées au salarié à l'occasion de la rupture du contrat de travail. Le texte précise désormais qu'il s'agit "d’inciter à la résolution plus rapide des litiges par la conclusion de ruptures conventionnelles, de transactions, d’accords devant le bureau de conciliation et d’orientation, ou de toute autre modalité de règlement...". L'objectif recherché est bien de limiter le recours au juge et d’accélérer la résolution des litiges.

Prolongation des mandats des conseillers prud'hommes sortants 

Un amendement du gouvernement prolonge, à titre transitoire pour tenir compte du renouvellement des conseillers prud’hommes en janvier 2018, les mandats des conseillers prud’hommes, afin de leur permettre de rendre les décisions dans des affaires préalablement évoquées. Les conseillers sortants pourront ainsi continuer à signer les décisions relatives aux affaires plaidées devant eux, jusqu’à la fin du premier trimestre 2018, ce qui permettra en outre de continuer à tenir des audiences à la fin de l’année 2017.

Un autre ajout gouvernemental vise à supprimer l’incompatibilité entre les mandats de conseiller prud’homme et ceux d’assesseur du tribunal des affaires de sécurité sociale et d’assesseur du tribunal du contentieux de l’incapacité.

Impact des ordonnances sur les TPE-PME et les salariés

Le gouvernement devra remettre au Parlement, dans un délai de 18 mois à compter de la publication des ordonnances, un rapport afin de procéder à une évaluation précise de l’effet des dispositions prises, en insistant sur l’impact des mesures prévues par les ordonnances sur la compétitivité des TPE et des PME, ainsi que sur la protection des salariés.

Prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu

Enfin, le report d'un an, au 1er janvier 2019, du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, devra permettre "de réaliser une expérimentation complémentaire sur les effets positifs ou indésirables du dispositif prévu". Par ailleurs,  Le gouvernement devra remettre au Parlement, au plus tard le 30 septembre 2017, un rapport exhaustif présentant les expérimentations sur le prélèvement à la source prévues par la loi de finances pour 2017 qui ont été menées de juillet à septembre 2017, ainsi que leurs résultats.

Où en est le texte ?

Etape actuelle

Adoption en première lecture à l'Assemblée nationale

Prochaine étape

Examen au Sénat à partir du 24 juillet

Entrée en vigueur

Publication de la loi d'habilitation et des ordonnances au Journal officiel

 

Florence Mehrez
Rédactrice en chef adjointe
actuEL-CE, quotidien en ligne des Editions Législatives

Formations qui pourraient vous intéresser

tealium