L'employeur peut porter plainte contre un médecin

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Le Conseil d’État a rejeté un recours dénonçant la possibilité pour un employeur d’être à l’origine d’une procédure disciplinaire contre un médecin. L'employeur peut donc valablement porter plainte contre un médecin, notamment en raison des certificats ou attestations rédigés par ce dernier.

Patients, organismes locaux d'assurance maladie, associations de défense des droits des patients... L'article R. 4126-1 du code de la santé publique dresse la liste des personnes autorisées à déposer une plainte contre un médecin devant le conseil départemental de l'Ordre. Les plaintes peuvent ensuite donner lieu à l'introduction d'une action disciplinaire contre le médecin visé. La liste, introduite par l'adverbe "notamment" ne présente pas un caractère exhaustif. Des associations de médecins ont demandé au Premier ministre la suppression du mot "notamment". Elles soutiennent qu'en ne limitant pas la liste des personnes habilitées à porter plainte, l'article R. 4126-1 permet à un employeur de faire pression sur un professionnel de santé. Elles visent plus particulièrement le cas où un médecin rédige un certificat ou une attestation faisant un lien entre la pathologie dont souffre un salarié et ses conditions de travail. Il existerait un risque d'atteinte à la protection du secret médical (lors de la conciliation préalable) ou au droit des médecins à un procès équitable (lors de la procédure juridictionnelle).

L'employeur lésé de manière directe et certaine

Devant le rejet implicite de leur demande par le Premier ministre, les associations ont déposé une requête devant le Conseil d'Etat le 19 juin 2016. Ce dernier a rejeté le recours ce mercredi 11 octobre 2017. Il apporte tout de même des précisions sur le texte de loi visé.

Si elle n'est pas limitative, la liste reste restreinte, selon le Conseil d'Etat. Ce dernier souligne que seules les personnes "lésées de manière suffisamment directe et certaine par le manquement d’un médecin à ses obligations déontologiques" peuvent introduire une plainte contre ce médecin. L'employeur qui désire porter plainte doit donc démontrer le préjudice qu'il a personnellement subi du fait des agissements du médecin.

Interdiction des certificats de complaisance

Le Conseil d'Etat souligne également que le médecin visé par l'action disciplinaire n'est pas tenu de méconnaître le secret médical afin d'assurer sa défense. De même, il n'est pas tenu de renoncer à se défendre pour préserver le secret médical.

En revanche, le Conseil d'Etat rappelle aux médecins du travail qu'ils sont tenus, comme tous les médecins, de "respecter les obligations déontologiques s'imposant à leur profession". Il cite notamment les articles R. 4127-76 et R. 4127-28 du code de la santé publique qui encadrent la prescription des certificats, attestations et documents et interdisent les "rapports tendancieux" et les "certificats de complaisance". Toutefois, tempère le Conseil, le juge disciplinaire confronté à de telles accusations doit tenir compte des "conditions dans lesquelles le médecin exerce son art". Le juge doit ainsi tenir compte du fait que le médecin du travail a, de par la spécificité de ses fonctions, accès à des informations sur le fonctionnement de l'entreprise et les conditions de travail des salariés. 
 

Laurie Mahé Desportes, Rédactrice, ActuEL-HSE, quotidien en ligne des Editions Législatives

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