Médecine du travail, ce que prévoit les dispositions de la loi Travail

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La mise en œuvre de la loi du 08 Août 2016, (loi travail), a suscité de très nombreuses réactions. Tout d’abord, les médecins du travail qui voient dans cette réforme une « remise en cause radicale » de leur profession[1], des organisations syndicales salariés qui se sont divisées sur le sujet ; les unes y voyant une « véritable évolution[2] », les autres criant à la régression et pour finir des employeurs qui espéraient une refonte profonde d’un système qui leur coute annuellement 1,3 Milliard d’Euros, et qui pose ouvertement leur responsabilité pénale en matière de santé et sécurité au travail.

Tout d’abord…le constat

Au-delà de ces réactions, un constat doit s’imposer. Notre système de médecine du travail ne peut demeurer en l’état. Un rapport de l’IGAS[3] (Inspection générale des affaires sociales) en date de mai 2015 et relatif à « l’aptitude et la médecine du travail », met en évidence les dysfonctionnements de ces services. Plusieurs éléments sont avancés. Tout d’abord un nombre de visites d’embauche qui a littéralement explosé, connaissant une progression de 47% entre les années 2000 et 2010.  Ce sont alors plus de 22 millions de visites annuelles qui doivent être faite, auxquelles viennent s’ajouter les visites médicales renforcées (7 millions par an pour les seuls travailleurs de nuit), et c’est sans compter les nécessaires visites de reprise.

Des chiffres impressionnants qui doivent être mis en perspective avec une autre donnée qui concerne cette fois-ci la baisse constante de praticiens. En 2014 on compte plus de 5 000 médecins du travail[4], des chiffres variant d’une étude à l’autre, mais qui convergent sur le fait que ce sont presque 40% d’entre eux qui sont aujourd’hui âgés de 60 ans et plus. On parle alors d’un nombre de médecin du travail qui passerait à l’horizon 2020 à 2500. Inutile pour combler cette carence de compter sur une reprise des vocations, en 2013 seulement 64% du numerus clausus était atteint.

Puis…les réformes

Afin de résoudre cette difficile équation, la loi de juillet 2011[5], prévoyait déjà que les visites périodiques puissent être effectuées par des infirmiers sous l’autorité des médecins du travail.

La loi du 08 Août 2016, va plus loin.

Elle transforme la visite d’embauche en visite d’information et de prévention. Ainsi, depuis le 1er janvier 2017, le médecin du travail n’a plus à déterminer l’aptitude ou l’inaptitude au travail d’un salarié à l’occasion de son embauche. Désormais, un professionnel de santé (souvent l’infirmier) effectuera cette visite dans un délai qui ne devra pas excéder 3 mois à compter de la prise effective du poste au travail par le salarié[6].  Une visite qui doit permettre d’interroger et informer le salarié sur son état de santé, ainsi que les modalités de suivi. Il sera aussi informé sur les risques rattachés à son poste de travail. C’est donc à cette occasion que le professionnel de santé sera alors en mesure de décider s'il l'estime nécessaire, d’orienter le salarié vers le médecin du travail, qui pourra alors s’il le souhaite décider de faire procéder à des examens complémentaires[7].

La loi du 06 Août 2016 modifie aussi la périodicité des visites qui jusqu’alors était fixée à 2 ans. Une périodicité désormais fixée directement par le médecin du travail en fonction de l’état de santé du salarié. Sauf cas particuliers (personnes affectées sur des postes à risque, les salariés âgés de moins de 18 ans, femmes enceintes ou bien encore les travailleurs de nuit), la visite périodique ne pourra alors excéder 5 ans.

Mais alors, quel rôle pour le médecin du travail ?

L’annonce de ces nouvelles mesures a suscité de très nombreuses interrogations et en particulier du côté des employeurs. Cette réforme va t’elle finalement impacter le montant de leur contribution financière ? La réponse ne s’est pas fait attendre, c’est non ! En effet, il faut comprendre qu’il ne s’agit aucunement d’une diminution des missions du service de santé au travail et en particulier celles du médecin, mais d’un redéploiement de ses attributions.

Tout d’abord, lui qui était jusqu’alors membre de droit du CHSCT, les nouvelles dispositions de la loi du 17 Août 2015, lui permet désormais de donner délégation à un membre de l'équipe pluridisciplinaire du service de santé au travail ayant compétence en matière de santé au travail ou de conditions de travail.[8] De surcroît, son rôle en matière d’inaptitude est renforcé. Il doit s’assurer de la réalisation des fiches de postes et mettre à jour la fiche entreprise. Enfin, il devient l’interlocuteur de l’employeur avec lequel il doit pouvoir « dialoguer » sur les solutions à mettre en œuvre pour assurer le reclassement du salarié.

Nous aurions aimé trouver à cet article une conclusion qui puisse poser les termes d’une réflexion plus profonde sur l’avenir de la médecine du travail, mais le sentiment partagé par l’ensemble des partenaires sociaux qui pour certains estiment qu’il s’agit d’une régression, alors que d’autres auraient souhaité allez plus loin, ne le permet aucunement.  Aujourd’hui, impossible de dire si dans le cadre des échéances à venir, le sujet sera de nouveau abordé, aucun candidat à l’élection présidentielle ne l’ayant spécifiquement abordé.

Par Henri GREGO
formateur pour ELEGIA


[1] Eric Kozar, médecin du travail - l’express.fr
[2] Hervé Garnier, secrétaire général en charge des sujets relatifs à la médecine du travail à la CFDT,

[3] Rapport n°2014-142R de mai 2015
[4] Atlas CNOM 2014
[5] Loi n° 2011-867 du 20 juillet 2011 relative à l'organisation de la médecine du travail
[6] Article R. 4624-10 du code du travail
[7] Article R. 4624-35 du code du travail
[8] Article L4613-2 du code du travail

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