L'hypersensibilité aux champs électromagnétiques d'un fonctionnaire reconnue comme maladie professionnelle

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Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise juge la probabilité que l'hypersensibilité électromagnétique contractée par un fonctionnaire soit en rapport avec son travail suffisante pour que son employeur reconnaisse la maladie professionnelle.

À notre connaissance et d'après l'avocat du requérant c'est une première. Un tribunal vient de reconnaître l'électro-hypersensibilité d’un fonctionnaire imputable au service – sachant qu'une maladie imputable au service est dans la fonction publique l'équivalent de la maladie professionnelle dans le secteur privé. Il y a quelques mois, dans une autre affaire, un salarié hypersensible aux champs électromagnétiques s'était déjà vu reconnaître son malaise comme accident du travail par la justice (voir encadré).

Cette fois-ci, l'affaire oppose un agent occupant le poste de technicien d'analyse et de spectrométrie de masse moléculaire et isotopique dans le laboratoire de chimie de l'Irstea (institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture). Il prend son poste en 2006. Il indique à plusieurs reprises au médecin de prévention souffrir d'acouphènes, de problèmes digestifs, d'insomnies, de troubles de la concentration et de maux de tête. Il bénéficie de deux arrêts de travail pour cette raison.

Commission de réforme

En 2011, il demande à son employeur de reconnaître que son syndrome d'intolérance aux champs électromagnétiques est imputable au service. Il revient à l'agent d'apporter la preuve de l'imputabilité de sa maladie au service, puisque celle-ci n'est pas répertoriée dans un tableau de maladie professionnelle. La loi prévoit que si l'administration ne la reconnaît pas, le cas passe devant une commission de réforme, qui donne son avis consultatif à l'employeur, qui rend ensuite sa décision.

En l'espèce, l'Irstea rejette la demande une première fois en suivant l'avis négatif de la commission. Les juges annulent cette décision pour vice de procédure. La commission de réforme donne un nouvel avis, cette fois-ci positif, à trois voix contre une. Mais le président de l'établissement refuse une nouvelle fois de reconnaître l'origine professionnelle de la maladie. L'agent retourne devant la justice. 

"Tout à fait évocateur"

Pour sa défense, l'Irstea cite des mesures effectuées à sa demande par une agence de l'Apave, selon lesquelles l'intéressé n'a jamais été exposé aux valeurs limites d'exposition. Mais la méthodologie retenue était discutable. L'institut cite également le médecin de prévention, qui n'a pas admis le lien entre l'infection et les conditions d'exercice des fonctions. 

De leur côté, les avocats du requérant citent trois médecins. L'un estime être en présence d'une "maladie professionnelle". L'autre écrit que "l'enchaînement des faits corrélé aux observations médicales et aux doléances du patient est tout à fait évocateur d'un syndrome d'intolérance aux champs électromagnétiques". Le troisième, membre de la commission de réforme, explique que les différents bilans n'ont trouvé "aucune pathologie organique" pouvant expliquer l'état de santé de l'intéressé, avant de conclure lui aussi à l'imputabilité au titre de la maladie professionnelle. 

Exposition prolongée

Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise conclut qu'il existe une "probabilité suffisante" que l'hypersensibilité soit en rapport avec une activité professionnelle. Son raisonnement : certes il n'y a pas de consensus médical sur le lien de causalité entre les effets à long terme sur la santé et l'exposition aux champs électromagnétiques (voir encadré), mais l'exposition sur le lieu de travail est "prolongée, significative, plurielle et simultanée à des champs électromagnétiques de fréquences multiples", les troubles sont "réels et invalidants médicalement constatés", et aucun état antérieur ou facteurs extérieurs n'explique ces troubles. Le jugement demande donc au président de l'Irstea de reconnaître l'imputabilité au service. 

Reconnaissance de l'accident du travail

Le tribunal des affaires sociales de Versailles a reconnu en septembre 2018 comme accident du travail le malaise, sur son lieu de travail, d'un salarié du privé. Diagnostiqué hypersensible aux champs électromagnétiques, l'employeur n'avait pas aménagé son poste de travail pour le mettre sur un poste peu exposé, comme le demandait la médecine du travail. En l'absence de preuve, pour son malaise, d’une cause étrangère au travail, la victime avait bénéficié de la présomption d'imputabilité.
 
 

Pour l'Anses, il n'y a pas de preuve en l'état actuel des connaissances

Qu'est-ce que l'hypersensibilité ? Certaines personnes se plaignent de douleurs musculaires, fatigue, pertes de mémoire ou apathie contrastant avec une irritabilité anormale, troubles du sommeil, maux de tête, vertiges, malaise…

Mais "l’inquiétude vis-à-vis de ce risque peut elle-même induire des effets sans rapport avec le risque réel", résume l'INRS.

Dans un avis de mars 2018, l’Anses conclut en l'état actuel des connaissances à l’absence de preuve expérimentale solide permettant d’établir un lien de causalité entre l’exposition aux champs électromagnétiques et les symptômes décrits.

 

 

Pauline Chambost
Journaliste
ActuEL HSE (Editions Législatives)

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