Le document unique va-t-il disparaître ?

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Le rapport « Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée », dit aussi rapport Lecocq (en réalité, Lecocq, Dupuis et Forest) a fait couler beaucoup d’encre. Elaboré à la demande du Premier Ministre et présenté en août 2018, il propose de nombreux axes de réforme mais aussi 16 recommandations dont la n°13 porte sur la simplification de l’évaluation des risques dans les entreprises.

Le Document Unique risque t-il pour autant de disparaître ?

Retour (rapide) sur le « Rapport Lecocq »

Le rapport rendu en août 2018 par Charlotte Lecocq, Henri Forest et Bruno Dupuis (et appuyés par Hervé Lanouzière), visait initialement à répondre à une double demande du Premier ministre :

  • évaluer la performance du système français de prévention des risques professionnels ;
  • formuler des préconisations pour améliorer l’efficacité et l’efficience de ce système.

Le rapport porte ainsi plus généralement un diagnostic du système de prévention et de ses résultats et propose notamment de le renouveler en fusionnant divers acteurs existants (dont l’ANACT et l’INRS) en une entité nationale déclinée en antennes régionales pour offrir un « guichet unique » de services aux entreprises, mais aussi de repenser dans ce cadre le financement de la prévention et le rôle de l’état en la matière.

Les auteurs proposent enfin 16 recommandations qui appuient le nouveau modèle qu’ils dessinent tout en précisant que certaines de ces recommandations peuvent être appliquées de façon indépendante. C’est le cas de la recommandation no 13 qui a parfois été lue comme annonçant une suppression du document unique…

La recommandation n°13

Le rapport met en évidence que le Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels (EvRP) constitue certes « le préalable incontournable à toute démarche de prévention » mais qu’il « est le plus souvent vécu comme une obligation règlementaire formelle sans utilité pratique par l’employeur ». Dans les PME et TPE (qui constituent plus de 90 % des entreprises et près de la moitié des emplois en France), l’employeur s’occuperait en priorité des questions relatives à la survie ou au développement de son entreprise et ensuite des autres obligations – notamment en santé-sécurité. Pour élaborer et utiliser le document unique de façon à animer sa politique de prévention, il aurait besoin de l’aide d’un spécialiste qui n’existe souvent pas en interne dans ces structures de petites tailles.

Les auteurs prennent les exemples Suédois et Hollandais (page 57) pour expliquer que des dispositifs différents pourraient être imaginés : organiser un réseau de spécialistes par secteurs d’activités qui aideraient les entreprises étant en dessous des seuils d’organisation de la représentation du personnel pour appuyer techniquement et méthodologiquement les employeurs, et/ou s’appuyer sur des canevas d’EvRP élaborés au niveau des branches pour ensuite les décliner et les adapter dans les TPE et PME.

Ils suggèrent ainsi dans leur recommandation n°13 qu’il serait souhaitable de simplifier l’évaluation des risques dans les entreprises pour la rendre opérationnelle et de limiter sa formalisation aux risques majeurs dans les plus petites entreprises. En outre, elle préconise de faire muter le document unique en un « plan de prévention des risques » qui intégrera les éléments d’évaluation des risques. Ce document ne signe pas la disparition du document unique mais sa mutation : le plan de prévention reprendra les résultats de l’EvRP et les complètera par l’ajout du plan d’actions. Enfin, les auteurs du rapport formulent le souhait de faire accompagner les entreprises pour l’élaboration de leur plan de prévention (surtout les petites et moyennes entreprises).

On le voit donc : si les recommandations du rapport étaient suivies, le document unique en tant que support ne disparaitrait pas mais se fondrait dans un autre document plus complet. La logique sous jacente d’évaluation des risques dans une perspective de prévention reste ainsi inchangée et pourrait même s’en trouver renforcée par l’ajout utile d’une formalisation du plan d’actions qui en découle.

 

Stéphan Pezé
Consultant-formateur Santé et Sécurité au travail
Formateur pour Elegia

Auteur de « Les risques psychosociaux : 30 outils pour les détecter et les prévenir »,
Collection « Lire Agir » aux Editions Vuibert

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