Nouveautés concernant la lutte contre les agissements sexistes et le harcèlement sexuel au travail

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La Circulaire CRIM n° 2018-00014 du 3 septembre fait le point sur les modalités d’application de la Loi du 3 août renforçant la lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travail. Y sont précisés deux aspects : la création de la contravention pour outrage sexiste et l’extension de la définition du harcèlement sexuel.

Création de la contravention pour outrage sexiste

Le nouvel article 621-1 du Code Pénal créé la contravention d’outrage sexiste qui sanctionne le fait « d'imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».

Cette contravention peut sanctionner des agissements uniques, non répétées, qui sont à mettre en relation avec les agissements sexistes prohibés introduits dans le Code du travail en août 2015, à savoir : « tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant » (article L. 1142-2-1). La preuve de ces agissements pourra être apportée par témoignage mais aussi par exploitation de la vidéosurveillance.

Pour mémoire, ces agissements recouvrent une large palette de comportements, actes et propos. Les propositions explicites à caractère sexuel sont évidemment visées tout comme les attouchements ou frottements, des « gestes imitant ou suggérant un acte sexuel », des « sifflements ou des bruitages obscènes », ou encore la « poursuite insistante de la victime dans la rue ».

Mais cela inclus également d’autres formes de violence sexiste, par exemple :

  • Dire à une femme qu’elle n’est pas (assez) féminine, recommander de changer de vêtements, de se maquiller différemment, bref : dénigrer son apparence (ou dire d’un homme qu’il manque de virilité, etc.) ;
  • Se comporter différemment avec une femme dans ses propos ou ses actes (demander à une femme de « faire le café » lors d’une réunion ou encore de se charger des tâches nécessitant de « l’empathie » au prétexte que c’est une femme, etc.) ;
  • Faire des commentaires ou des « blagues » sexistes (par exemple sur les « blondes ») et plus généralement utiliser des épithètes sexistes (« cocotte », « poulette », etc.).

Attention, pour être reconnus comme agissements sexistes (et sanctionnés comme tels), ces propos, actes ou comportements ne doivent pas obligatoirement être destiné à être humiliants ou blessants. En effet, le Code du travail dit bien « ayant pour objet ou pour effet ». L’intention de nuire n’est pas nécessaire.

Enfin, si cette contravention permet de sanctionner des comportements qui échappaient jusqu’alors à une sanction pénale, elle ne sera retenue que si les faits à l’origine ne peuvent pas faire l’objet d’une sanction plus sévère (comme le délit de harcèlement moral ou sexuel). La contravention pour outrage sexiste est une contravention de 4ème classe (750 euros d’amende) pouvant être portée à une contravention de 5ème classe (1500 à 3000 euros d’amende) en cas de circonstance aggravante tel que l’abus d’autorité ou encore du fait de la vulnérabilité physique ou économique de la victime. Celle-ci pourra être assortie d’une peine complémentaire comme suivre un stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Extension du harcèlement sexuel

La circulaire a également étendu le délit de harcèlement sexuel. Sont désormais visés, outre des propos ou comportement à connotation sexuelle, les propos ou comportements à connotation sexiste au sens de la contravention pour outrage sexiste. Dès lors que les propos ou actes sexistes sont répétés, il ne s’agira plus d’une simple contravention mais d’un délit.

Enfin, l'exigence de répétition est assouplie aux situations ou la répétition est le fait de plusieurs personnes (qu’elles se soient concertées ou non et qui savent que ces gestes ou propos constituent une répétition). Cette extension permet notamment d’inclure le « cyber-harcèlement », via les réseaux sociaux ou moyens numériques ou électroniques (sms, emails, etc.) qui constitue par ailleurs une nouvelle circonstance aggravante du harcèlement sexuel.

Plus que jamais, la prévention passe par l’information des femmes et des hommes de chaque entreprise de ce nouveau cadre légal mais aussi par la capacité de l’employeur à déployer en pratique une tolérance zéro vis-à-vis de toutes les formes de violence sexuelle et sexiste (dispositif de signalement, enquêtes objectives et systématiques, sanctions disciplinaires le cas échéant, accompagnement des victimes dans la procédure de dépôt de plainte, etc.).

 

Stéphan Pezé
Consultant-formateur Santé et Sécurité au travail
Formateur pour Elegia

Auteur du livre
« Les risques psychosociaux : 30 outils pour les détecter et les prévenir »,
Collection « Lire Agir » aux Editions Vuibert

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