Passage au CSE : vérifiez si vous êtes prêt !

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La transition du comité d'entreprise (ou DUP) vers le comité social et économique, impérative pour toutes les entreprises dans les deux ans à venir, n'en exige pas moins un véritable investissement de la part de l'équipe sortante. Gestion de la réduction du nombre de mandats, négociation des moyens de l'instance, transmission du patrimoine du CE, etc. 

Institué par les ordonnances Macron, le comité social et économique (CSE) en tant que modèle quasi-exclusif de représentation du personnel va nécessairement impacter, à des degrés divers selon que vous déjà en DUP ou non, les modalités d'exercice de votre engagement auprès des salariés. Incontestablement, les nouvelles règles décidées par le gouvernement font peser la menace d'un affaiblissement du droit collectif en entreprise. Bien se préparer à ce bouleversement qui vous attend peut néanmoins permettre d'amortir la chute. Tel est l'objet de cette synthèse et de notre nouveau dossier "Comment bien aborder le CSE", que nous continuerons d'alimenter dans les semaines et mois à venir.

Sous réserve d'une éventuelle censure du Conseil constitutionnel dans les semaines à venir, le contenu des ordonnances Macron, tel qu'issu du texte adopté par les parlementaires le 31 janvier 2018, ne devrait plus évoluer.

1. Objet et moyens du CSE

L'essentiel à savoir : le comité social et économique (CSE) est la nouvelle instance de représentation du personnel. Elle s'impose à toutes les entreprises d'au moins 11 salariés et remplace d'autorité toutes les instances existantes (CE, CHSCT, ICCHSCT, DP, ancienne DUP et DUP "Rebsamen"). Il n'est pas possible, même par accord collectif, de conserver des instances séparées.

L'essentiel des missions "classiques" de représentation du personnel sont préservées mais avec des moyens, sauf accord plus favorable, revus à la baisse (réduction du nombre d'élus, suppléants exclus des réunions plénières, assiette de calcul des budgets moins favorable, extension de l'obligation de cofinancer les expertises, etc.)

Le mot de l'expert : "Les ordonnances Macron ne sont pas une réforme comme les autres. C'est l'occasion pour le gouvernement de remettre à plat les moyens des instances représentatives et d'en grappiller au passage. L'idée en filigrane est que la représentation du personnel doit tout voir sous le prisme économique, celui de l'employeur, et dès lors adapter ses demandes aux contraintes du marché. On inhibe la vision sécurité et conditions de travail des élus alors que s'il y avait bien quelque chose à renforcer, au regard du développement des risques psychosociaux, c'était le CHSCT !" (Claire Baillet, consultante d'Alinéa).
 

2. Quand passer en CSE ?

L'essentiel à savoir : Le comité social et économique est institué à l'occasion du renouvellement de l'une des instances représentatives actuelles, en tenant compte des règles suivantes :

  • si les mandats d'une instance représentative arrivent à échéance entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2018, les entreprises peuvent, par accord collectif ou décision unilatérale de l'employeur après consultations des élus, réduire ou proroger la durée des mandats pour une durée maximum d'un an ;
  • si les mandats d'une instance représentative arrivent à échéance entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2019, les entreprises peuvent, par accord collectif ou décision unilatérale de l'employeur après consultations des élus, réduire la durée des mandats pour une durée maximum d'un an ;
  • si aucun mandat n'arrive à échéance avant le 1er janvier 2020, les mandats en cours tomberont automatiquement au plus tard le 31 décembre 2019. L'entreprise devra alors anticiper et organiser des élections.

Le mot de l'expert : "Face à l'ampleur des négociations qui les attendent, beaucoup d'élus se demandent comment s'organiser. Une réponse à leur apporter est de leur rappeler qu'ils peuvent financer, sur le budget de fonctionnement du CE, de la formation pour s'approprier les ordonnances avant de passer en CSE mais aussi recevoir une forme de conseil plus large sur ces questions" (Julien Sportès, du cabinet Tandem expertise).
 

3. CSE ou conseil d'entreprise ?

L'essentiel à savoir : le conseil d'entreprise, institution espérée de longue date par le Medef, est à la fois chargé de toutes les missions du CSE et des négociations des accords d’entreprise et d’établissement. Cette formule, purement facultative (il faut un accord d'entreprise majoritaire), achève le mouvement de fusion de la représentation du personnel. En contrepartie, il est attendu de l'employeur qu'il reconnaisse aux membres élus de cette toute nouvelle instance un droit de veto sur au moins deux thèmes (dont nécessairement la formation professionnelle). 

Le mot de l'expert : "C'est une invitation à aller plus loin que le comité social et économique (CSE) vers la cogestion. Un avis conforme des élus sera requis sur la formation, mais je l'espère aussi sur de nombreux autres thèmes déterminés par accord. Il s'agit d'une petite révolution car dans ces entreprises, la question de la gouvernance va se poser beaucoup plus vite qu'ailleurs" (Muriel Pénicaud, ministre du Travail).
 


