Avec suffisamment de prévention, l'employeur peut s'exonérer de son obligation de sécurité de résultat

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En novembre dernier, la Cour de cassation infléchissait sa jurisprudence sur l'obligation de sécurité de résultat, en tenant compte des mesures de prévention prises par l'employeur. Appliquant cette évolution au harcèlement moral, elle précise ce qu'elle entend par prévention. L'assouplissement amorcé par la Cour de cassation quant à l'obligation de sécurité de résultat incombant à l'employeur allait-elle s'étendre au harcèlement moral ? La question était en suspens depuis novembre dernier.
 

 

Les hauts magistrats viennent d'y répondre : oui, un employeur qui justifie avoir pris à la fois toutes les mesures de prévention prévues par le code du travail et des mesures immédiates propres à faire cesser le harcèlement lorsqu'il est informé des faits, est dans les clous ; il ne méconnaît pas son obligation de sécurité de résultat.

Mais attention, la décision tombée le 1er juin 2016 souligne particulièrement l'importance de la prévention primaire : prendre des mesures a posteriori, pour faire cesser les faits ne suffit toujours pas, et avoir inséré une procédure d'alerte en matière de harcèlement moral dans le règlement intérieur de l'entreprise, en guise de prévention, ne suffit pas non plus. L'employeur doit avoir notamment misé sur l'information et la formation contre le harcèlement.
 

Infléchissement depuis novembre 2015


Le 25 novembre 2015, la Cour de cassation infléchissait pour la première fois sa position sur l'obligation de sécurité de résultat, la rendant en quelque sorte moins "automatique" et la faisant tendre, expliquait l'avocate Joumana Frangie-Moukanas, "vers une obligation de prévention" (Cass. soc., 25 nov. 2015, n° 14-24.444).

Le résultat attendu de cette obligation légale devenait alors moins l'absence d'atteinte physique ou mentale que "l'ensemble des mesures prises par l'employeur, dont les juges du fond pourront apprécier la pertinence". Dans la décision rendue hier, c'est justement la façon de mener cette appréciation que la chambre sociale précise.
 

Un dispositif d'alerte en guise de prévention

Dans cette nouvelle affaire, un salarié victime d'un harcèlement moral auquel l'employeur avait mis fin, selon les constatations de la cour d'appel, avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire aux torts de l'employeur.

Notons que, comme le souligne elle-même la Cour de cassation dans une note explicative jointe à son arrêt, au regard de la stricte application de la notion d'obligation de sécurité de résultat qui était faite jusqu'en novembre dernier, il aurait été assez rapidement jugé que l'employeur avait manqué à son obligation. Il en est désormais différemment, à la lumière de la décision du 25 novembre 2015.

La cour d'appel, s'appuyant sur cette décision, a estimé qu'en matière de harcèlement moral, un dispositif de prévention "ne peut avoir principalement pour objet que de faciliter, pour les salariés s'estimant victimes de tels faits, la possibilité d'en alerter directement leur employeur ou par l'intermédiaire de représentants qualifiés du personnel". Or l'employeur avait bien mis en place une procédure d'alerte.
 

"Pas à n'importe quelle(s) condition(s)"

La Cour de cassation lui rétorque que c'est insuffisant. Les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail imposent d'aller bien au-delà d'un dispositif d'alerte : pour débouter le salarié, la cour d'appel aurait au moins dû pouvoir constater que l'employeur "avait mis en œuvre des actions d'information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral".

"L'employeur peut désormais s'exonérer de sa responsabilité [d'obligation de sécurité de résultat] en matière de harcèlement moral", commente la haute juridiction, "mais pas à n'importe quelle(s) condition(s)", insiste-elle.

"En particulier, la seule circonstance qu'il a pris toutes les mesures immédiates propres à faire cesser le harcèlement moral et qu'il l'a fait cesser effectivement, circonstance nécessaire, n'est pas suffisante. Il importe également qu'il ait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail." Le premier article liste les "mesures nécessaires" : "actions de prévention des risques professionnels", "actions d'information et de formation", "mise en place d'une organisation et de moyens adaptés". Le second reprend les 9 principes généraux de prévention.

Par la rédaction du Dictionnaire Permanent Sécurité et conditions de travail
Partenaire d'ELEGIA Formation
© Editions Législatives

 

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