Renforcement des moyens d'intervention et d'investigation de l'inspection du travail

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Annoncée par l'article 261 de la loi Macron du 6 août 2015, l'ordonnance sur le contrôle de l'application du travail a été publiée au Journal Officiel du 8 avril 2016.

 

Le texte, qui entrera en vigueur le 1er juillet 2016, vient compléter - et clore selon le communiqué du ministère du Travail du 6 avril 2016 suite à la présentation en Conseil des ministres de l'ordonnance- la réforme de l'inspection du travail déjà amorcée par la réorganisation de l'institution en 2014 (D. n°2014-359, 20 mars 2014, JO 21 mars), réorganisation contestée par une partie des syndicats et validée fin 2015 par le Conseil d'État.
Notons tout d'abord le regroupement par l'ordonnance des inspecteurs et contrôleurs du travail sous l'appellation « agents de contrôle de l'inspection du travail » (C. trav., art. L. 8112-1) et ce, jusqu'à extinction du corps des contrôleurs du travail.
Nous vous proposons un tour d'horizon des changements apportés par le texte en matière de santé et de sécurité au travail.
 

La mise en demeure en cas d'exposition des travailleurs au risque chimique

L'agent de contrôle de l'inspection du travail peut mettre un employeur en demeure de remédier à une situation d'exposition d'un travailleur à un agent chimique cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction, dit « CMR », lorsque cette situation résulte d'une des infractions limitativement énumérées par l'article L. 4721-8 du code du travail (par exemple, le dépassement des valeurs limite d'exposition professionnelle) et étant ainsi définie comme situation dangereuse avérée.

Dans un second temps, l'arrêt temporaire de l'activité peut être décidé par l'agent de contrôle si la mise en demeure est infructueuse et ce, sans que l'agent de contrôle ne doive faire procéder à une vérification du dépassement de la valeur limite d'exposition de la substance CMR comme prévu précédemment (C. trav., art. L. 4731-2 mod.).

Notons qu'à partir du 1er juillet 2016, si une mise en demeure ou un arrêt temporaire d'activité est décidé par l'agent de contrôle, l'employeur ne pourra plus saisir le juge judiciaire pour contester la réalité de ce danger ou les moyens mis en place pour le faire cesser, l'article L. 4723-2 du code du travail prévoyant ce recours étant abrogé par l'ordonnance. Il pourra uniquement exercer un recours devant le ministre du Travail (C. trav., art. L. 4723-1).

 

L'extension des pouvoirs d'investigation des agents de contrôle


L'agent de contrôle peut demander aux employeurs de procéder à des contrôles techniques et analyses pour notamment vérifier que l'exposition des travailleurs est conforme à la réglementation en vigueur.

Le champ des analyses est modifié : il ne concerne plus seulement les substances et préparations dangereuses mais est élargi à toutes matières (substances, mélanges, matériaux, équipements, matériels ou articles) susceptibles de comporter ou d'émettre des agents physiques, chimiques ou biologiques dangereux pour les travailleurs. Cette extension permet d'avoir une vision plus globale des mesures à mettre en œuvre pour assurer leur protection.

L'investigation des agents de contrôle est également facilitée dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail et également en matière de harcèlement moral et de harcèlement sexuel, l'article L. 8113-5 du code du travail permettant l' accès des agents de contrôle aux documents et élément d'information pour constater les faits susceptibles de vérifier le respect des dispositions relatives aux harcèlements moral et sexuel et à la santé et sécurité au travail.
 

L'arrêt temporaire de travaux ou d'activité en cas de danger grave et imminent élargi

Uniquement applicable aux travaux du BTP, la procédure d'arrêt des travaux en cas de danger grave et imminent prévue par l'article L. 4731-1 du code du travail est désormais étendue à l'arrêt d'activité et à tous les secteurs d'activité.

Les cas justifiant l'arrêt temporaire pour danger grave et imminent sont complétés par l'ordonnance. Outre les cas existants, sont également visés :
 
l'utilisation d'équipements de travail ne permettant pas la protection des travailleurs, que ce soit pour absence de protecteurs ou encore pour des protecteurs inopérants ;
le risque résultant de travaux ou d'une activité dans l'environnement des lignes électriques aériennes ou souterraines ;
le risque de contact électrique direct avec les pièces nues sous tension.
La prévention du risque d'exposition à l'amiante est renforcée au travers de cette procédure qui concernera à partir du 1er juillet 2016 les travaux de retrait ou d'encapsulage d'amiante et de matériaux, d'équipements, de matériels ou articles contenant de l'amiante ainsi que les interventions sur des éléments qui seraient susceptibles de provoquer l'émission de fibres d'amiante.

En cas de contestation, l'employeur ne devra plus saisir le juge judiciaire mais le juge administratif par la voie du référé.
 