4. Négocier le découpage des établissements distincts

L'essentiel à savoir : en vue de l'élection du CSE, le pouvoir de l'employeur est renforcé pour déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts. Il est fixé la procédure suivante :

  1. un accord collectif peut être conclu selon les modalités de droit commun ;
  2. à défaut, si les syndicats refusent de signer (ou en l'absence de délégué syndical), un accord peut être conclu avec la majorité des membres titulaires au CSE ;
  3. si aucun terrain d'entente n'est trouvé avec les représentants du personnel, le dernier mot est donné à l'employeur. Il décide seul du nombre et du périmètre des établissements, compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel (il s'agit là d'une reprise partielle des critères jurisprudentiels établis par la Cour de cassation).

Le mot de l'expert : "Le risque majeur, du fait d'une baisse du nombre d'élus que provoquera la mise en place du CSE, réside dans le risque d'un décalage entre les élus du CSE et les collectifs du travail, alors que c'est justement la proximité entre élus et salariés qui permet de faire remonter questions et problèmes autour des conditions de travail. Ce sont ces éléments qui peuvent ensuite entraîner la saisine de l'instance, des enquêtes voire, des expertises. Il faut analyser ce qui marche et ce qui ne marche pas dans l'organisation actuelle de la représentation du personnel de votre entreprise afin de voir comment articuler le mieux possible les différents niveaux dans le cadre du CSE. Un des rares points positifs des ordonnances est la consécration, au niveau du CSE central, d'une commission santé, sécurité et conditions de travail" (Carole Taudière, ergonome).
 

5. Négocier les moyens du CSE

L'essentiel à savoir : la réforme du code du travail fixe par défaut les règles de fonctionnement et les attributions économiques du CSE. Mais de nombreux points sont désormais ouverts à la conclusion d'accords d'entreprise "dialogue social", y compris dans un sens qui peut être défavorable aux droits de la représentation du personnel. Notamment :

  • le contenu, la périodicité et les modalités des 3 consultations récurrentes ;
  • le nombre de réunions annuelles du CSE, qui ne peut être inférieur à 6 ;
  • les niveaux auxquelles les consultations sont conduites et le cas échéant, leur articulation entre le CSE central et les CSE d'établissements ;
  • les délais de consultation du CSE ;
  • les modalités d'aménagement de la base de données économiques et sociales, etc.

Le mot de l'expert : "Un accord d'entreprise peut dorénavant définir le contenu des trois grandes consultations, leur périodicité, les modalités de consultation, etc. Je ne peux que vous conseiller de ne pas vous lancer dans la signature d'un tel accord sans prendre au préalable l'avis de votre avocat. Vous ne pouvez pas raisonnablement préjuger qu'il ne sera pas utile de faire un point sur la situation financière, la politique sociale et les orientations stratégiques pendant plusieurs années consécutives" (Chloé Joly, experts CE au sein du réseau JDS).
 

6. Prévoir la mise en place de représentants de proximité

L'essentiel à savoir : les ordonnances ne donnent pas de définition du représentant de proximité. Il s'agit d'une nouvelle instance laissée au libre choix des partenaires sociaux dans l'entreprise. On fait souvent référence à la possibilité de maintenir les délégués du personnel au niveau d'établissements plus réduits, mais l'accord collectif peut parfaitement octroyer d'autres droits, obligations et moyens aux représentants de proximité ou les redéfinir. A minima, l'accord doit indiquer :

  • le nombre de représentants de proximité ;
  • les attributions des représentants de proximité, "notamment en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail" ;
  • les modalités de leur désignation ;
  • leurs modalités de fonctionnement, notamment le nombre d'heures de délégation dont bénéficient les représentants de proximité pour l'exercice de leurs attributions.

Le mot de l'expert : "Les représentants de proximité offrent l’opportunité de renforcer le nombre d’élus, puisqu’ils ne sont pas forcément membres du CSE. L’accord à négocier avec l’employeur sur cette question est d’autant plus crucial que la fusion des IRP, en supprimant les DP, prive le personnel d’une présence de proximité très utile dans le domaine de la sécurité et de la santé professionnelle. Un argument paraît pouvoir faciliter la négociation sur les représentants de proximité. L’article L. 2313-7 mentionne que leurs attributions porteront notamment sur la santé, la sécurité et les conditions de travail. Le fait qu’un employeur refuse de les instaurer pourrait donc jouer à charge contre lui si sa responsabilité est engagée lors d’un accident du travail" (Daphné Lecointre et Julien Picard, du cabinet PNLConseil).
 

