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Publié le - Mise à jour le
A l’occasion de la journée de printemps de l’association Santé et Médecine du Travail, des chercheurs et médecins ont débattu du harcèlement sexuel et de leur rôle dans la prévention et la prise en charge des victimes de cette forme particulière de violence au travail.
Une difficulté majeure est liée au fait que les victimes ont tendance à passer sous silence les agissements qu’elles ont subis. Ce silence peut s’expliquer par l’existence d’un déni autour de ce sujet. Il est en outre encore trop souvent banalisé. Les victimes, dont l’estime de soi est fortement dégradée, éprouvent un sentiment de honte voire de culpabilité. Elles peuvent en outre faire l’objet de moqueries ou d’incrédulité et le discrédit peut être jeté sur leurs plaintes, y compris par leurs proches. Enfin, l’idée est encore communément répandue qu’il s’agit davantage d’une affaire privée que d’un problème de santé au travail. La notion de harcèlement sexuel reste essentiellement cantonnée au domaine juridique, mais difficile à manier en-dehors, ce qui contribue encore à freiner la parole.
L’absence de statistiques ou d’études permettant de mieux comprendre l’ampleur du phénomène est une autre difficulté. Les rares données dont nous disposons proviennent de l’enquête SUMER (2010) dans laquelle 1,9 % des salarié.e.s indiquent avoir fait l’objet de propos obscènes ou dégradants et 0,3 % ont reçu des propositions à caractère sexuel de manière insistante.
D’autres obstacles à la libération de la parole portent plus spécifiquement sur la relation avec le médecin du travail. Ainsi, un médecin de sexe masculin serait moins susceptible de recueillir ces agissements, tout comme l’absence de confiance dans le médecin du travail peut expliquer les réticences à se confier. Enfin, la victime pourrait ne pas considérer le médecin du travail comme un interlocuteur légitime si le harcèlement est vécu comme une affaire privée.
Du fait de la difficulté des victimes à en parler, le rôle du médecin du travail est délicat – il est compliqué de détecter ce phénomène. Plusieurs pistes pour essayer de l’identifier sont ainsi évoquées :
Une fois le harcèlement sexuel détecté, que peut faire le médecin du travail ? Tout d’abord, protéger les victimes pour préserver leur santé. Lorsque leur maintien dans l’entreprise apparait délicat, une inaptitude peut être prononcée. Ensuite, saisir l’employeur et le CSE/CSSCT/CHSCT pour qu’une enquête sur la situation soit diligentée. Le médecin du travail peut participer à cette enquête qui vise à identifier les causes qui ont conduit à cette situation. Il est aussi possible pour le médecin de rencontrer le harceleur pour l’interpeller sur les conséquences de ses actes – sans que cela soit suffisant.
Enfin, en prévention collective, il apparaît qu’il faut vérifier que les salarié.e.s ont été informées de leurs droits en matière de harcèlement sexuel (a minima dans le règlement intérieur) et, le cas échéant, suggérer une campagne de communication pour lutter contre la banalisation du phénomène et préciser les interlocuteurs légitimes à écouter les victimes et à les accompagner.
On le voit, le harcèlement sexuel, même après l’affaire Weinstein et le mouvement #MeToo, reste un sujet délicat tant le silence des victimes rend difficile sa détection et son traitement – laissant les vrais coupables dans une situation d’impunité insupportable. Il reste encore du chemin à faire pour changer les mentalités sur cette forme de violence intolérable en milieu de travail comme ailleurs.
Stéphan Pezé
Consultant-formateur Santé et Sécurité au travail
Formateur pour Elegia
Auteur du livre
« Les risques psychosociaux : 30 outils pour les détecter et les prévenir »,
Collection « Lire Agir » aux Editions Vuibert