 

La mise en place du retrait d'urgence des jeunes travailleurs


La simplification de l'affectation des jeunes travailleurs à certains travaux réglementés et ce, tant dans le secteur public que dans le secteur privé aurait pu laisser présager une facilitation des actions de l'entreprise au détriment de la protection de cette catégorie de travailleurs.

Il n'en est rien au regard du texte qui introduit une procédure spécifique de retrait d'urgence des travailleurs d'au moins 15 ans et de moins de 18 ans prévue aux articles L. 4733-1 et suivants du code du travail.

Ainsi, lorsqu'il constate qu'un jeune travailleur est affecté à un ou plusieurs travaux interdits ou, qu'en étant affecté à un ou plusieurs travaux réglementés, ce jeune travailleur est placé dans une situation l'exposant à un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé, l'agent de contrôle peut procéder à son retrait immédiat du poste concerné.

La suspension du contrat de travail ou de la convention de stage pourra être décidée par le Dirrecte sur proposition de l'agent de contrôle. La rémunération ou gratification (selon la nature du contrat) du jeune travailleur est alors maintenue pendant la période de suspension. Si à l'issue des quinze jours suivant le constat du risque sérieux le Direccte refuse la reprise de l'exécution du contrat de travail ou de la convention de stage, il sera rompu avec versement pour l'employeur au jeune travailleur de toutes les sommes qu'il aurait dû percevoir jusqu'au terme de la formation.

Un décret est encore attendu pour déterminer les modalités exactes d'application de cette procédure d'urgence.

L'employeur qui ne se conforme pas aux mesures de l'agent de contrôle en matière de retrait des jeunes travailleurs dans le cadre de l'exercice de travaux interdits ou de travaux réglementés encourt une amende de 3 750 euros et une peine d'un an d'emprisonnement (C. trav., art. L. 4743-3).

  

La révision des sanctions pénales

On assiste à un durcissement des sanctions des employeurs en cas d'infraction aux règles de santé et de sécurité au travail : l'amende prévue à l'article L. 4741-1 du code du travail en cas de faute personnelle de l'employeur ou de son délégataire est désormais de 10 000 euros contre 3 750 euros antérieurement, avec la même peine d'emprisonnement. La récidive fait l'objet d'une amende de 30 000 euros au lieu des 9 000 euros précédemment prévus. L'amende reste applicable autant de fois qu'il y a de travailleurs de l'entreprise concernés.

La sanction applicable au maître d'ouvrage en matière d'opération de bâtiment et de génie civil est également revue à la hausse, passant de 9 000 euros à 10 000 euros.
 

L'institution de sanctions administratives et de la transaction pénale


Outre les sanctions pénales prévues en cas d'infraction aux règles de santé et de sécurité au travail, l'ordonnance crée un nouveau titre dans le code du travail qui institue des sanctions administratives. Ainsi, sur la base du rapport établi par l'agent de contrôle de l'inspection du travail, l'autorité administrative pourra prononcer des peines d'amende à l'encontre d'employeurs en infraction.

Le CHSCT doit alors être informé par l'autorité administrative de l'existence des amendes prononcées à l'encontre de l'employeur (C. trav., art. L. 4751-2).

Par exemple, l'employeur qui ne respecte pas les décisions prises par l'agent de contrôle dans le cadre d'une procédure d'arrêt de travaux ou d'activité en cas de danger grave et imminent pour les travailleurs encourt une amende au plus égale à 10 000 euros par travailleur concerné par l'infraction (C. trav.,art. L. 4752-1).

Des amendes administratives spécifiques sont également prévues pour les jeunes travailleurs aux articles L. 4753-1 et L. 4753-2 du code du travail (amende maximale de 10 000 euros par jeune concerné pour non-respect des décisions de l'agent de contrôle en matière de travaux interdits et réglementés ; 2 000 euros par jeune travailleur en cas d'affectation à des travaux interdits ou réglementés en méconnaissance des conditions requises).

Une transaction pénale est possible avec l'ordonnance du 7 avril 2016 : l'autorité administrative peut désormais transiger avec les personnes physiques ou morales quant à la poursuite de certaines infractions (contravention ou délit) sauf pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement d'un an ou plus.

La transaction peut être conclue sous réserve que l'employeur s'engage à faire cesser l'infraction, à se mettre en conformité et à mettre des dispositions en œuvre pour éviter son renouvellement. La transaction doit être homologuée par le procureur de la République (C. trav., art. L. 8114-4 et s.).

Notons que là encore, l'autorité administrative doit informer le CHSCT de la transaction pénale lorsque celle-ci est relative à des questions relevant de ses missions.

L'ordonnance entrera en vigueur au 1er juillet 2016 mais le Parlement doit encore procéder à la ratification du texte.

Par la rédaction du Dictionnaire Permanent Sécurité et conditions de travail
Partenaire d'ELEGIA Formation
© Editions Législatives


Ord. n° 2016-413, 7 avril 2016 : JO 8 avril
 
 

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