7. Préparer les listes de candidats aux élections

L'essentiel à savoir : l'obligation de présenter une liste de candidats équilibrée au regard de la proportion de femmes et d'hommes au sein de l'entreprise est maintenue dans le cadre du CSE (l'exercice risque d'être plus difficile encore à respecter au regard de la réduction prévisible du nombre de mandats à pourvoir et la limitation à trois du nombre de mandats successifs au sein de l'instance unique). En vue d'anticiper une probable censure du juge constitutionnel, il est dorénavant précisé que "lorsque l'application de ces règles (ndlr : l'arrondi) conduit à exclure totalement la représentation de l'un ou l'autre sexe, les listes de candidats pourront comporter un candidat du sexe qui, à défaut, ne serait pas représenté. Ce candidat ne peut pas être en première position sur la liste".

Le mot de l'expert : "On peut se demander, si, du moins à court terme, la centralisation accrue des IRP, la fusion des instances et la réduction du nombre de mandats n'auraient pas un impact défavorable sur l'accroissement de la présence des femmes dans les instances représentatives du personnel" (la Dares, service statistiques du ministère du Travail).
 


8. Transmettre le patrimoine du CE au CSE

L'essentiel à savoir : la fusion généralisée des institutions représentatives réserve aux élus un exercice de comptabilité inédit : établir et adopter un état des lieux exhaustif du patrimoine du comité d'entreprise en vue de le transmettre au comité social et économique (CSE). Il faudra notamment penser à détailler les rubriques suivantes :

  • les ordinateurs et logiciels ;
  • le matériel de bureau ;
  • les stocks ;
  • les sommes dues par les salariés ;
  • le solde des subventions dues par l'entreprise ;
  • les prêts et secours ;
  • les placements et éventuels prêts bancaires ;
  • les fonds propres et les réserves du CE.

À l'égard des Urssaf, il faut avoir en tête que le CSE sera tenu responsable des pratiques de l'ancien comité d'entreprise.

Le mot de l'expert : "À l'issue d'un contrôle en entreprise, c'est à l'employeur que nous adressons nos observations. Notre contrôle porte sur un numéro SIREN et tous ses établissements. Que la représentation du personnel s'exerce dans le cadre d'un comité d'entreprise ou du nouveau CSE ne change rien pour nous parce qu'en cas de redressement, c'est l'entreprise que nous sanctionnons" (Thomas Piechocki, contrôleur de l'Urssaf Nord Pas-de-Calais).
 

9. Informer les co-contractants de la disparition du CE

L'essentiel à savoir : le passage en CSE emporte la clôture définitive du comité d'entreprise. Autrement dit, et à la différence du passage en délégation unique du personnel que vous avez peut-être connu, il n'y a pas de continuité de la personnalité morale. En amont des élections, il faudra donc prendre soin d'informer vos prestataires et de contacter votre banque et votre assureur. Pour les CE employeurs, on peut penser que les contrats de travail des salariés bénéficieront d'un transfert automatique vers le comité social et économique.

Le mot de l'expert : "Il est souhaitable d'obtenir auprès de votre assureur une attestation vous indiquant que, malgré la création d'une personnalité civile nouvelle, les assurances souscrites continueront d'être applicables de plein droit au nouveau CSE. Le trésorier devra aussi prendre contact avec la ou les banques du CE et faire confirmer par écrit l'ensemble des positions bancaires du comité ainsi que ses engagements. Ce document aura pour but d'éviter toutes contestations futures" (Ludovic Vaudoyer, expert-comptable auprès des CE).
 

10. Anticiper le non renouvellement d'une partie des mandats

L'essentiel à savoir : La fusion des instances représentatives du personnel (DP, CHSCT et CE) au sein du comité social et économique (CSE) entraînera une baisse du nombre d'élus (le phénomène est à ce jour difficile à estimer, il dépendra du contenu des accords de droit syndical négocié et des protocoles préélectoraux établis entreprise par entreprise). Mais en dépit de son titre ("la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales"), l'ordonnance Macron a finalement très peu traité de ce sujet. Si l'on excepte la possibilité donnée aux branches de faire prévaloir des dispositions sur la valorisation des parcours syndicaux, le texte de l'ordonnance ne comprend que de rares dispositions sur ce sujet comme : 

Pour pallier partiellement cette lacune, Jean-Dominique Simonpoli et Gilles Gateau ont remis le 16 février 2018 à la ministre du Travail un rapport proposant surtout de diffuser les bonnes pratiques en incitant les entreprises à se soucier des salariés qui perdront leur mandat à l'occasion du passage en CSE.

Le mot de l'expert (à destination des employeurs) : "N'attendez pas l'après élection du CSE pour vous préoccuper de la situation professionnelle des personnes qui ont été parfois longtemps occupées par leurs mandats. Prévoyez de conduire les entretiens de fin de mandat des élus six mois à un an avant la fin du mandat afin d'aider au repositionnement professionnel du salarié et d'organiser un entretien de mi-mandat chaque fois que possible" (Gilles Gateau, DRH d'Air France et co-auteur du rapport remis à Muriel Pénicaud sur la valorisation des parcours syndicaux).

 

Julien François
Rédacteur pour actuEL CE

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